Fantasy

La Tartine du Dimanche matin #6 : Fantasy, mon amie

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Fantasy : monde peuplé de barbares incultes se réfugiant dans un monde imaginaire afin de fuir notre monde bien réel. Voilà en gros la définition de bien des gens quand on leur demande ce que la fantasy représente pour eux. Comme vous le devinez, il faut changer les choses et le Bibliocosme s’engage vivement dans cette voie. Après quelques dimanches de pause, notamment dus à la 25ème Heure du Livre, il est grand temps de repartir en croisade !


 

Déjà, soyons clairs sur le terme : nous parlons là de « fantasy », à prononcer à l’anglaise. Terme signifiant « imagination », à ne pas confondre avec le nom commun français « fantaisie », mais terme qui a malgré tout été francisé depuis en « fantasie », afin d’avoir notre mot à nous, même si, sur ce coup-là, je n’en vois pas tellement l’intérêt, mais bon pourquoi pas. La fantasy/fantasie est alors un genre littéraire appartenant aux littératures de l’imaginaire et mettant en scène des aspects magiques, des créatures fantastiques et/ou des univers discordants de la réalité historique. La variation de chacun de ses éléments fait tout autant varier les genres à l’intérieur de la fantasy.

S’il faut retracer à (très) grands traits, la constitution historique de la fantasy, commençons par rappeler qu’à part quelques exemples isolés, il lui a d’abord fallu trouver son indépendance vis-à-vis de la catégorie « science-fiction » à partir du tout début du XXe siècle. Mais déjà le genre qui éclot est catalogué « heroic fantasy », et ce pour encore très longtemps. La perte de l’épithète « heroic », variable selon les pays étudiés, n’est due qu’à l’acharnement des auteurs du genre à creuser leurs scénarios pour élaborer des intrigues fuyant les clichés de l’heroic fantasy ou modifiant le paradigme qui voyait la fantasy comme un genre inférieur. Aujourd’hui, le genre est foncièrement diversifié, tant les optiques littéraires se sont démultipliées à l’envi. Pour autant, tout genre se doit d’avoir ses classiques, et qu’on ne vienne pas me sortir des petits romans de fantasy pour la jeunesse (même si, évidemment, les tout premiers écrits ont été de cet acabit avec les contes du XVIIe siècle comme La Belle et la Bête ou Le petit chaperon rouge). Tâchons donc, pour aujourd’hui, d’élaborer une bibliothèque idéale de la fantasy. Rêvons un peu, en somme.

Alors qui sont nos amis en fantasy ? Les plus fervents et les plus évidents vont très vite s’affirmer comme J.R.R. Tolkien, pour son Seigneur des Anneaux et son Hobbit, et G.R.R. Martin, pour ses romans et nouvelles du Trône de Fer. Ces deux monstres sacrés d’hier et d’aujourd’hui ne sont pas les seuls grands porte-étendards de la fantasy ; il faut également compter sur les pourvoyeurs de longues séries traditionnelles comme Robin Hobb, Robert Jordan et Tad Williams… fuyez en revanche Terry Goodkind et son Épée de Vérité.

Faisons maintenant un (trop) rapide tour d’horizon des différents genres de fantasy, histoire de se donner quelques pistes de lecture suivant un thème précis. Si nous partons de l’heroic fantasy avec ses héros solitaires et une pincée de « sword and sorcery » en bandoulière, Robert Howard est un immanquable avec, certes, son fameux Conan, mais également bon nombre d’antihéros qui mettent en scène des situations profondément humaines (amour, sexe, royauté, pauvreté, etc.) dans un univers de fantasy qui n’est là que pour englober des réflexions approfondies (côté détails des combats, il n’y a pas mieux !). Si vous êtes passionnés par la high fantasy et sa cohorte de batailles entre le Bien et le Mal, misez davantage sur le Seigneur des Anneaux ou la Roue du Temps (accrochez-vous pour réussir à arriver jusqu’à la fin, pour ce dernier). Son antithèse, la low fantasy, où le monde magique est imbriqué dans notre société actuelle, est surtout représentée ces dernières années par le monde d’Harry Potter (voir le tome 4 et le tome 5). Mais devant ces grandes orientations, la fantasy s’est depuis largement divisée en de multiples facettes toutes plus réjouissantes les unes que les autres. La dark fantasy met en scène des personnages face à des drames toujours plus sombres et atroces (le Trône de fer encore une fois fait office de référence, voir le tome 13). La crapule fantasy est une de ces facettes les plus en vogue actuellement, car mettant en lumière des antihéros voleurs, tapageurs, flambeurs, brigands et autres criminels : tout le monde est unanime sur Les Salauds Gentilshommes (voir le tome 1 et le tome 2) de Scott Lynch, les Fils des Brumes de Brandon Sanderson sont également très intéressants, et bien sûr des francophones comme Jean-Philippe Jaworski avec Gagner la guerre et Cédric Ferrand avec Wastburg. La fantasy steampunk revient également en vogue avec quelques auteurs américains et français. D’autres directions prennent la forme de la fantasy mythique (le Silmarillion, encore de Tolkien, est le plus connu ; le Dit de Sargas un des plus récents), la fantasy animalière (De Capes et de Crocs d’Alain Ayroles ; c’est toujours utile de passer par la bande dessinée), la fantasy historique évidemment (les exemples sont nombreux avec Guy Gavriel Kay en exemple), voire même la niche que représente la fantasy arthurienne (dernier exemple en date : le Mordred de Justine Niogret). Tout cela se diversifie sans cesse jusqu’à s’auto-parodier : la light fantasy détourne les clichés et s’amuse des situations de fantasy ; Terry Pratchett et son Disque-Monde s’est érigé en maître dans ce cadre-là. La fantasy s’est diversifiée au point d’envahir (avec raison) d’autres médias, jusque dans les jeux vidéos : la fantasy est à la pointe avec, série des plus emblématiques, The Elder Scrolls dont le cinquième opus, Skyrim, a été un des jeux les plus vendus de l’année 2011.

