Shelton & Felter, tome 1 : La mort noire
Titre : La mort noire
Cycle/Série : Shelton & Felter, tome 1
Auteur : Jacques Lamontagne
Éditeur : Kennes
Date de publication : 23 août 2017
Synopsis : Boston, États-Unis, 1924. Isaac Shelton est un ex-boxeur, jeune journaliste à la plume encore mal dégrossie, qui traque le fait divers à la recherche du scoop qui pourrait booster sa carrière. Thomas Felter est quant à lui un libraire d’un certain âge, vivant seul avec ses chats, grand amateur de littérature policière et qui a aiguisé à travers ses lectures un esprit analytique hors du commun. Quand Shelton rencontre Felter, le premier convainc le second de l’aider à résoudre les grands mystères de la ville, ce qui lui permettra de pondre l’article qui fera de lui un journaliste reconnu.
– J’ai bien peur de vous décevoir M.Shelton. Je n’ai éclairci que quelques petits mystères pour des clients de ma librairie,
mais rien qui soit d’intérêt. Il y a eu cette fois ou Madame Baker a trouvé son perroquet en cage devenu complètement blanc, ou encore M.Quincy qui s’est réveillé avec sa longue barbe entièrement rasée d’un seul côté.
– Qui lui était-il arrivé ?
– Excusez-moi, 21h00, c’est l’heure de mes gouttes.
Bien connu comme illustrateur sur la série Druides et en tant que scénariste sur l’excellente série Van Helsing contre Jack l’éventreur, Jacques Lamontagne revient aux commandes d’une nouvelle série avec la double casquette. Illustrateur et scénariste, Jacques Lamontagne plonge le lecteur dans l’Amérique des années 1920 pour une prenante enquête policière.
En pleine prohibition aux Etats-Unis, le corps sans vie d’un juge de Boston est retrouvé sans vie dans la rue. La police examine la scène sans grand succès et les badauds s’agglutinent espérant apercevoir quelque élément macabre. Parmi eux, Isaac Shelton, journaliste en manque d’argent comme d’expérience, cherche le succès dans ces faits divers. A ses côtés dans la foule, Thomas Felter, libraire de son état, un petit bonhomme à l’oeil aguerri qui parvient à résoudre l’affaire en quelques regards. Shelton abasourdi voit là la solution à ses problèmes pécuniaires et s’imagine déjà résoudre les affaires les plus tordues avec ce précieux allié. Bientôt, un étrange crime est perpétré, le duo improbable se forme et n’a plus qu’à résoudre l’affaire.
Avec Shelton & Felter, les amoureux de policier seront ravis. Il faut dire que tout est rassemblé pour séduire dans ce premier album. L’atmosphère de la prohibition aux Etats-Unis avec ses rues sombres ravira les amateurs d’ambiance dans le style d' »‘Il était une fois en Amérique » ou de « Les incorruptibles », une époque riche en possibilité et en aventures. Les fans de Sherlock Holmes y trouveront aussi leur bonheur, le sagace Felter n’est en effet pas sans rappeler le détective anglais avec son sens de l’observation à toute épreuve. Sa personnalité dépasse son seul penchant pour les enquêtes. Il est aussi et avant tout libraire, amoureux des chats et hypocondriaque. Mais Shelton & Felter, comme son titre l’indique c’est d’abord l’histoire d’un duo à la Laurel et Hardy. Le petit rusé et malin, le grand plus dégingandé, éternel enthousiaste et protecteur du premier, cela n’est pas sans rappeler non plus Astérix et Obélix. Le musculeux Shelton n’est pas moins réussi que le petit et moustachu Felter. Ancien boxeur, journaliste sans le sou et presque sans logement, son bagout en fait un personnage habile lorsqu’il s’agit d’embobiner les autres pour parvenir à ses fins. Un duo finalement classique de la bande-dessinée franco-belge qui a, en somme, tous les atouts pour espérer faire date. Derrière ce duo se cache un humour très présent, toujours justement dosé avec des moments vraiment cocasses. Assez verbeux, mais avec des dialogues toujours réussis et percutants, La mort noire ne souffre nullement de problèmes de rythme. Tous les ingrédients du bon policier sont présents: rebondissements, fausses pistes, tout est là pour entraîner le lecteur sur des voies qui ne sont évidemment pas les bonnes. L’intrigue de ce premier tome, classique, est menée rondement du début à la fin, sans véritable faiblesse.
Ce squelette narratif s’est ensuite vu adjoindre un agréable enrobage graphique. Dès la couverture (qui m’évoque de façon persistante mais lointaine La marque jaune), le ton est donné. Une ruelle sombre baignée par la faible lumière des lampadaires vient éclairer partiellement une scène de crime. La lumière a en effet bénéficié d’un soin minutieux dans La mort noire, en apportant une dimension supplémentaire à certaines cases, comme lors de la case d’ouverture avec cette scène de crime uniquement éclairée par les phares des voitures de police. Au niveau des personnages enfin, ce travail de lumière est tout aussi réussi grâce au travail de colorisation de Scarlett Smulkowski. Le trait de Jacques Lamontagne ne se veut pas réaliste mais il n’en restitue pas moins parfaitement l’ambiance noire de ce Boston de 1924. La rondeur du trait, non dénuée de précision, vient ajouter au côté humoristique et bonhomme des personnages. Enfin, il faut souligner le découpage et la mise en scène de cet album, tiré au cordeau. Le dessinateur varie les angles de vues, les plans et la direction des sources d’éclairage pour des effets judicieux et qui permettent dans chaque planche l’insertion d’un petit gag visuel, d’un indice ou tout simplement d’un détail soigné qui nous fait dire que c’est du beau boulot. Du très beau boulot même.
La mort noire est une lecture particulièrement agréable et inaugure une nouvelle série de fort belle manière : des personnages attachants, de l’humour au service d’une intrigue policière classique mais prenante, et un dessin qui vient parfaitement habillé le tout !
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