Fantasy

La mythologie viking

Titre : La mythologie viking (Norse mythology)
Auteur : Neil Gaiman
Éditeur : Au Diable Vauvert / Pocket [site officiel]
Date de publication : 2017 / mai 2018 (2017 en VO)

Synopsis : La légende raconte qu’il existerait neuf mondes, reliés par Yggdrasil, le frêne puissant et parfait. C’est là le théâtre des aventures d’Odin, le plus grand et ancien dieu, Père de tout ; de son fils aîné Thor, fort et tumultueux, armé de Mjollnir, son légendaire marteau ; et de Loki,…
Bibliocosme Note 4.0

Loki essaya de réprimer son agacement. Tous les dieux étaient-ils des idiots ? Il se mit à leur expliquer, comme s’il adressait à un petit enfant. « L’ouvrier va entamer la construction de son enceinte. Il ne l’achèvera pas. Il va travailler six mois, sans salaire, en pure perte. Au terme des six mois, nous le chasserons – nous pourrons même le rosser pour sa présomption – et ensuite, nous pourrons utiliser ce qu’il aura pu accomplir jusque-là comme fondation de l’enceinte que nous achèverons au long des années à venir. »
[…] Tous les dieux bougonnèrent et flanquèrent des claques dans le dos de Loki en le traitant de grande canaille, jugeant que c’était une excellente chose qu’il soit une canaille et dans leur camp, qu’ils allaient ainsi obtenir des fondations qui ne leur coûteraient rien. Et ils se félicitèrent de leur intelligence et de leur science du marchandage.

Neil Gaiman est fan de mythologie nordique, et on le comprend ô combien ! Du coup, en 2017, il a publié un recueil de nouvelles reprenant les principaux personnages de cette mythologie afin d’en créer un récit construit.

La mythologie viking Diable vauvert

La mythologie nordique, la « mythologie des vikings »

Il y a, tout d’abord, un premier aspect qui peut faire tiquer, c’est la traduction du titre : là où Neil Gaiman nomme son ouvrage « Norse mythology », la traduction française choisit « La mythologie viking ». Bon… ce n’est donc presque rien, mais l’abandon de l’expression « mythologie nordique » est symptomatique : le grand public adhère-t-il davantage à l’idée de « vikings » plutôt qu’à l’idée de « nordiques » ? Sûrement, sinon ce choix n’aurait pas été fait, mais c’est tout de même d’autant plus amusant quand on lit Neil Gaiman préciser que cette mythologie est loin de limiter son influence aux guerriers du haut Moyen Âge venant de Scandinavie. Odin, Thor, Loki et leurs comparses sont ainsi la partie émergée d’un iceberg conséquent qu’est cette mythologie nordique. Ce petit ouvrage en seize récits et un glossaire est donc l’occasion de remettre à l’endroit ce qui est à savoir à propos des Neuf Mondes, des deux corbeaux Huginn et Muninn, de la vache Audhumla, du néant Ginnungagap, de la guerre entre les Ases et les Vanes et de tant d’autres choses. L’ensemble est finalement bien didactique.

Un recueil de contes à lire et à faire lire

Neil Gaiman a ici opté un recueil de nouvelles écrites sur la base de références bibliographiques précises, mais sous la forme de nouvelles tout à fait cohérentes. L’ensemble crée ce qu’on peut appeler parfois un « fix-up », puisque ces nouvelles se suivent, se complètent et forment une histoire globale cohérente. Parmi ces nouvelles, la réussite n’est pas forcément homogène, les meilleurs sont probablement « La tête de Mimir et l’œil d’Odin » et « Les trésors des dieux ». La construction du recueil est bien vue et progressive, pour s’immerger au fur et à mesure dans la mythologie asgardienne. Le plaisir peut être tout aussi grand si on découvre tout (des origines d’Yggdrasil aux facéties des géants) ou si on a déjà les principales bases. D’ailleurs, le but de ce recueil est d’abord de servir de petit livre de contes pour enfants, ce qui n’est pas bête, rien que pour proposer un autre imaginaire, alternatif aux habituels contes de Perrault et autres légendes bibliques.

Une mythologie à redécouvrir

Faire ce point sur l’ensemble de la mythologie nordique, c’est l’occasion de revenir aux sources de ces personnages divins et d’en tirer des réflexions intéressantes. Ainsi, Thor est un peu con, Freya est la plus belle mais n’est vue que comme une marchandise que la plupart et les dieux en général ne sont pas très fins, par contre sont particulièrement radins, assistés et individualistes. Autre paradoxe, pour certains, les dieux ont la capacité de changer de sexe et n’ont donc pas forcément une sexualité orthodoxe par rapport aux préjugés occidentaux et pourtant (ô combien, et pourtant !) ces derniers sont bien présents ici, ils pèsent sur les représentations divines en conservant des postures sexistes et traditionalistes. C’est assez amusant de voir Neil Gaiman jouer subtilement avec ces remarques-là.
En somme, Neil Gaiman a la légitimité de ses nombreux écrits fantasy et fantastiques pour se permettre de reprendre à son compte l’ensemble de la mythologie nordique et d’en faire un recueil de contes cohérent, « définitif » au sens de complet et tout à fait auto-suffisant.

Autres critiques :
Célindanaé (Au pays des Cave Trolls)
Oriane (La Pile à Lire)
Phooka (Book en Stock)

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

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