Fantasy

Les énigmes de l’aube, tome 1 : Premier souffle

Titre : Premier souffle
Cycle/Série : Les énigmes de l’aube, tome 1
Auteur : Thomas C. Durand
Éditeur : ActuSF
Date de publication : 2020 (septembre)

Synopsis : « Bonjour, c’est ici pour apprendre la magie ? » Anyelle a un don. Un sacré don même ! Elle peut renforcer la magie de ceux qu’elle touche. Mais pour maîtriser cette aptitude et apprendre, elle doit quitter la forêt qui l’a vue naître… La voilà en route, joyeuse, insouciante et un peu maladroite pour une école prestigieuse de magie… qui n’aime malheureusement pour elle, ni les filles ni les pauvres…

 

-Tu n’as aucune rigueur, une piètre propension à la concentration, tu es maladroite et bornée. Mais il va bien falloir que tu fasses quelque chose de ton potentiel. Pour cela, il faut que tu découvres d’autres aspects de la magie. Tu comprends ce que je veux dire ?
-Vous voulez que j’aille voir l’orchestre-magique ?
-L’arrège, oui.C’est peut-être une approche de notre grand art qui te parlera davantage.
-Et si ça me plaît pas ?
-Alors nous trouverons autre chose.

Une parenthèse légère

Comme chaque année, les trois maisons d’édition qui composent le collectif des Indés de l’Imaginaire ont fait le pari de sortir conjointement pour la rentrée de septembre trois ouvrages écrits par de jeunes auteurs et autrices prometteurs. Si du côté de Mnémos et des Moutons Électriques, on a misé sur des têtes connues (à savoir Adrien Tomas et Alex Nikolavitch), ActuSF a en revanche décidé de mettre en avant un auteur jusqu’ici absent de son catalogue : Thomas C. Durand. Déjà publié en 2011 par les éditions Asgard, le diptyque des « Énigmes de l’aube » est une œuvre appartenant au registre de la « light fantasy », comprenez de la fantasy humoristique où quiproquos, loufoqueries et bizarreries sont au programme. On pense ici évidemment beaucoup à Terry Pratchett, pour le côté décalé et la légèreté du ton employé, mais aussi, dans une certaine mesure, à J. K. Rowling et son célèbre « Harry Potter ». Le premier tome met en effet en scène une certaine Anyelle, adolescente élevée au fin fond de la forêt par son père, et qui se découvre un pouvoir magique puissant, celui de Renfort (soit la capacité de démultiplier la puissance du pouvoir des autres). Ce don étant à la fois fort rare (et par conséquent très convoité) et fort dangereux, décision est prise d’emmener la jeune fille dans l’école de magie la plus proche afin qu’elle puisse apprendre les bases et éviter de provoquer trop de catastrophes avec son pouvoir. Seulement, Anyelle ne correspond pas vraiment au profil type des élèves de l’École des Magies Utiles et Laborieuses. D’abord parce que la jeune fille possède un caractère bien trempé et n’apprécie que modérément de devoir quitter sa forêt pour suivre un cursus pour lequel elle n’a aucune appétence. Ensuite parce que sa position sociale est très inférieure à celle de ses camarades qui sont tous des citadins plus ou moins fortunés. Enfin, et surtout, parce qu’elle est une fille, et que l’apprentissage de la magie est d’ordinaire réservé aux garçons…

