Le Janissaire
Titre : Le Janissaire
Auteur : Olivier Bérenval
Éditeur : Mnémos
Date de publication : 2020 (août)
Synopsis : Lorsqu’il débarque sur Khataï, une planète perdue au bout de l’univers, pour enquêter sur l’assassinat d’un haut dignitaire, le janissaire Kimsè ne doute pas un instant qu’il élucidera cette affaire : surentraînés, son corps et son esprit ont été modifiés pour faire de lui l’élite des investigateurs. Mais alors qu’il progresse dans une enquête aux détails de plus en plus troublants, il prend conscience que Khataï est bien davantage qu’un simple rocher ocre : c’est un monde où grondent les légendes, où il se pourrait que l’on croit à la magie, et où une rumeur insaisissable, à peine perceptible, monte…
…
Enquête et space-opera
En cette rentrée 2020, Olivier Bérenval revient dans l’univers de « Nemrod » pour une nouvelle aventure se déroulant dans un tout autre endroit de la galaxie. Planète de moindre importance intégrée à un gigantesque empire galactique, Khataï a vu sa tranquillité ébranlée par la disparition d’un haut dignitaire, assassiné dans de curieuses circonstances. Inquiets quant à la possibilité d’une rébellion sur leur sol, et face à la gravité de la situation, les dirigeants de la colonie se sont résolus à faire appel à un Janissaire, membre d’une unité d’élite spécialement conçu pour régler les problématiques de ce genre et qui suscite la crainte de tous en raison de ses capacités exceptionnelles. C’est Kimsé, un janissaire d’expérience, qui est dépêché sur place, et son arrivée est loin de faire l’unanimité. Outre l’hostilité latente des habitants de Khataï, l’enquêteur/combattant doit également faire face dès son arrivée à une succession de désagréments et de bizarreries qui viennent perturber ses investigations. Il y a d’abord ces représentants locaux sensés collaborer mais qui le font de toute évidence de mauvais gré. Et puis il y a cette absence inexplicable de traces laissées par les assassins, sans oublier le comportement étrange de la victime quelque temps avant son trépas. Bref, l’enquête piétine, et la version privilégiée par les officiels ne satisfait pas le janissaire qui sent bien qu’on le mène en bateau. Parallèlement à cette intrigue, on suit également le parcours d’une habitante de Khataï, vivant entourée de tous ses frères et sœurs (la plupart créés génétiquement) dans un endroit reculé et spécialisée dans l’étude et la réparation des Sentients (comprenez des IA). Si on peine dans un premier temps à faire le lien entre les deux personnages, leurs destins ne vont pas tarder à se croiser, et à bouleverser les certitudes de l’un, et la tranquillité de l’autre.
Une atmosphère intrigante…
Le space-opera, ce n’est généralement pas ma tasse de thé. Le fait qu’il s’agisse avant tout ici d’une enquête m’a cependant suffisamment intriguée pour que je me laisse tenter par l’univers d’Olivier Bérenval. Cet aspect du roman m’a d’ailleurs plutôt plu, même si les investigations du Janissaire n’occupent finalement pas une place aussi importante que ce que j’imaginais puisque le « mystère » de l’assassinat est finalement rapidement éclipsé par une série d’autres événements. La seconde moitié du roman se consacre ainsi davantage aux conséquences de ce meurtre et à la manière dont certains individus ou groupes vont tenter d’en tirer avantage qu’à ces commanditaires. L’ambiance est elle aussi assez enthousiasmante grâce notamment à des descriptions des paysages de cette planète désolée et du vide sidéral qui l’entoure qui sont particulièrement saisissantes (la couverture en est d’ailleurs un très bel exemple). Si certains pans de cet univers se révèlent assez classiques (empire galactique, IA, modifications génétiques…), d’autres sont en revanche bien plus originaux (du moins m’a-t-il semblé) et, bien que souvent simplement esquissés, attisent sans mal l’imagination du lecteur. C’est le cas de ces énormes créatures/machines responsables de la terraformation de la planète, ou encore de tout ce qui touche à l’ordre des Janissaires sur lequel on en apprend plus dans la seconde moitié de l’ouvrage. J’ai en revanche eu beaucoup de mal à me faire au vocabulaire spécifique à la SF « pure et dure » qui m’ennuie prodigieusement et a pour effet immédiat de mettre fin à l’immersion. Les premiers chapitres sont d’ailleurs assez « raides » dans ce domaine, et je dois avouer qu’après avoir entendu parler de « codage utilisant les propriétés d’intrication quantique », de « passages transstellaires » de « dôme hypnomagnétique », j’ai bien failli reposer l’ouvrage de découragement.
… mais des personnages trop distants
Il ne s’agit cependant pas du seul bémol que j’ai relevé au cours de ma lecture qui, si elle se sera faite plus fluide par la suite, aura tout de même globalement été assez ardue. La faute notamment à un manque total d’attachement envers les personnages, à commencer par ce Janissaire qui rebute dans un premier temps par sa froideur et qui, alors même que toutes ses certitudes se sont vues ébranlées, gardera tout au long du roman une certaine distance avec le lecteur. Certains personnages secondaires sont un peu plus loquaces et expressifs, comme la jeune « technicienne » Nourgehan ou encore l’assesseur Creek qui, bien que trop peu développées pour susciter une véritable empathie, n’en demeurent pas moins plus intéressantes à suivre car moins avares en émotions. Les « méchants » de l’histoire sont pour leur part beaucoup trop caricaturaux et remplissent leur rôle à la perfection : rien chez eux ou presque ne viendra remettre en cause ou nuancer l’image négative que l’on se fait d’eux, et leurs motivations sont toujours purement égoïstes ou engendrées par un fanatisme primaire. Les relations entre les personnages sont à l’avenant, la plupart se contentant de dialoguer sans que jamais de véritables liens ne se créent entre eux. Cela aura pu, pourtant, entre Creek et Kimsé, ou entre ce dernier et Nourgehan, mais à chaque fois l’auteur évacue le sujet trop rapidement, si bien qu’aucun échange vraiment profond n’a lieu entre les protagonistes. C’est d’autant plus dommage que la grosse révélation qui fait basculer le roman dans une toute autre direction à peu près au milieu du récit aurait pu justement permettre de casser cette distance et de remettre en cause tout ce que l’on savait sur ce Janissaire. Malheureusement, l’auteur préfère se concentrer sur l’évolution des événements sur Khataï, si bien que le rythme gagne en intensité tandis que les personnages perdent encore un peu plus en humanité.
Olivier Bérenval signe avec « Le Janissaire » un roman de SF qui ravira sans doute les amateurs du genre mais qui m’a malheureusement laissée sur le bord de la route, et ce pour des raisons très subjectives (manque d’attrait pour le vocabulaire et l’ambiance, notamment). L’ouvrage possède malgré tout de solides atouts, à commencer par son décor, même si le manque d’empathie ressenti pour les personnages reste à mon sens un gros bémol.
Autres critiques : Apophis (Le culte d’Apophis) ; Célindanaé (Au pays des cave trolls) ; Lutin82 (Albédo – Univers imaginaires) ; Xapur (Les lectures de Xapur)
4 commentaires
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Célindanaé
On s’est pas donné le mot pourtant 🙂
J’ai beaucoup aimé l’univers et l’intrigue, mais je suis d’accord par rapport aux personnages, j’ai eu le même ressenti que toi.
Boudicca
Ah ouf ^^ Quelle synchronisation ! 😉
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