Léonard & Salaï, tome 1 : Il Salaïno
Titre : Il Salaïno
Série : Léonard & Salaï, tome 1
Scénariste : Benjamin Lacombe
Dessinateur : Paul Echegoyen
Éditeur : Soleil (Noctambule)
Date de publication : 2014 (mars)
Synopsis : Ce diptyque nous entraîne dans l’intimité d’un homme devenu l’incarnation du génie créateur. Qui pourraient être mieux placés que deux hommes, deux artistes, pour vous conter l’histoire d’amour qui lia, pendant près de trente ans, Léonard De Vinci à un jeune apprenti qu’il baptisa Salaï (« petit diable »). Immergez-vous au cœur de cette évocation romanesque qui présente une autre vision de Léonard De Vinci, de son entourage et de sa vie. Comment a-t-il vécu, aimé, souffert ?
Il ne faut pas appeler richesses les choses que l’on peut perdre.
Parmi les artistes de génie qui marquèrent l’Europe de la Renaissance, Léonard de Vinci est sans doute celui qui aura fait l’objet de la plus grande fascination de la part de ses contemporains comme de celle des générations futures. On le connaissait peintre, architecte, scientifique, ingénieur…, on le découvre ici amant. Avec « Léonard et Salaï », premier tome d’un diptyque, Benjamain Lacombe a en effet pris l’audacieux pari de revenir sur la vie de De Vinci en se focalisant sur sa relation amoureuse avec un certain Salaï, beau jeune homme dont le peintre va très tôt faire son apprenti, son modèle et son amant.
Le point de vue est original et permet de découvrir une nouvelle facette de De Vinci, même si la façon très succincte et plutôt sobre dont nous est exposée la relation entre les deux hommes ne permet pas vraiment de ressentir la passion censée les animer. L’ouvrage est cela dit très satisfaisant du point de vue historique, Benjamin Lacombe et Paul Echegoyen ayant de toute évidence effectué d’abondantes recherches afin de donner le plus d’authenticité possible à leur histoire (comme le prouve d’ailleurs le dossier fort instructif présent à la fin du volume afin d’expliquer la genèse du projet). L’occasion pour le lecteur de découvrir un De Vinci qui n’est pas encore ce vieillard à la longue barbe blanche familier du roi de France. Concurrences avec les autres artistes en vogue de l’époque (notamment Michel Ange), difficultés à trouver des contrats ou à les terminer dans les temps, problèmes d’ordre techniques ou politiques…, le scénariste nous fournit ici un condensé des difficultés auxquelles l’artiste a pu être confronté et nous permet ainsi de nous faire une idée plus précise des conditions de vie et de travail des artistes du XVIe siècle. Benjamin Lacombz n’oublie pas non plus de mentionner le travail d’ingénieur de De Vinci que l’on voit ici heureux de mobiliser son talent et son ingéniosité afin de mettre au monde de révolutionnaires inventions (nouveau système d’écluses, machines volantes…).
Au-delà de la qualité de la reconstitution historique, le véritable point fort de l’ouvrage réside dans la beauté de ses graphismes. Les décors, fruits du travail de Paul Echegoyen, sont particulièrement réussis, qu’il s’agisse de ceux de Milan ou encore de Florence, et témoignent encore une fois de la minutie des recherches effectuées par le dessinateur. Les personnages bénéficient pour leur part d’expressions très travaillées bien que pas toujours très flatteuses, notamment en ce qui concerne Salaï, continuellement représenté avec un sourire canaille ou au contraire une moue boudeuse ou colérique qui n’aident pas à rendre le personnage très sympathique. Il est également un peu déconcertant que le jeune homme, certes dépeint comme possédant une beauté androgyne, ressemble à s’y méprendre à une femme à tel point qu’on en vient parfois totalement à oublier qu’il s’agit d’une relation homosexuelle. L’ouvrage compte cela dit un certain nombre de planches grand format absolument bluffantes dans lesquelles Benjamain Lacombe alterne entre illustration de l’histoire d’amour de Léonard et Salaï, et reproduction personnelles de certaines des plus célèbres toiles de De Vinci. La Cène, la Joconde, Saint Jean-Baptiste… autant d’œuvres magnifiques que le dessinateurs reproduit ici en apportant chaque fois sa propre touche pour un résultat visuellement épatant.
Benjamin Lacombe et Paul Echegoyen réalisent avec ce premier tome une bande dessinée originale qui, bien qu’elle laisse à désirer en ce qui concerne l’évocation des sentiments unissant Léonard et Salaï, ne manquera pas de ravir les amateurs d’histoire et de peinture. Si l’histoire n’est peut-être pas des plus palpitantes, certaines des planches réalisées par les deux artistes valent à elles-seules le coup d’œil. C’est avec impatience que j’attends la sortie du deuxième et dernier opus consacré à un autre élève de De Vinci.
Voir aussi : Tome 2
Autres critiques : Dionysos (Chroniques de l’Invisible) et Sophie (Les Bavardages de Sophie)