Science-Fiction

Antiqu'idées

Antiqu'idées

Titre : Antiqu’idées
Auteurs (Nouvelles) : Estelle Faye (« La Maison des Vignes »), Eva Simonin (« Rivages »), Fabien Clavel (« Deux fois vainqueur traverser l’Achéron »), Olivier Boile (« Le rêve du pont Milvius »), Justin Hurle (« Ponce, Pilate, ponce ! »), Brice Tarvel (« Le tombeau de Calypso »), Myrtille Bastard (« Chez Lucius, Dieux, Lares et génies »), Isabelle Arnoult (« Âheli ou la mémoire enfouie »), Jean-Hugues Villacampa (« Quid Novi Medice ? »), Arnaud Cuidet (« Carthage ! »), Pierre-Marie Soncarrieu (« Boadicée »), Romuald Herbreteau (« Une histoire Tauride »), Jérôme Verschueren (« L’Immortel et l’Assassin »), Lionel Davoust (« Faisabilité et intérêt zootechniques de la métamorphose de masse »)
Éditeur : ImaJn’ère
Date de publication : 25 mai 2016

Synopsis : Après « Histoires d’Aulx », « U-chroniques », « Riposte Apo », « Total Chaos », « Rétro-fictions » et « Star Ouest », l’association imaJn’ère vous propose une nouvelle anthologie thématique !
Réalisée à l’occasion du sixième salon ImaJn’ère, le salon de la Science-Fiction et du Policier d’Angers où de plus en de plus d’auteurs de l’imaginaire francophone se réunissent chaque année, l’anthologie Antiqu’idées explore tous les aspects bien connus de l’Antiquité, par le biais de la science-fiction, de la fantasy, du fantastique et d’une pointe de polar.
Que pouvons-nous trouver comme idées neuves en refouillant l’Antiquité ? Revisiter un passé déjà connu, imaginer un futur plus rose ou tout simplement plonger dans l’Histoire antique pour le plaisir des yeux et des sens, voilà le programme d’Antiqu’idées. Quinze auteurs ont imaginé des histoires originales mettant en scène des éléments ou des personnages antiques, pour bousculer nos connaissances et rappeler que l’Histoire peut être vue autrement, voire même revécue.
De la Guerre de Troie à la Cimmérie, en passant par l’Égypte, Carthage et les confins bien connus de notre héritage gréco-latin, ces quinze nouvelles s’attachent à nous conter gaiement notre besoin de combat épique, de voyage au lointain et de quête de nos racines.

Note 3.5

– Les moustiques, Grand Pharaon… les moustiques vont nous envahir.
– Quelle plaie ! hurla de nouveau le seigneur du Nil.

[dans « Ponce, Pilate, ponce ! » de Justin Hurle]

Même sans prendre part à la sélection des nouvelles du concours, il devient très difficile de critiquer les anthologies ImaJn’ère tout en étant aussi impliqué dans l’organisation du salon éponyme. Il n’empêche, lançons-nous et donc, pour sa 6e édition, le salon de la science-fiction et du roman policier d’Angers propose une anthologie sur le thème des « Antiqu’idées ». En effet, l’Antiquité a été décortiquée à travers mythes, influences, péplums et personnages historiques pour établir un sommaire intéressant d’une petite vingtaine de nouvelles de science-fiction, de fantasy, de fantastique et de polar.

Comme dans certaines autres anthologies, Estelle Faye ouvre la danse grâce à « La Maison des Vignes » où elle met en scène la vie simple d’un groupe d’amis dans un cadre contemporain et champêtre ; en leur sein va s’immiscer la fameuse divinité romaine du vin et de l’ivresse, Dionysos. C’est une nouvelle rafraîchissante qui lance parfaitement cette anthologie dans l’idée que l’Antiquité est utile n’importe où, n’importe quand, même et surtout de nos jours.

Lauréate du concours de nouvelles, Eva Simonin nous lance sur les « Rivages » troyens grâce à un système d’immersion bien mis en scène. C’est un texte suffisamment bien construit et son scénario se défend très bien.

Fabien Clavel a choisi, de son côté, de prendre le risque de proposer carrément un poème ! Et pas n’importe lequel, puisque « Deux fois vainqueur traverser l’Achéron » se permet de revisiter le mythe d’Orphée et Eurydice en y mêlant les thématiques zombies et en rendant hommage au poète Gérard de Nerval, rien que ça ! Une fois pris le coup (pas forcément simple) de la rythmique choisi, c’est une nouvelle de belle facture, à multiples sens.

Deuxième lauréat du concours de nouvelles, Olivier Boile a fait un rêve, « Le Rêve du pont Milvius ». En s’aventurant sur le terrain de l’uchronie, l’auteur tente une belle aventure puisque nous sommes dans un monde contemporain dominé par l’islam, sans connaissance chrétienne, où Mohammed Jassim écrit une uchronie sur l’empereur Constantin. La construction façon « Le Maître du Haut Château » était peut-être un peu trop ambitieuse pour une simple nouvelle, ce qui rend la conclusion abrupte.

