Fantasy

La Route de la conquête

La Route de la Conquête

Titre : La Route de la conquête
Novella/Nouvelles : La Route de la conquête ; Au-delà des murs ; La Fin de l’histoire ; Bataille pour un souvenir ; Le Guerrier au bord de la glace ; Quelques grammes d’oubli sur la neige
Cycle : Univers d’Évanégyre
Auteur : Lionel Davoust
Éditeur : Critic (Fantasy)
Date de publication : 21 août 2014
Récompenses : Prix Exégète 2015

Synopsis : En son cœur, en son âme, l’espèce humaine est déséquilibrée. Nous apportons l’équilibre, la durée, la stabilité. C’est juste, et indispensable. C’est notre mission. Mais… que se passe-t-il quand on rencontre un peuple déjà équilibré ?
On la surnomme la Faucheuse. Débarquée trente ans plus tôt dans le sud, la généralissime Stannir Korvosa assimile méthodiquement nations et tribus au sein de l’Empire d’Asreth, par la force si nécessaire. Rien ne semble résister à l’avancée de cette stratège froide et détachée, épaulée par des machines de guerre magiques.
Parvenue à l’ultime étape de sa route, elle est confrontée à un nouveau continent – un océan de verdure où vivent des nomades qui ne comprennent pas les notions de frontières ou de souveraineté. Elle doit pourtant affirmer l’autorité impériale car, dans le sous-sol de la steppe, se trouvent des ressources indispensables pour Asreth. Mais après une vie de conquête, Korvosa pourrait bien rencontrer la plus grande magie qui soit… et affronter un adversaire inédit : le pacifisme.

Note 3.5

L’humilité n’est jamais une marque de faiblesse pour qui détient l’avantage Je l’ai amplement vérifié : l’humble s’attire des amis… et pousse ses ennemis à le sous-estimer. Soyez humble, lieutenant… et le jour où vous écraserez vos opposants, on vous surnommera la Faucheuse.

Évanégyre ? Stannir Korvosa ? Pas même l’expression de la « Volonté du Dragon » ne vous dit quoi que ce soit ? C’est donc qu’il est grand temps pour vous de vous plonger dans le monde fantasy créé par Lionel Davoust et dont tous les textes composant le recueil La Route de la Conquête font pleinement partie.

Grâce aux éditions Critic, Lionel Davoust propose, avec La Route de la Conquête, un recueil cohérent composé d’une novella inédite éponyme accompagnée de cinq nouvelles dont une totalement inédite. Nous pourrions d’ores et déjà noter que plusieurs nouvelles sont donc reprises d’anciennes anthologies ou revues, mais l’intérêt est ici de les retrouver dans un ensemble cohérent, d’autant que nous n’avons pas toujours l’occasion de lire toutes les anthologies ou revues publiées.

Cette Route de la Conquête est parcourue par Stannir Korvosa, généralissime de la VIIe Légion, et son aide de camp Méléanth Vascay. Comme dans La Volonté du Dragon (nous sommes une trentaine d’années plus tard et Stannir s’est bien assagie ; pour le détail, nous sommes désormais au cours de l’année 388), nous assistons à la conquête d’un nouveau territoire par l’Empire d’Asreth. À l’assaut de la grande steppe qui s’étend devant elle, l’Océan Vert, la Généralissime fait le lien entre ses multiples conquêtes précédentes, son expérience acquise en quelque sorte, et le défi déconcertant qui s’offre à elle, la rencontre avec un peuple soudé à l’environnement qui le nourrit, tribus qui n’ont aucunement besoin d’un gouvernement. Lionel Davoust reprend très rapidement les fondamentaux de cet univers : la « Volonté du Dragon » au sens propre, celle de Dame Mordranth, l’Oracle-Dragon, en premier lieu, mais aussi et surtout l’alchimie utilisée par l’Empire d’Asreth pour assimiler la magie des lieux en une technologie très avancée, l’artech. Il s’agit bien sûr de questionner l’intérêt de la guerre, de la conquête à tout prix, face à des populations heureuses de vivre entre elles, qui ne cherchent pas à s’organiser plus que nécessaire. Le face-à-face est d’autant plus intéressant que, du côté asreth, nous avons non seulement le point de vue de Stannir Korvosa, mais également celui de son aide de camp qui est également bien développé, dans un parallèle volontairement déformant. Pour le reste, nous sommes quand même dans un roman court, une novelle, donc l’histoire va droit au but, en instillant quelques faits d’armes, mais l’occasion de trouver deux héroïnes au centre de l’intrigue est évidemment un plus non négligeable, entre une vieille combattante, expérimentée, presque aigrie, et une jeune va-t-en-guerre très motivée.

