Science-Fiction

Rempart sud, tome 1 : Annihilation

Annihilation

Titre : Annihilation
Cycle/Série : Rempart sud, tome 1
Auteur : Jeff Vandermeer
Éditeur : Au Diable Vauvert / Le livre de poche
Date de publication : 2016 / 2017

Synopsis : La Zone X, mystérieuse, mortelle. Et en expansion. Onze expéditions soldées par des suicides, meurtres, cancers foudroyants et troubles mentaux. Douzième expédition. Quatre femmes. Quatre scientifiques seules dans une nature sauvage. Leur but : ne pas se laisser contaminer, survivre et cartographier la Zone X.

Bibliocosme Note 3.5

Notre expédition était la première à entrer dans la Zone X depuis plus de deux ans. En regardant ce paysage paisible, je ne pense pas qu’aucune d’entre nous n’en voyait encore la menace.

Voyage en terre inconnue

maginez une immense réserve naturelle apparue sans que l’on sache comment. Imaginez ensuite que cet espace soit matérialisé par d’étranges frontières et qu’il contienne des espèces nouvelles au comportement jamais observé. Imaginez enfin que les rares hommes et femmes a y avoir été envoyés n’en soient jamais revenus ou alors complètement transformés. Voilà, vous avez maintenant une petite idée de ce qu’est la Zone X, non seulement décor mais aussi protagoniste d’« Annihilation », premier tome de la trilogie « Rempart sud » dont le deuxième opus vient tout juste de paraître. Le pitch était assez prometteur, mais je dois avouer que c’est surtout la nouvelle d’une adaptation cinématographique avec Nathalie Portman dans le rôle titre qui a fini par titiller ma curiosité. Jeff Vandermeer met ici en scène l’une de ces fameuses expéditions envoyées dans la Zone X, la douzième, dont l’effectif a été drastiquement réduit puisqu’elle ne comporte plus que quatre membres : une psychologue, une géomètre, une anthropologue, et une biologiste. Quatre femmes qui, en dépit de leur préparation et du visionnage ou de la lecture des comptes rendus de ceux qui les ont précédés, ne savent absolument pas à quoi s’attendre. Or, les choses dégénèrent presque aussitôt après le passage de la frontière. Il y a d’abord cette tour souterraine non répertoriée creusée à proximité du camp de base dans laquelle elles découvrent une étrange série d’écritures dont elles ignorent et le sens et, plus perturbant encore, l’auteur. Il y a aussi ce phare qui émet d’étranges lueurs au loin et qui porte les stigmates d’un drame sanglant. Et puis surtout il y a cette tension qui monte entre les quatre femmes, et ce en dépit de leur conditionnement par l’hypnose modéré par la psychologue et auquel notre héroïne se retrouve curieusement immunisée.

Mystères, mystères…

Jeff Vandermeer installe au fil des pages une atmosphère de plus en plus anxiogène, faisant progressivement basculer son récit dans l’horreur et le rapprochant ainsi davantage du fantastique que de la science-fiction. En dépit de la beauté des paysages et de l’étrangeté de la faune et la flore rencontrées, le lecteur comme la narratrice ne peuvent ainsi dès les premières lignes se défaire de l’impression que quelque chose ne va pas du tout. Cette ambiance très particulière, qui fait sans cesse osciller le lecteur entre malaise et émerveillement, est sans aucun doute la plus grande réussite de ce premier tome qui se fait tour à tour intriguant ou perturbant. Seulement si les questionnements soulevés par l’auteur sont effectivement passionnants, les réponses, elles, ne sont pas toujours au rendez-vous. Difficile en effet au terme de ces quelques deux cents pages de se défaire de l’impression de n’avoir presque rien appris et très peu compris à la Zone X tant les rares éléments rassemblés par la narratrice sont difficiles à appréhender. Cette opacité qui entoure l’origine et la nature de la zone elle-même pousse peu à peu le lecteur à reporter son attention sur d’autres mystères, à commencer par celui entourant le sort des précédentes expéditions. Suicides collectifs, massacres, cancers, pertes de mémoire et d’identité : les précédents scientifiques s’étant aventurés au-delà de la frontière ne sont, d’une manière ou d’une autre, jamais vraiment revenus. Un drame qui concerne notre héroïne au plus près, puisque son mari était lui-même membre de la dernière expédition en date. Si les révélations concernant la Zone X se font attendre, l’auteur tempère ainsi la frustration de son lecteur en l’appâtant avec quelques débuts de réponses sur le sort de ce personnage qui reste malgré tout lui aussi assez flou.

Le carnet de bord de la biologiste

En dépit de toutes les étrangetés rencontrées au fil du récit, celle à laquelle j’ai finalement eu le plus de mal à me faire concerne la narratrice. Le roman prend la forme d’un journal de bord tenu par l’un des membres de l’expédition, la biologiste, qui nous décrit l’avancée de sa mission au fil des jours tout en revenant sur son parcours et les choix qui l’ont conduit à accepter de faire partie de cette aventure. La première surprise à laquelle le lecteur doit faire face en ouvrant le roman concerne la façon de désigner les personnages : aucun n’est appelé par son nom. Même la biologiste, dont il s’agit pourtant du compte rendu, ne nous donne jamais le sien. Les quatre membres de l’expédition ne sont ainsi désignées que par leur fonction (biologiste, anthropologue, géomètre, psychologue), fonction qu’elles n’ont d’ailleurs presque aucune occasion d’exercer. Le procédé aurait pu être sans conséquence si la narratrice s’était révélé attachante, malheureusement ce n’est pas vraiment le cas. Le compte rendu de la biologiste souffre en effet de la froideur avec laquelle elle nous raconte son histoire, au point que celle-ci paraît davantage spectatrice qu’actrice. Le personnage n’a ainsi que très peu de réactions émotionnelles fortes, que ce soit lorsqu’elle revient sur sa relation avec son mari, ou lors des situations effrayantes à laquelle elle se retrouve exposée dans la Zone X. Alors que le lecteur se laisse peu à peu contaminer par l’angoisse, la narratrice y semble pour sa part totalement immunisée, ce qui ne facilite pas l’identification. Cette distance qui s’installe entre le lecteur et la biologiste ne la rend pas pour autant antipathique, loin de là, et j’ai pour ma part particulièrement été sensible à sa passion pour la nature qui occupe une place véritablement essentielle dans tous les aspects du récit.

Jeff Vandermeer signe un premier tome déroutant qui séduit par son atmosphère mais déstabilise par sa narration ainsi que par son absence de réponses aux principales questions soulevées par cette Zone X. Difficile de savoir quelle direction prendra la suite de la trilogie, mais je suis pour ma part assez curieuse de savoir ce que nous réserve le deuxième tome ainsi que l’adaptation prévue au cinéma (dont une bande annonce a déjà été relâchée).

Voir aussi : Tome 2 ; Tome 3

Autres critiques : Aelinel (Les lectures d’Aelinel) ; Blackwolf (Blog-o-livre) ; Célindanaé (Au pays des cave trolls) ; Lorhkan (Lorhkan et les mauvais genres) ; Samuel Ziterman (Lecture 42) ; Vert (Neverwhere) ; Xapur (Les lectures de Xapur)

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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