Et la « french touch » me direz-vous… eh bien, il n’y a pas de quoi rougir, pardon ! La génération actuelle d’auteurs français (ou francophones, pour élargir un peu) a de quoi s’enorgueillir : pour n’en sélectionner que quelques-uns, focalisons-nous sur Justine Niogret et son écriture dense et introspective, sur l’épique et poétique Jean-Philippe Jaworski, sur le Wastburg de Cédric Ferrand, sur les écrits violents et souvent sexuels de Thomas Day, sur Fabien Clavel et sa vaste culture en lettres classiques, ou sur le très philosophique Alain Damasio et sa Horde du Contrevent. On peut même rappeler le succès public et critique du Kaamelott d’Alexandre Astier qui campe, à la télévision, un jour au cinéma, et sous divers aspects littéraires, un Arthur dépressif et désopilant (voir le tome 4 de l’adaptation BD), le personnage ayant même remportée le tournoi Elbakin de cette année.

De manière générale, il ne faut donc jamais être trop fermé : même la science-fiction et la fantasy ne sont jamais aussi proches que dans la science fantasy par exemple, ou bien dans des sagas comme le comics Saga de Brian K. Vaughan (tome 1 et tome 2) (ah-ah ! j’avais envie de la faire celle-là !). De même, bon nombre de livres vendus comme de la littérature générale ou contemporaine sont en fait de bons livres de fantasy de manière inavouée : En attendant le vote des bêtes sauvages d’Ahmadou Kourouma, qui s’est vu décerné le Prix Inter en 1999, prend place dans une Afrique de fantasy ; La Mort du roi Tsongor (Goncourt des Lycéens 2002 et Prix des Libraires 2003) du futur « goncourisé » Laurent Gaudé est clairement de la fantasy antique. Il y a donc de quoi voir de la fantasy partout. Il y a à coup sûr d’autres billets sur le sujet, car il y a de quoi tartiner, et c’est un de nos chevaux de bataille sur le Bibliocosme.

Pour plus de détails, plutôt que les pages Wikipédia, il y a surtout les pages explicatives d’Elbakin, site spécialiste de la fantasy : par comparaison, par principaux courants et pourquoi en écrire.

Avoir l’esprit ouvert en toutes circonstances, voilà donc notre credo. La fantasy est vendeuse et il convient de la mettre en valeur comme elle le mérite. Et finalement, tout est toujours une question d’ambiance. Car avec la fantasy, tout est possible !

 

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La Tartine, une volée de mots émiettée au dépourvu, un billet à croquer le dimanche matin entre le petit déj’ et l’apéro. Car le monde des livres, c’est clair, net et précis, alors venez pas nous prendre pour des billes, non plus !

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

Aucun commentaire

  • belette2911

    Oui, nous ne sommes pas des attardés mentaux incapables de lire un classique ! Merde, révoltons-nous contre tout ceux qui nous cataloguent dans je sais quelle case guère brillante. Déjà que j’en ai bavé avec ma passion pour les romans policiers-polars…

    Au fait, j’ai lu l’épée de vérité, la saga a des défauts, mais j’ai passé un bon moment avec elle, sans trop me poser de questions.

    Ok, le bien est bien, le mal est caricaturé, les tortures que subit Richard sont exagérées et il nous la joue « jésus » en pardonnant tout, pas de sexe, pas de bisous avant le mariage et leur scène de sexe gâchée dans le « temple des vents ».

    Mais bon… 😀

    • Dionysos

      Pour l’Épée de Vérité, il faut que tu en parles avec Boudicca, tu vas rigoler ! Rien que sur la façon dont Goodkind pompe allègrement les idées capitalistes face aux « méchants communistes », ça me fait toujours marrer.

      • belette2911

        Oui, dans le tome 6 : les communistes en prennent pour leur grade ! mais ça me faisait marrer plus qu’autre chose.

        Je sais aussi qu’il a tendance à nous répéter que le méchant, ben, il est trèèèès méchant.

        Je vais relancer Boudicca sur le sujet à l’occasion 🙂

      • Boudicca

        Tiens, tiens, ça commère derrière le dos de Boudicca 😉
        Perso j’ai bien aimé le début de la série (jusqu’au tome 5 environ) et après… de pire en pire. Les monologues de Richard de deux pages critiquant ouvertement le communisme et le couple « parfait » Richard/Kalhan et les scènes niaises qui vont avec seront finalement venus à bout de moi ^-^ Plus ça allait et plus j’avais l’impression non plus de lire un bon bouquin de fantasy mais plutôt le véritable programme d’un fanatique martelant sans grande subtilité ses idées politiques (forts contestables d’ailleurs)

  • Dionysos

    Je confirme : après un premier arc sur l’intérêt de la lecture en général, j’ai des idées précises jusqu’au n°10 sur l’intérêt de découvrir les littératures de l’imaginaire. 😀

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