Nous enchaînons notre parcours dans le monde d’Évanégyre avec Au-delà des murs, nouvelle déjà parue dans Victimes et bourreaux, anthologie des Imaginales d’Épinal dirigée par Stéphanie Nicot (Mnémos, 2011). En nous plongeant dans la bataille des Brisants (237), quand l’armée d’Asreth fit face aux guerriers-mémoire du Hiéral, Lionel Davoust fait non seulement référence à une autre nouvelle publiée plus tôt et republiée dans ce même recueil, mais évoque aussi et surtout les chocs post-traumatiques que n’importe quelle guerre d’envergure occasionne chez les combattants ayant la chance/le malheur de revenir avec quelques souvenirs qu’ils aimeraient pouvoir refouler. La construction tendancieuse de cette nouvelle l’a rend d’autant plus appréciable.

Avec La Fin de l’histoire, parue initialement dans Mythologica n°1 (2013), nous suivons à nouveau le fil d’une conquête de l’Empire d’Asreth dans un décor très « forêt vierge ». L’expédition dans la forêt d’Isendra datant de 132 dans la chronologie de cet univers, nous faisons légèrement machine arrière pour prendre un autre exemple d’une assimilation possible de populations par l’avancée militaire ; c’est l’occasion d’aborder une autre facette du rouleau compresseur d’Asreth, puisque nous suivons notamment un agent de la Conservation, chargé normalement de collecter les traditions des peuples conquis, à la tradition souvent orale, pour en assurer la pérennité par l’écrit. Bien sûr, quand les enjeux de ladite conservation des traditions divergent entre l’armée conquérante et le peuple à conquérir, on tranche souvent dans le vif pour régler la question.

Bataille pour un souvenir, nouvelle phare de l’auteur dans Identités, anthologie dirigée par Lucie Chenu (Glyphe, 2009), nous ramène à la bataille des Brisants entre Asreth et les guerriers-mémoire du Hiéral. Si cette histoire a valu à l’auteur d’être finaliste de plusieurs prix spécialisés, ce n’est pas pour rien. En effet, nous suivons pour une fois le point de vue des conquis jetant leurs dernières forces dans la bataille pour faire reculer ce damné Empire d’Asreth qui veut tout conquérir. Or, les guerriers-mémoire du Hiéral ont une particularité martiale d’envergure : ils peuvent, en quelque sorte, brûler leurs souvenirs personnels pour acquérir, momentanément, un regain de pouvoir. Cette magie personnalisée est mise en lumière par le court récit mémoriel de souvenirs touchants au moment où le guerrier l’invoque pour se défendre ou attaquer son adversaire. Lionel Davoust sert ici un récit puissant et révélant un twist surprenant, même s’il n’est que peu de choses dans l’histoire d’Évanégyre (d’autant plus surprenant que l’événement est repris tel quel dans Au-delà des murs, sans pour autant signaler cette révélation. Astucieux, donc, en plus d’être bien écrit.

Ces quatre premiers récits mettent vraiment en valeur le personnage du garde en armure, dont l’élite compose les Valedànay. Et c’est sûrement d’aborder la couverture, qui attire forcément l’œil. Penchant plutôt vers l’univers des jeux de rôle et des jeux vidéo, elle mêle astucieusement les indications présentes dans les récits du recueil et l’influence romaine constamment présente dans l’Empire d’Asreth. Elle est maquettée par Ronan Toulhoat (dessinateur des univers de Block 109 et de Chaos Team, également illustrateur sur Les aventures de Lasser) et illustrée par François Baranger (également auteur de Dominium Mundi). Certes, elle n’est peut-être pas d’une originalité folle, mais elle m’a marquée dès que je l’ai vue par la puissance de ce qu’elle évoque.

