Les faucheurs sont les anges
Titre : Les faucheurs sont les anges
Auteur : Alden Bell
Éditeur : Bragelonne / Folio SF
Date de publication : 2012 / 2013
Synopsis : Temple n’a aucun souvenir du monde avant la chute. Du monde avant les zombies, avant les camps de survivants, avant les plaines de suie où tombent les vivants et se lèvent les morts. Temple a quinze ans, mais le temps de l’innocence est depuis longtemps révolu. Seule face à la nature, à ses miracles et à sa sauvagerie, elle est pourtant décidée à profiter de ce que la vie peut encore lui offrir, et à découvrir ce que dissimule l’horizon. Et derrière cette adolescente au cœur simple et dur, habitée par le désir d’être juste, se profile l’ombre de l’homme qui a juré de la tuer.
Y a des gens qui veulent pas voir le monde comme il est. Qui font profil bas en tremblant. Qui se trouvent quatre murs assez hauts pour cacher tout le reste. Pour ceux-là, le monde est un endroit effrayant. Toi et moi, tu vois, on est différents. Quand on doit bouger, on bouge. On s’fout de la raison ou de la distance. Vengeance ou générosité, sagesse ou folie – pour nous autres, c’est du pareil au même. Que ça nous plaise ou non, on y va. Parce que toi et moi, fillette, on est des enfants de Dieu, des soldats, des baroudeurs. Et pour nous, le monde, c’est un émerveillement.
« Le champ, c’est le monde ; la bonne semence, ce sont les fils du royaume ; l’ivraie, ce sont les fils du malin ; L’ennemi qui l’a semée, c’est le diable ; la moisson, c’est la fin du monde ; les faucheurs, ce sont les anges » Guère difficile de comprendre pourquoi Alden Bell a choisi de faire de cet extrait consacré aux cavaliers de l’Apocalypse le titre de ce roman ! Solitude, violence, souffrance, peur, mort…, voilà qui pourrait bien résumer le monde dans lequel nous plonge ici l’auteur. Le roman surfe évidemment sur le succès rencontré depuis plusieurs années par la « littérature de zombies » grâce à des séries comme « Walking Dead » ou des romans comme « World War Z ». Le principe est simple : mettre en scène un monde post-apo envahi par des légions de morts-vivants et dans lequel quelques survivants tentent tant bien que mal de rester en vie. Parmi les nombreux ouvrages nés de cette nouvelle mode, « Les faucheurs sont les anges » fait incontestablement parti des bonnes surprises. On y suit le parcours de Temple, jeune fille de quinze ans errant seule dans cet univers morne et désert dont elle a parfaitement assimilé les nouvelles règles. C’est donc un véritable road-trip que nous propose Alden Bell qui nous fait découvrir par les yeux de cette héroïne peu ordinaire un monde-mort dans lequel les rares survivants sont plus ou moins parvenus à se re-faire une place et où tout espoir de voir un jour les morts-vivants retourner à la tombe a désormais disparu.
Le premier atout du roman consiste à avoir placé l’histoire non pas juste après l’épidémie, comme c’est généralement le cas, mais près de deux décennies plus tard, si bien que certains peinent à se rappeler le monde tel qu’il fut, tandis que les plus jeunes ne l’ont pour leur part jamais connu. Il est également intéressant de découvrir les nouveaux modes de vie adoptés par les survivants : de la grosse communauté bien organisée ayant élu domicile dans une ville fantôme à cette famille aristocratique vivant dans une véritable bulle et n’ayant rien changé à leurs habitudes, en passant par les « gardiens de la terre », les convoyeurs de réfugiés… Parmi les bonnes idées de l’auteur figure également celle d’avoir mis en scène une héroïne très jeune mais d’une sacrée trempe ! Nous avons affaire à une jeune fille efficace, habituée à combattre, supportant aussi bien la douleur que de rudes conditions de vie et surtout qui n’a jamais connu le monde d’avant l’épidémie. N’allez pour autant pas croire qu’il s’agit là d’une super-guerrière insensible ne faisant que dégommer du zombie à tour de bras. Alden Bell a en effet su donner une véritable profondeur à son personnage, très touchante avec ses doutes et ses démons. Il en va de même des personnages secondaires, qu’il s’agisse du silencieux mais néanmoins attachant Maury ou de Moïse Todd, avec lequel Temple entretient une relation très ambigüe allant bien au-delà du simple rapport prédateur/proie.
S’il n’est certainement pas un roman exceptionnel, « Les faucheurs sont les anges » reste en tout cas un très bon divertissement. Difficile de rester indifférent face à l’ambiance très sombre qui se dégage de l’ensemble de l’ouvrage, ni à cette héroïne d’un genre très particulier dont il serait erroné de croire que le jeune âge aurait poussé l’auteur à proposer un roman post-apo plus édulcoré que la moyenne. Il n’en est rien, et c’est tant mieux, car le résultat est à la hauteur.