Model Home

Titre : Model Home
Auteur/Autrice : Rivers Solomon
Éditeur : Aux forges de Vulcain
Date de publication : 2025
Synopsis : Dans la parfaite petite banlieue d’Oak Creek, au Texas, il fait bon vivre. Quand on est blanc. Les Maxwell sont la seule famille noire à vivre dans ce quartier modèle. À leur emménagement, ils ressentent très vite l’hostilité de leurs voisins, mais aussi celle de leur propre maison. Entre cauchemars et fantômes, les enfants Maxwell, Ezri, Eve et Emmanuelle, vivent une enfance teintée d’horreur auprès d’un père absent et d’une mère tyrannique, qu’ils s’empressent de fuir dès leur passage à l’âge adulte. Quand, des années plus tard, Ezri est sans nouvelles de ses parents, iel se décide à revenir dans cette maison hantée avec ses sœurs et confronter leur passé. À la fois doux, terrifiant et imprévisible, Model Home apporte une dimension nouvelle au genre de l’horreur.
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Maison hantée, enfances ravagées
Rivers Solomon est une auteurice américaine dont les ouvrages explorent la question du racisme et de la violence aussi bien par le prisme de la fantasy (« Les abysses ») que de la SF (« L’incivilité des fantômes » ou « Sorrowland ») et désormais du fantastique. « Model Home » met en scène l’histoire d’Ezri et de ses sœurs, tous traumatisés par leur enfance, et notamment par la maison dans laquelle ils ont vécu. Une maison immense, majestueuse et installée dans un quartier où ils sont les seuls habitants noirs. Une maison étrange, aussi, dans laquelle se sont produits divers événements dont iels sont convaincus qu’ils ont une explication surnaturelle. Ezri se souvient par exemple avec terreur de ses rencontres avec celle qu’iel surnomme Mère Cauchemar, un esprit capable de lui faire perdre le contrôle de son corps et de lui faire oublier les actes qu’iel a pu commettre pendant sa transe. Toute son enfance a ainsi été marquée par des blackout, des disparitions inexpliquées et un comportement jugé problématique aussi bien par les habitants du coin que par sa mère, à qui iel voue un amour et une admiration sans borne. Cela fait des années maintenant qu’iel a mis les bouts, allant jusqu’à s’installer en Angleterre, le plus loin possible de cette maison mais aussi de ses parents avec lesquels iel est toujours en contact mais qu’iel n’a pas revu depuis des années. Seulement lorsqu’iel apprend qu’aucun des deux n’a donné signe de vie depuis plusieurs jours, et qu’iel se met à recevoir des messages terrifiants semblant émaner de la maison, Ezri n’a d’autre choix que de retourner aux États-Unis, persuadé.e qu’un drame terrible est advenu. Accompagné.e de sa fille, iel retrouve donc ses sœurs et comprend qu’iel va devoir se confronter à nouveau à son passé, alors même que celui-ci a laissé des traces indélébiles sur sa santé mentale.
Racisme, violence, non binarité et troubles mentaux
Le roman de Rivers Solomon flirte habilement avec le fantastique par le biais de cette maison luxueuse qui ferait envie à n’importe qui mais qui est ici considérée par Ezri, Eve et Emmanuelle comme une sorte d’enfer. L’idée de cette bâtisse capable de transformer soudainement l’eau en acide, d’avaler un enfant jusqu’à ce qu’il n’en reste rien ou de prendre possession de ses occupants sans qu’ils ne s’en rendent compte est bien trouvée et absolument glaçante. Les questions posées autour de la santé mentale d’Ezri permettent quant à elles de jeter le doute concernant la fiabilité de son témoignage, de même que la relation qu’elle entretient avec sa mère, personnage déstabilisant et difficile à cerner. L’astuce est fréquente dans les romans de ce type mais fonctionne bien ici d’autant plus qu’elle permet à l’autrice d’aborder des sujets beaucoup plus concrets, à commencer par le racisme. Car le fait d’être la seule famille noire, entourée d’une multitude de blancs souriants mais qui vous font bien comprendre que vous n’avez rien à faire là, est une autre des raisons qui ont rendu l’enfance des Maxwell aussi usante. L’auteurice accorde également une très grande place dans son récit à la question de l’identité de genre (son protagoniste est non binaire, si bien que les pronoms utilisés pour le/la qualifier varie en fonction des moments), ou encore du handicap (iel souffre de troubles dissociatifs). Certaines scènes sont assez trashs et, à mon sens, assez inutiles, donnant au récit une atmosphère très glauque par moment sans que cela ne serve véritablement l’intrigue. La question de la violence, enfin, est une fois encore omniprésente, de même que celle des traces qu’elle laisse sur le long terme aussi bien sur le corps que sur l’esprit des individus qui en ont été victimes. Cet aspect est traité de façon assez cru, ce qui peut parfois déstabiliser, de même que la réaction du protagoniste dont on peine souvent à comprendre les réactions.
« Model Home » est un roman percutant mettant en scène trois frères et sœurs forcés de revenir dans la maison de leur enfance alors qu’iels sont persuadée.es qu’elle est la cause de tous leurs traumatismes. Le récit se perd par moment dans des digressions longues et répétitives en raison de l’insistance portée à la maladie mentale du personnage ou encore à sa non binarité, mais on suit malgré tout avec curiosité cette intrigue dont la conclusion, très bien ficelée, donne à l’ouvrage une toute autre dimension. Lecture en demi-teinte, donc, pour ce nouveau roman de Rivers Solomon qui s’affirme malgré tout comme une voix forte et originale de la littérature américaine.
Autres critiques : ?


Un commentaire
Tachan
Même si c’est une lecture en demi-teinte pour toi, je suis très tentée. J’ai beaucoup aimé Sorrowland de l’autrice. J’ai de grosses envies de fantastique. J’aime les histoires de famille défaillante et les décors de maisons qui font peur. Ça fait beaucoup d’arguments pour ^-^