Parmi ces nouvelles republiées, Lionel Davoust nous a quand même sorti un récit inédit, Le Guerrier au bord de la glace. L’auteur va plus loin, ce coup-ci, puisque plusieurs siècles après les conquêtes déjà évoquées, il développe la technologie utilisée par les armures de l’Empire d’Asreth et leur adjoint quantité d’améliorations pour en faire de véritables armes de destruction massive. Ailes, puissance de feu, hachoir démesuré et appendices captateurs d’énergie, tout cela est sans compter l’ajout non négligeable d’une « Conscience » accompagnant le soldat en armure et s’adaptant à son esprit. C’est donc ici l’interaction entre l’homme et sa machine animée qui capte l’attention, davantage que le contexte général, la Seconde Guerre de l’Évangélyre, le début des Âges Sombres marquée par la rébellion au sein de l’Empire d’Asreth. On croise enfin un Dragon en action, on suit une nouvelle bataille d’envergure, mais c’est surtout le cheminement du simple soldat engoncé dans sa technologie qui le dépasse, mais qui est son seul abri, qui prime. La fin m’a franchement laissé de marbre, car j’attendais un dénouement plus actif ; un autre récit serait utile en guise de suite ou de complément d’information.

Enfin, Lionel Davoust clôt son recueil avec Quelques grammes d’oubli sur la neige, que vous aviez déjà pu lire dans Magiciennes et sorciers, anthologie des Imaginales d’Épinal dirigée par Stéphanie Nicot (Mnémos, 2010). Si la chronologie reste très vague sur ce récit, c’est parce que nous sommes désormais dans un monde bien plus reclus, bien plus engoncé dans des traditions minimalistes et également soumis à des irrégularités au sein même de son environnement. C’est l’occasion de remettre le monde d’Évanégyre à plat, de passer à un univers bien plus médiéval-fantastique, en tout cas dans mon imaginaire personnel. C’est une belle histoire, entre sorcellerie et redécouverte du passé, mais là encore la fin me gêne et m’interroge sur l’enjeu soulevé par l’intrigue. Les clés de compréhension sont tout de même suffisamment livrées pour replacer ce récit dans le bon ordre chronologique, mais on peut comprendre que la lecture de cette nouvelle seule puisse troubler.

Avec l’univers d’Évanégyre, voilà donc un monde de fantasy bien parti pour durer et qui maintient coûte que coûte sa cohérence en rassemblant des textes qu’il est bien plus simple de comprendre et d’appréhender sous cette forme. Même si l’agencement des récits au niveau chronologique peut être étonnant, il est indéniable que les lire ainsi les rend beaucoup plus intelligible entre eux, notamment le tout dernier. Inconsciemment, des ponts se créent entre les différents textes et les quelques indications de l’auteur en annexes sont forcément les bienvenues. Évidemment, un grand merci aux éditions Critic pour m’avoir fait parvenir ce recueil en avance, il sort aujourd’hui même, alors n’hésitez pas à découvrir avec lui l’auteur très agréable qu’est Lionel Davoust. Et ce, d’autant plus qu’on nous annonce en fin de volume la sortie dans le même univers prévue pour le mois d’août 2015 d’un nouvel opus : Port d’âmes !

Pour davantage de détails sur le sommaire, mieux vaut toujours s’informer à la source, le blog de l’auteur en l’occurrence.

Voir aussi : La Volonté du Dragon

Autres critiques : Ambroise Alifère (Ter Aelis), BlackWolf (Blog O Livre), Célindanaé (Au Pays des Cave Trolls), Efelle (Les Lectures d’Efelle), Endea (Clair Obscur), Gillossen (Elbakin), Hervé (Temps de Livres), Jean-Philippe Brun (L’Ours inculte), Kissyfrott (Le Dévoreur de Livres), Lorhkan (Lorhkan et les mauvais genres), Mes Nouvelles Lectures, Nicolas Soffray (YoZone), Nicolas Winter (Just a Word), Sweetie (Unwalkers), Vil Faquin (La Faquinade), Xapur (Les Lectures de Xapur) et Yann Blanchard (ActuSF)

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

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