Poudlard version Pratchett

Le lien avec « Harry Potter » saute immédiatement aux yeux et pourra, au choix, rebuter complètement le lecteur, lassé de la sempiternelle rengaine du néophyte qui découvre les joies de la magie, ou au contraire lui procurer un agréable sentiment de familiarité. Car si l’école d’Anyelle n’est certes pas Poudlard, on trouve malgré tout de nombreuses similitudes dans la manière d’aborder le quotidien des élèves ou d’évoquer les spécificités de l’école. Sport en apparence loufoque mais très codifié et suscitant une adhésion sans borne des élèves, professeurs tour à tour étranges, odieux ou protecteurs, chicaneries et inimités entre élèves… : si le monde imaginé par l’auteur n’a rien à voir avec celui de J. K. Rowling, force est de constater que le précédent créé par cette dernière rend presque impossible l’absence de comparaison (difficile en effet de ne pas faire le lien entre métaball et Quidditch, ni d’imaginer le professeur Ferigas autrement qu’en un mélange de Rogue/Lupin oscillant entre froideur et bienveillance). Certains pourraient trouver à y redire, pour ma part j’ai trouvé le décor agréable et les trouvailles de l’auteur plutôt amusantes. Le principal intérêt de la scolarité d’Anyelle réside d’ailleurs moins dans les péripéties qu’elle suscite que dans les thématiques sociétales qu’elle permet à l’auteur d’aborder. C’est le cas notamment du sexisme qui occupe une place centrale dans le roman et qui transparaît dans le comportement de la plupart des personnages, à commencer par les élèves et enseignants de l’école, unanimement scandalisés par la présence dans leur rang d’une représentante de la gente féminine. Les inégalités de classe figurent également au cœur du récit puisque l’auteur insiste bien sur la différence de traitement et de perspective entre les élèves lambda et ceux issus de familles puissantes et fortunées. Le rapport entre homme et nature est aussi évoqué, notamment via la « fonction » du père d’Anyelle (antibûcheron !) qui permet à la forêt de se régénérer rapidement mais pose malgré tout la question de l’exploitation immodérée des ressources naturelles.

Quelques bémols

On passe donc un agréable moment au côté de cette jeune fille perdue dans un univers dont elle ne connaît pas les codes, même si le roman n’est pas exempt de tout défauts, certains plus dérangeants que d’autres. Parmi eux, et sans doute le plus handicapant pour le récit : la quasi-absence d’intrigue. Certes, il s’agit d’un premier tome, mais, à l’exception de la scolarité d’Anyelle, on ne trouve pas beaucoup d’éléments auxquels se raccrocher pour imaginer une histoire plus complexe et ambitieuse (même si la conclusion laisse malgré tout espérer un second volet avec plus de matière…). Les quelques aspects de l’univers évoqués par l’auteur sont intrigants, mais on reste sur notre faim, dans la mesure où ces précisions ne servent, pour le moment, qu’à donner de l’épaisseur au décor et non à l’intrigue. Les personnages sont quant à eux tour à tour extrêmement sympathiques ou extrêmement agaçants, mais étant donné qu’il s’agit d’un parti pris visiblement assumé par l’auteur, cette polarisation fait davantage rire qu’elle ne dérange. Je suis en revanche un peu plus nuancée sur le personnage d’Anyelle qui séduit par son humour et sa force de caractère, mais lasse aussi souvent par son comportement puéril et son attitude faussement détachée qui frôle l’insolence (je côtoie assez d’ados mal lunés dans la journée pour ne pas avoir envie d’en retrouver dans les romans que je lis !). Dernier bémol, plus anecdotique cette fois : la multiplication des notes de bas-de-page qui apportent parfois un complément amusant mais dont la fréquence finit par casser le rythme de lecture, et par conséquent l’immersion.

Thomas Durand signe avec « Premier souffle » un premier volet prometteur qui séduit non seulement par son humour, mais aussi par les problématiques sous-jacentes qu’il aborde. Le mariage entre un décor à la Rowling et un ton décalé à la Pratchett est quant à lui très réussi, même si l’héroïne agace parfois et que l’intrigue reste pour le moment un peu trop simpliste. Ces « Énigmes de l’aube » n’en demeurent pas moins agréables et mettent en scène un univers intriguant dans lequel je ne serais pas contre refaire une incursion à l’occasion de la sortie du deuxième volume des aventures d’Anyelle.

Voir aussi : Tome 2

Autres critiques : Fantasy à la carte ; L’ours inculte ; Ombre Bones (Chroniques de l’imaginaire)

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

4 commentaires

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