Science-Fiction

L'Homme-fourmi

lhomme-fourmi

Titre : L’Homme-fourmi
Auteur : Han Ryner
Éditeur : L’Arbre vengeur (fiche officielle)
Date de publication : 22 octobre 2013 (1901 pour la 1re édition)

Synopsis : On ne se méfie pas assez des fées, surtout celles qui errent dans les landes désertes et ont tôt fait de vous transformer en fourmi si vous acceptez de les prendre au sérieux. C’est cette aventure hors du commun que le héros de ce livre, tout d’abord incrédule avant de céder à l’émerveillement, va vivre pendant une année. Projeté dans l’univers d’une fourmilière, il découvre la grandeur d’une espèce minuscule dont, revenu au triste monde des hommes, il peinera à traduire les beautés, les intelligences et les héroïsmes.
Sur un thème qui inspirera des auteurs plus ou moins fameux, Han Ryner le premier a imaginé une remarquable et passionnante plongée, vibrante de poésie. Il a surtout cherché « un prétexte à blâmer nos orgueils, à nous qui par les sens, sommes inférieurs à tant d’animaux, à nous qui souvent croyons tout savoir et dont l’intelligence très probablement doit errer magnifiquement parmi une foule d’erreurs insoupçonnées ».
Une leçon de littérature en même temps qu’une leçon de vie. Et un roman inoubliable.

Note 3.0

Au pays des fourmis, où la majorité n’a pas de sexe, les êtres sexués sont, naturellement, les plus ineptes des spécialistes.
Il faut exercer sur les mâles une surveillance sévère. Si les femelles ne sont, jusqu’aux fièvres du jour nuptial, que des imbéciles, les mâles, dès la première heure, sont des fous.

À l’image de Régis Messac ou de Jacques Spitz, Han Ryner fait partie de ses grands auteurs de SFFF français du début du XXe siècle qu’il convient de découvrir ou de relire assidument car leur vision des littératures de genre est tout autre que la nôtre, et pourtant elle peut être tout aussi utile et actuelle. Les éditions de L’Arbre vengeur ont ainsi décidé de rééditer L’Homme-fourmi de Han Ryner : de son vrai nom Jacques Élie Henri Ambroise Ner, cet auteur méconnu fut à la fois libertaire, anarchiste, antimilitariste et anticléricaliste, bref un bon !

Dans L’Homme-fourmi, Han Ryner part d’un propos simple : Octave-Marius Péditant, attisé par un fort penchant scientifique, se fait transformer, par l’intermédiaire d’une fée rencontrée par hasard, en une fourmi travailleuse afin de satisfaire sa curiosité envers le monde animalier que constitue une fourmilière. L’idée semble convenue, mais à l’image des Spider-Man, Squirrel Girl, Aquaman et autres Batmans actuels (ou pire « Ant-Man », forcément), l’objectif primaire est normalement de voir l’interaction entre les réflexes humains et la découverte d’une vision qui nous est tout bonnement inconnue, ici vivre une fourmilière de l’intérieur avec les réflexes et les affres d’une vie de fourmi.

Je vois dans la science-fiction française du début du XXe siècle un mouvement codifié mais très ouvert vis-à-vis de l’idée de « littérature de genre ». Bien souvent, il s’agit de prendre un principe simple, un homme est transformé en fourmi, et de le pousser au bout pour en voir les conséquences et ce qu’on peut en apprendre. Bien sûr, la passion scientifique est le plus souvent à la base du récit, mais cela n’empêche pas de faire des liens si besoin avec le fantastique et la fantasy sans crainte de perdre le lecteur ; ici, l’origine de la transformation est directement liée à la féérie de la nature et le traitement même de l’expérience du narrateur se fait bien plus sur le ressenti qui prend progressivement le pas sur le protocole scientifique imaginé au départ.

En effet, la transformation du héros en fourmi est l’occasion pour lui de sentir la condition de fourmi au plus près. S’exprimer sans mot, prendre sa place dans une société très normée, faire passer des sentiments nouveaux… Han Ryner tente de nous faire comprendre le dépaysement total subi par le protagoniste et d’en tirer des enseignements, ils pourraient être de deux ordres principaux : lutter contre les conditionnements extérieurs et favoriser sa libération intérieure. Tout en s’efforçant de mener dans la fourmilière une action politique, au sens de mouvement visant à organiser différemment une société fonctionnant selon un certain modèle, le héros cherche à dépasser sa condition sans forcément vouloir dominer les autres… Il est tentant de faire un lien avec les considérations politiques et sociales de l’auteur.

À l’heure du changement climatique et des désastres sociaux en marche, la leçon de vie de L’Homme-fourmi serait utile à beaucoup d’entre nous pour sortir de l’entre-soi, pour changer d’échelle de réflexion, pour se décentrer de notre petit profit immédiat.

Autres critiques :

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

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