Une femme fuyant l’annonce
Titre : Une femme fuyant l’annonce
Auteur : David Grossman
Éditeur : Le Seuil (Cadre vert)
Date de publication : 2011
Récompenses : Prix Médicis étranger 2011
Synopsis : Ora, une femme séparée depuis peu de son mari Ilan, quitte son foyer de Jérusalem et fuit la nouvelle tant redoutée : la mort de son second fils, Ofer, qui, sur le point de terminer son service militaire, s’est porté volontaire pour « une opération d’envergure » de vingt-huit jours dans une ville palestinienne. Comme pour conjurer le sort, elle décide de s’absenter durant cette période : tant que les messagers de la mort ne la trouveront pas, son fils sera sauf. La randonnée en Galilée qu’elle avait prévue avec Ofer, elle l’entreprend avec Avram, son amour de jeunesse, pour lui raconter son fils. Elle espère protéger son enfant par la trame des mots qui dessinent sa vie depuis son premier souffle, et lui éviter ainsi le dernier.
Pour son vingtième anniversaire, elle lui avait offert un carnet pour noter ses pensées… Elle griffonna un limerick sur la page de garde : Il était une fois un jeune homme qui savait écrire/Tel le printemps il s’épanouissait sans faiblir/ Jour et nuit, il errait/Imaginait et songeait/Que ce carnet puisse lui servir.
Attention chef d’oeuvre. Et ce n’est pas galvauder le mot que le dire. David Grossman dont je découvre l’univers signe un époustouflant et intime portrait de femme, la bien nommée : Ora. Ora traverse une période difficile, alors que son mari l’a quitté avec leur fils ainé Adam, Ofer le cadet termine trois longues et angoissantes années de service militaire. Mais alors qu’Ora et Ofer ont décidé de se retrouver un peu, celui-ci accepte une dernière mission. Décision insupportable qui force Ora à fuir le présent. Elle embarque Avram, l’autre homme qu’elle aurait pu épouser pour une randonnée à travers la Galilée. Ce long périple sera pour Ora et Avram celui des confidences et des révélations.
La construction du récit renforce cette fuite en avant, ou passé et présent s’entremêlent comme pour semer le destin. Richement dialogué, l’émotion palpite, vous cueille avec une force bouleversante. Grossman met à nu le désarroi de cette femme qui a tout fait pour protéger sa maison, sa famille et qui la voit perdre tout contrôle. La fuite est la seule solution pour ne pas être anéantie. Le livre montre aussi la stupidité d’un conflit enlisé et interminable, le quotidien des juifs et des palestiniens, vivant dans la terreur d’un attentat.
Mais c’est aussi un livre humaniste, fait d’espoir et de tolérance (alors que Grossman est lui même meurtrie dans sa chair). Ora et Avram sont des personnages que je ne suis pas prêt d’oublier. Un livre magnifique et intense.