Science-Fiction

Utopiales 2014, Entretien #1 : Alexandre Astier

Affiche Utopiales 2014

Le festival de science-fiction des Utopiales de Nantes recevait cette année l’acteur et réalisateur Alexandre Astier qui a donné deux représentations de son spectacle « L’Exoconférence » au Grand Auditorium de la Cité des Congrès. L’acteur s’est également déplacé le jeudi après-midi pour une conférence avec l’astrophysicien et président du festival Roland Lehoucq qui s’est déroulé à 15h sur la scène Shayol. Un échange qui aura, comme on pouvait s’en douter, intéressé énormément de monde et au cours duquel Astier est, entre-autre, revenu sur l’élaboration de son dernier spectacle. En voici l’aperçu.


 Alexandre Astier et la science

Pourquoi ce choix de parler de l’existence d’une vie extraterrestre ?
Ce qui intéresse tout le monde ce n’est pas tant de savoir s’il existe ou non une vie extraterrestre mais plutôt de pouvoir communiquer avec elle, qu’elle nous renvoie un jugement sur nous même. La première utilisation de l’extraterrestre est donc de parler de nous : on a besoin de créer une entité susceptible de juger ce que l’on fait, une sorte de dieu 2.0. C’est un prisme qui nous permet de nous regarder nous-même. Son objectif lorsqu’il choisit de traiter ce sujet est avant tout de dépasser nos fantasmes concernant cette question.

Comment le spectacle a-t-il été préparé ? Et comment a été synthétisée toute la masse d’informations recueillie ?
Deux aspects sont essentiels dans l’écriture : la structure (si le personnage qu’il incarne évolue au fil du spectacle, si oui comment…) et l’inspiration (qu’est ce qui m’émeus-moi et qui est donc susceptible d’émouvoir les autres ?). Pour préparer ce spectacle, il a engrangé beaucoup de notes et a pris l’habitude de programmer un réveil la nuit afin de se souvenir de ses rêves et de pouvoir les noter. Il a aussi et surtout rencontré de nombreux scientifiques qui lui ont permis d’avoir une autre vision du monde. Il tenait beaucoup à ce que toutes les informations données dans son spectacle soient véridiques afin que les spectateurs en retirent quelque chose de plus que le simple divertissement.

Exoconférence

Son skeatch consacré à la physique quantique était-il le point de départ qui a donné naissance à « L’exoconférence » ?
Ce spectacle n’a été réalisé qu’une fois, à l’Olympia. Il s’agissait bel et bien d’un galop d’essai, un peu improvisé, pour savoir s’il pouvait parler de façon distrayante de science. Le précédent spectacle (« Que ma joie demeure ») parlait quant à lui de musique, et dans les deux cas il y a une véritable volonté d’apprendre quelque chose au spectateur. Ce qui compte avant tout c’est d’être en avance sur les gens qui viennent assister au spectacle afin qu’ils puissent effectuer un cheminement. C’est valable pour son spectacle mais aussi pour toutes les œuvres, qu’elles soient littéraires ou cinématographiques. Il cite l’exemple de Copola qui donnait dans chacun de ses films une recette de cuisine afin que les spectateurs n’ayant pas aimé son œuvre ressortent malgré tout avec quelque chose. C’est également ce qu’il essaie de faire dans « L’exoconférence ».

Quel regard cherche-t-il à encourager les gens à porter sur la science ?
Il tient beaucoup à inciter les gens à régulièrement lever les yeux afin de contempler le ciel et c’est pourquoi il informe ses spectateurs de l’existence d’applications sur smart-phone permettant de connaître la position et le nom des étoiles, et encourage utilisation de jumelles ou même d’un télescope. Beaucoup de gens pensent aujourd’hui que la science n’est pas pour eux, qu’ils ne sont pas assez intelligents pour comprendre. Or, en toute modestie, il essaye de donner envie aux gens de s’y intéresser car rien n’est trop compliqué à comprendre pour n’importe qui. A titre d’exemple, il aura fallu qu’il atteigne quarante ans pour comprendre enfin ce qu’est la relativité. Le message principal du spectacle est simple : intéressez-vous au monde qui vous entoure.

Qu’est ce qui l’attire le plus dans les sciences ?
L’humilité. La ligne du scientifique est de dire « Je ne sais pas, mais je vais essayer de comprendre ». La position scientifique est donc naturellement humble.

