Rosée de feu
Titre : Rosée de feu
Auteur : Xavier Mauméjean
Éditeur : Le Bélial / Folio SF
Date de publication : 2010 / 2013
Synopsis : 1944. Face à l’avancée des forces américaines dans le Pacifique, le haut-commandement de la Marine impériale japonaise applique une tactique de la dernière chance : engager ses pilotes de dragons dans des attaques suicide.Très vite, un autre feu du ciel s’abat sur le Soleil Levant. Les superforteresses B-29 lâchent sur les grandes villes des bombes au napalm. Seuls de rares pilotes se révèlent assez courageux ou fous pour les affronter sur leurs dragons de combat…Trois destinées sont balayées par le souffle de la guerre. Hideo, petit garçon qui vit de l’intérieur la souffrance du Japon. Tatsuo, son grand frère, étudiant recruté dans une escadrille suicide. Enfin le capitaine Obayashi, maître archer qui impose la « stratégie de la mort assurée ».
Ce qui est un vaut moins que l’unité. L’individu ne compte pas face à la nation toute entière.
Kamikaze. Un terme que l’on ne prononce pas aujourd’hui sans un léger frisson de crainte mâtiné de colère et qui n’a désormais que peu de chose à voir avec sa définition d’origine. Kami Kaze, au Japon, c’est avant tout le Vent Divin, un typhon légendaire qui serait parvenu à stopper les tentatives d’invasion mongoles du XIIIe siècle. Ce n’est que face à la menace d’une défaite déshonorante au profit des Américains lors de la guerre du Pacifique que le mot a plus tard été repris par les Japonnais. Il désigne alors la première unité d’attaque spéciale née en 1944 et composée de jeunes pilotes volontaires dont l’objectif était de faire s’écraser leur avion ou leur sous-marin sur les navires américains et alliés. Ce n’est désormais plus une surprise, Xavier Mauméjean semble vouer une véritable passion pour l’Histoire dont il s’inspire largement pour décor de ses romans : L’Angleterre victorienne pour « Mémoires de l’homme éléphant », la ville antique de Babylone dans « Car je suis légion », l’Amérique des premiers pionnier dans « Bloodsilver »…, ce ne sont pas les choix qui manque. Cette fois, c’est à la seconde guerre mondiale qu’entend s’intéresser l’auteur, et plus particulièrement à un aspect bien particulier du conflit : ces fameux attentats-suicides en masse lancé par l’armée japonaise afin de freiner coûte que coûte l’avancée des Américains sur leur sol.
Sans être pour autant un très grand roman, « Rosée de feu » se sera en tout cas révélé une lecture fort divertissante, et ce à plus d’un titre. Comme souvent, le plus grand point fort de Xavier Mauméjean réside dans son habilité à proposer un récit immersif car abondamment documenté. Le roman est ainsi truffé de petites anecdotes véridiques, bien que parfois légèrement teintée de fantasy pour le bien de l’histoire : l’horrifiant récit du suicide collectif des civils de l’île de Saipan à l’arrivée des Américains ; le massacre de Nankin perpétré par les troupes japonaises ; ce soldat luttant sur une île tellement isolée que l’on ne l’a informé que des années plus tard que la guerre était terminée depuis 1945… On voit également défiler un certain nombre de personnages historiques qui parleront sans aucun doute aux amateurs de cette période historique : l’amiral Onishi, chef des forces aériennes à l’origine de la création du corps des kamikazes, les plus grands chefs de l’état-major… Xavier Mauméjean nous dresse là le portrait sans fard d’une société fortement éloignée de la notre, encore imprégnée du code d’honneur des samouraïs remontant au XIIe et où la reddition n’est pas une option envisageable. Et c’est justement là toute la force du roman qui, loin de mettre en scène des fanatiques fous furieux et haineux, porte au contraire un regard dénué de tout jugement et de toute condamnation sur ces jeunes hommes avant tout portés par leur sens de l’honneur et par l’amour qu’ils portent à leur pays et ses traditions.
Le roman se constitue ainsi de trois points de vue différents qui se succèdent au fil des chapitres : celui d’un jeune garçon plein d’admiration pour ces vaillants soldats japonnais qui vont donner leur vie pour leur pays ; celui de son grand frère, affecté au poste de pilote, et qui déchante pour sa part bien vite face aux horreurs de la guerre ; et enfin celui d’un militaire en partie à l’origine de la création du corps des kamikaze. Les émotions des personnages sont rarement explicitées et la narration adopte souvent un ton froid et concis qui n’empêche malgré tout pas le lecteur de se prendre d’affection pour la plupart des personnages. Le seul véritable bémol du roman tient en fait aux légères touches de fantasy rajoutées par l’auteur. Car au lieu d’avion, ce sont des dragons que pilotent ces kamikazes japonais ! Un élément qui n’est pas sans laisser penser à la série « Téméraire » de Naomi Novik mettant en scène des dragons utilisés comme véritable corps d’armée à l’époque des guerres napoléoniennes, mais qui n’apporte ici que peu de choses et qui aurait mérité d’être davantage exploité (notamment en ce qui concerne les liens entretenus entre pilote et dragon). Les scènes de combat aérien sont pour leur part un peu trop nombreuses et parfois difficilement compréhensibles car trop chaotiques.
Avec « Rosée de feu » Xavier Mauméjean s’attaque avec succès à un sujet rarement abordé lorsqu’il est question de la Seconde guerre mondiale. Un récit très instructif qui ne commet par l’erreur de tomber dans le jugement moral ou le pathos et nous offre au contraire une vision la plus impartiale possible concernant le Japon et ses traditions, y compris celles qui passeraient pour du fanatisme aux yeux des lecteurs occidentaux. Dommage que le seul élément « fantasy » de l’histoire ait été un peu trop maladroitement intégré au roman. Encore une belle réussite pour Xavier Mauméjean !
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valentin10
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