Comme à son habitude, Justin Hurle opte lui pour un texte aussi barré dans son contenu que son titre est recherché. Ainsi, après son « Regarde au coin de la rue, fiston, si le clebs à trois pattes cavale à reculons » dans l’anthologie Star Ouest, il s’est lancé dans un « Ponce, Pilate, ponce-le, ce colosse, des fois qu’il se lèverait » (finalement réduit en un « Ponce, Pilate, ponce ! »), nouvelle qui mérite son pesant de cacahouètes, puisqu’il y mêle l’exode des Hébreux, les intrigues de palais du temps de Ramsès II et une approche légère et déridante de la science-fiction. Outre que c’est le seul texte égyptien de l’anthologie, cette nouvelle est clairement fun à lire, avec des passages narratifs très fluides (quasiment lisibles à haute voix) et des dialogues très majoritaires qui permettent forcément d’avancer très vite dans la lecture.

Le dénommé Brice Tarvel, notamment repreneur de Harry Dickson et de Bob Morane, nous a concoctés une courte reprise contemporaine (c’est à noter) de la rencontre entre Ulysse et Oumaya, gardienne du « Tombeau de Calypso » que le roi d’Ithaque avait finalement quittée.

Troisième lauréate du concours de nouvelles, Myrtille Bastard nous fait entrer dans l’échoppe « Chez Lucius », où sont proposés « Dieux, Lares et Génies ». L’attrait de cette nouvelle réside dans sa construction sous forme de chronique économique réussie et détendue.

Isabelle Arnoult conte « Âheli ou la mémoire enfouie », une plongée indusienne très rapide avec des références intéressantes et des allers-retours éclairs entre le temps présent, l’année 1920 et le IIe millénaire av. J.-C.

Comment expliquer la défaite de Vercingétorix devant Jules César ? Jean-Hugues Villacampa propose un « Quid Novi Medice ? » qui apporte une réponse. Dans cette évocation antique, les casques à ailes de piaf et les nomini romains décalés sont bien présents et leur appréciation aiguillera votre lecture.

Comme à son habitude, Arnaud Cuidet distille son approche du roman d’action et du jeu de rôle dans ses nouvelles ; « Carthage » ne fait pas exception, car on y retrouve les Romains en train d’assiéger pour l’ultime fois la grande Carthage, mais au cœur de la bataille se découvrent deux créatures titanesques, deux « champions » face-à-face qui vont s’affronter dans d’âpres phases de combat.

De son côté, Pierre-Marie Soncarrieu tente de nous narrer le récit d’une « Boadicée » très portée sur l’onirisme.

Dans « Discorde », Patrice Verry laisse parler sa fibre « Piments et Muscades » et réinterprète, SF à l’appui, le si tragique mythe du jugement de Pâris : sur le mont Ida, le jeune Pâris doit arbitrer la compétition entre Héra, Athéna et Aphrodite, la « pomme de la discorde » étant censée mener à la guerre de Troie. Ici, le jeu de mots et les allusions piquantes sont de rigueur ; le jugement ne sera pas tragique pour tout le monde…

Ensuite, c’est au tour de Romuald Herbreteau de nous raconter « Une histoire Tauride ». À partir d’un joli jeu de mot, le lecteur part dans un récit centré sur les Cimmériens et l’espionnage archéologique, cocktail sûrement trop rempli pour être tout à fait bien calibré.

Avec « L’Immortel et l’Assassin », Jérôme Verschueren mêle aussi habilement que d’habitude (mais je ne suis pas objectif, j’ai toujours apprécié ses nouvelles) son univers personnel avec un environnement historique : ici, la Chine antique percute les fortes allusions à Star Wars et le résultat est intéressant.

Pour finir, Lionel Davoust clôt cet ouvrage avec une nouvelle non inédite, car déjà publiée dans l’anthologie Fragments d’une fantasy antique (chez les éditions Mnémos). Avec « Faisabilité et intérêt zoomorphiques de la métamorphose de masse », il reprend habilement le mythe de Circé dans un pseudo-article scientifique aussi ingénieux que jouissif tant le fond antique est joliment retourné.

Quasiment toutes les nouvelles sont accompagnées d’une illustration réalisée par Candice Roger, une jeune artiste angevine qui use habilement du lien entre l’animal, l’humanité et l’environnement. Il faut dire que, finalement, chaque nouvelle concernée s’est accordée facilement à cette vision hybride de notre réalité.

Antiqu’idées est donc une anthologie encore inégale (comme très souvent dans les anthologies officielles de salons ou festivals), qui s’appuie sur des textes solides d’auteurs reconnus et quelques belles trouvailles quand on sent que l’écriture a été vraiment travaillé.

Autres critiques : Apophis (Le Culte d’Apophis) ; BlackWolf (Blog-o-livre) ; Célindanaé (Au pays des Cave Trolls) ; Lorhkan (Lorhkan et les mauvais genres) ; MarieJuliet (Les Lectures de MarieJuliet) ; Oriane (La Pile à Lire) ; Strega (Livropathe)

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

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