Fiction historique

L’Armée des Veilleurs, tome 1 : Les frontières liquides

Titre : Les frontières liquides
Cycle/Série : L’Armée des Veilleurs, tome 1
Auteur : Jérôme Nédélec
Éditeur : Stéphane Batigne
Date de publication : 2017 (septembre)

Synopsis : À la toute fin du IXe siècle, Vikings et Bretons se font face de part et d’autre du fleuve. Deux peuples, deux armées, deux soldats, deux hommes, prêts à s’affronter dans un déferlement de métal et de feu. Mais pour quoi au juste ? Pour un surcroît de richesses ? La possession d’un territoire ? La fidélité à un chef ? Ou parce qu’il n’y a pas d’autre choix ? Alors que les armes s’aiguisent, que les stratégies s’élaborent, que les peurs s’exacerbent, l’esprit d’une petite fille dotée de pouvoirs mystérieux vole au-dessus du champ de bataille et s’insinue dans l’âme des belligérants, tentant de dessiner un destin différent de celui qu’espèrent les guerriers.
Bibliocosme Note 3.5

L’heure n’était plus à la bataille rangée mais aux combats de chiens, où le but était d’épuiser l’adversaire. Les escarmouches se multipliaient avec leur lot de bravoure, de trouille et de lâcheté… On se trouvait à mille lieues des combats épiques et des chansons qui cachent pudiquement à l’auditoire les tripes répandues et l’odeur de merde. La réalité telle que je la voyais aurait d’ailleurs fait passer l’envie de chanter à n’importe qui !

Bretons VS Vikings

Fin du IXe siècle. Les Vikings se sont implantés sur le territoire breton et cherchent à grignoter de plus en plus de territoires. Seulement la résistance s’organise sous l’impulsion du roi Alain Ier qui charge une petite troupe de bloquer l’avancée des hommes du Nord en attendant l’arrivée du reste de l’armée. L’affrontement qui découlera de cette rencontre entre les deux peuples est resté célèbre, et c’est justement cette bataille de Questembert qui fait l’objet du premier roman de Jérôme Nédélec. L’auteur m’était inconnu, et le serait probablement resté s’il ne nous avait pas contacté via le site pour nous proposer de découvrir son ouvrage. Bien que d’ordinaire méfiante vis à vis des romans proposés directement par l’auteur, le pitch de ce premier tome ainsi que les retours positifs de certains camarades blogueurs (L’ours inculte ; Albédo ; Au pays des cave trolls…) ont fini par me convaincre de tenter l’expérience. Et je ne le regrette absolument pas, le roman de Jérôme Nédélec reposant sur des bases solides et s’étant révélé très plaisant à lire (en dépit d’une couverture peu engageante, il faut bien le dire…). La narration est assurée par deux personnages bien campés et auxquels on s’attache sans mal : le premier est un jeune guerrier breton à la langue bien pendue, cherchant à cacher sa peur derrière un humour de façade ; le second un Viking plus âgé, vétéran de plusieurs campagnes et aspirant désormais à un peu de paix. Les chapitres alternent ainsi entre l’un ou l’autre des protagonistes, dont les chemins vont évidemment être amenés à se croiser.

Une reconstitution historique de qualité

Quelques passages introduisent également un troisième personnage déterminant, dont on ignore pour le moment la véritable nature, mais qui prend les atours d’une petite fille aux pouvoirs étranges. C’est d’ailleurs la seule touche de surnaturel que comporte l’ouvrage qui, pour ce qui est du reste, a tout du roman historique. Il faut dire que la reconstitution est particulièrement réussie, l’auteur ayant de toute évidence procédé à de minutieuses recherches, notamment en matière d’histoire militaire. Les descriptions se font ainsi beaucoup plus précises dès lors qu’il est question d’équipements ou de tactiques militaires, sans pour autant tomber dans le travers « cours d’histoire ». Le même soin est d’ailleurs apporté aux mentalités des personnages, l’auteur ne cherchant jamais à édulcorer ce qui pourrait gêner un lecteur d’aujourd’hui mais essayant au contraire de se glisser véritablement dans la peau d’un homme de l’époque. Ce parti pris permet de donner naissance à des personnages durs qui ne plairont peut-être pas à tout le monde mais qui, au moins, sonnent vrais. Cet aspect du roman, de même que le soin apporté au volet militaire, m’a d’ailleurs à plusieurs reprises fait penser à ce que peut écrire (dans une toute autre mesure, bien sûr), Bernard Cornwell dans ses « Histoires saxonnes » ou encore sa « Saga du roi Arthur ». Le même réalisme se vérifie également dans la vision des Vikings véhiculées ici par l’auteur qui ne s’attarde pas sur les clichés habituels mais dresse au contraire un portrait réaliste de ces guerriers nordiques qui sont loin de constituer un peuple à part entière et qui appartiennent au contraire à une multitude de clans et régions.

Personnages, intrigue, style : aucune réelle fausse note

L’intrigue est pour sa part assez simple, l’auteur ne cherchant pas à multiplier les sous-intrigues, et encore moins les décors et les personnages, mais l’ensemble est traité avec habilité. Le rythme est soutenu du début à la fin et certains rebondissements parviennent à surprendre agréablement le lecteur. Les scènes de batailles sont quant à elles très bien reconstituées, à mi chemin entre l’épique et le réaliste sanglant. On trouve également peu de choses à redire du côté des personnages qui jouent leur rôle avec conviction. Les deux protagonistes sont suffisamment complexes pour intriguer le lecteur, et suffisamment sympathiques pour le faire se soucier de leur sort. Les personnages secondaires ne sont toutefois pas en reste, même si on aurait aimé que certains soient un peu plus étoffés. Golven, le moine-guerrier, est notamment très convainquant (c’est bien la première fois que je trouve un homme d’église sympathique !), de même que les guerriers entourant notre héros vikings, ou encore la belle Arganthaël, un des rares personnages féminins, dont le rôle ne se limite heureusement pas à celui de simple potiche. Le roman se termine par une conclusion satisfaisante qui pourrait laisser penser à un one-shot, mais l’ouvrage s’insère en réalité dans un projet plus ambitieux consacré à l’histoire du royaume de Bretagne et aux menaces auxquelles il a du faire face. On découvre d’ailleurs à la fin de ce premier tome que les ambitions de l’auteur ne se limite pas à une série puisqu’il propose également des vidéos, de la musique, des illustrations ou encore des jeux dans le même univers (ici).

Jérôme Nédélec signe avec ce premier tome de « L’armée des Veilleurs » un roman solide qui séduit non seulement par la qualité de sa reconstitution historique, mais aussi par celle de ses personnages ainsi que de sa plume. Si tout n’est évidemment pas parfait, ce premier roman reste en tout cas tout à fait recommandable et possède suffisamment d’atouts pour plaire à un large lectorat.

Voir aussi : Tome 2

Autres critiques : Blackwolf (Blog-O-Livre) ; Célindanaé (Au pays des cave trolls) ; Jean-Philippe Brun (L’ours inculte) ; John Evasion (Evasion Imaginaire) ; Lutin82 (Albédo – Univers imaginaires) ; Samuel Ziterman (Lecture 42)

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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