L’Exoconférence

Pourquoi avoir opté pour le format « conférence » ?
D’abord parce qu’il est très agréable de s’adresser au public avec une sorte de quatrième mur puisqu’il s’agit en réalité d’une fausse adresse. Cela lui permet également d’utiliser un écran et donc d’agrémenter son spectacle de sons, vidéos, images projetées… Il s’est beaucoup inspiré à ce sujet de son ami François Rollin qui utilise depuis longtemps ce procédé qui consiste à faire passer son message par le biais d’un cours exposé aux spectateurs.

On sent bien dans le spectacle qu’il a certains comtes à régler avec la religion…
Les religions ont selon lui été utiles pendant un temps mais maintenant elles nous ralentissent plutôt que de nous faire avancer. C’est pourquoi il se permet de se moquer de la cosmogonie chrétienne et qu’il interprète un pape très fantaisiste s’adressant à Nicolas Copernic afin de le dissuader « subtilement » d’exposer aux yeux du monde ses théories concernant notre la place non centrale de la terre dans l’univers.

ExoConference Alexandre Astier

L’histoire de la fameuse plaque accompagnant la sonde spatiale Pioneer dans les années 1970 tient également une place importante dans le spectacle…
C’est en effet une histoire sur laquelle il revient à de multiples reprises tout au long du spectacle car elle l’interpelle. Depuis toujours, nous avons un gros à priori concernant la supériorité intellectuelle des extraterrestres et c’est pourquoi, lorsqu’on cherche à adresser un message comme c’est le cas ici, on leur envoie systématiquement quelque chose de très très complexe qu’à peine 5 % de la population terrestre serait capable de résoudre. Il trouve également très optimiste de la part des créateurs de cette plaque de penser que ce message de paix, envoyé dans les années 1970 afin de nouer un contact avec une potentielle intelligence extraterrestre, parvienne aux dits extraterrestres à un moment de leur histoire où eux-mêmes sont en pleine époque « peace & flower ».

Au cours du spectacle, il mentionne un faible pourcentage de cas d’OVNI non expliqués à ce jour. Quel est son avis sur la question ?
Pour lui, se sont des cas terrestres. Toutes les explications terrestres que l’on pourra trouver, aussi rocambolesques soient-elles, seront selon lui toujours plus plausibles que celles impliquant la présence d’extraterrestres.

Questions du public

A t-il lu de la littérature de SF pour préparer son spectacle ?
Non car il préfère partir de fantasmes communs sur la question des extraterrestres et c’est pourquoi il s’est essentiellement appuyé sur des astrophysiciens et des scientifiques afin de s’inspirer de faits davantage que de fiction. Il avait fait la même chose dans « Kaamelott » au sujet du roi Arthur en s’appuyant sur des découvertes archéologiques, ainsi que dans « Que ma joie demeure » en utilisant essentiellement les lettres écrites par le musicien Bach qu’il interprète. Pour lui, la fiction se nourrit de faits et non de fiction, sinon cela revient à se mordre la queue.

D’un point de vue personnel, que retire-t-il de ses recherches ?
Outre le fait de lui avoir permis de faire une véritable incursion dans le monde scientifique, cette expérience a également énormément contribué à faire évoluer sa vision scientifique du monde, notamment sur la question des espaces.

Alexandre Astier. Utopiales 2014, le 30 octobre

Quels sont ses projets pour l’avenir ?
Il prépare actuellement un travail sur la bête du Gevaudan, région d’où est originaire sa famille. Il est fasciné par le fait que, selon les époques, les faits n’aient pas été interprétés de la même façon : au XVIIe il s’agissait d’une bête, aujourd’hui on envisage que ce puisse être un homme. Cela en dit beaucoup sur notre époque et il n’y a pour lui que la science qui puisse nous aider à comprendre (zoologues, historiens, politologues…). Il travaille bien sur toujours sur la suite de Kaamelott. Une procédure est engagée depuis maintenant un moment afin de récupérer les droits et de pouvoir vraiment réaliser ce qu’il souhaite sans pression, comme il l’entend. Même si cela prend beaucoup de temps, les négociations avancent bien. De plus, cela l’arrange de laisser un peu de temps passer entre les films et la fin de la saison 6 puisqu’il est nécessaire que tous les personnages aient vieilli physiquement pour que cela soit crédible. Il réalise aussi une série sur l’ethnie italienne en France pour Canal + qui devrait bientôt la diffuser. Enfin, il travail en ce moment même sur un projet intitulé « Base 4 » qui peut être considéré comme de la SF. Il n’en est qu’à l »écriture et est donc pour le moment loin de la phase production mais c’est quelque chose qui lui tient très à cœur.

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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