Fantastique - Horreur

Convergence, tome 2 : Nous sommes la crise

Titre : Nous sommes la crise
Cycle/Série : Convergence, tome 2
Auteur/Autrice : Cadwell Turnbull
Éditeur : L’Atalante
Date de publication : 2024 (octobre)

Synopsis : Trois ans après le massacre de Boston qui clôt Ni dieux ni monstres, le trio de loups-garous formé par Laina, Riley et Rebecca, enquête sur les disparitions inquiétantes de membres de leur meute. Ils découvrent alors l’existence d’un groupuscule suprémaciste humain : la Main noire. Heureusement, la résistance et l’entraide s’organisent. Au gré des initiatives de militants, de coopératives, de partis politiques, de syndicats…, elles agissent sous le nom de Nouvelle ère. Allons-nous tout droit vers une guerre entre hommes et monstres ? Ou bien tout ceci n’est-il qu’une diversion ? Car dans l’ombre des conflits se trament d’autres intrigues : deux anciennes et ésotériques sociétés secrètes avancent des pions dangereux, qui libèrent des puissances à l’origine même de la magie et des dieux.

Portrait de l’Amérique contemporaine

Dans « Ni dieux ni monstres », Cadwell Turnbull nous dressait le portrait d’une Amérique fracturée par la révélation de l’existence de « monstres » (lycanthropes, sorciers et sorcières, vampires…), toutes et tous entretenant soigneusement leur anonymat avant leur exposition sur la place publique et l’émergence d’un mouvement militant pour les droits des non humains. La peur ne tarde toutefois pas à saisir une partie de la population considérant que ces individus représentent un danger et doivent par conséquent être éliminés. C’est dans ce contexte pour le moins explosif que l’on fait la connaissance d’un grand nombre de personnages appartenant à l’un ou l’autre de ces deux camps. Certains sont des lycanthropes désireux de s’organiser pour contrer la montée de la haine et du rejet dont ils sont les premières victimes. D’autres sont membres d’une société secrète qui se livre à la chasse aux monstres et à des expériences occultes particulièrement louches. Un d’entre eux possède le don de naviguer entre les différents possibles. Un autre est doté de pouvoirs rares qui le rapproche de la figure mythique du dragon, quand d’autres s’avèrent capables de se métamorphoser en diverses créatures. D’un côté comme de l’autre, on s’organise autour d’une organisation appelée à prendre de plus en plus d’ampleur : la Main noire, côté suprémacistes ; Nouvelle Ère, côté monstres. Si le premier tome servait avant tout à poser le décor et présenter les personnages, on rentre cette fois pleinement dans le vif du sujet avec « Nous sommes la crise », un roman au rythme bien plus enlevé que le précédent. Chacun à leur échelle, les personnages vont devoir s’engager pour ménager dans cette Amérique au bord de l’implosion des espaces de respiration pour celles et ceux qui ne sont pas tout à fait ou pas seulement humains. Que les initiatives viennent du bas (coopératives, création d’associations, organisation de mouvements de résistance) ou du haut (propositions de loi, prise de position politique), toutes sont plus essentielles les unes que les autres alors que la montée des tensions pourrait bien aboutir à un événement bien pire que celui de la manifestation de Boston qui clôturait le premier tome.

Oppressions et résistances

Cadwell Turnbull continue de questionner les mécanismes d’oppression des minorités et de mettre en lumière les effets concrets de cette oppression sur les corps et les psychés. Le sentiment d’angoisse, lattant dans le premier tome, est ici beaucoup plus fort à mesure que lecteurices et protagonistes prennent conscience du fossé qui les sépare désormais de certains de leurs concitoyens, mais aussi de l’absence de limites de ces derniers, parfois prêts à tout pour leur nuire. L’auteur met aussi toujours l’accent sur les relations interpersonnelles complexes de ses personnages qui connaissent des problématiques familiales banales mais néanmoins douloureuses. Disparition d’un proche, relations conflictuelles avec un père, une mère, un frère ou une sœur, troubles dans le couple… : ces questions peuvent paraître anodines compte tenu de la gravité du moment, mais l’importance émotionnelle que leur accorde les personnages est justement ce qui leur donne une vraie consistance, une véritable humanité. Toutes et tous sont ainsi relativement attachants, même si certains restent entourés d’une aura de mystère qui empêche de les cerner véritablement. De même, certains enjeux demeurent opaques, même si on a ici une vision d’ensemble un peu plus claire que dans le précédent tome où toutes ces histoires de sociétés secrètes concurrentes pouvaient laisser dubitatif. Comprendre un peu mieux la destination vers laquelle veut nous embarquer l’auteur n’empêche pas de se laisser agréablement surprendre à plusieurs reprises par cette histoire rythmée par des rebondissements mieux calculés que dans le premier tome et qui relancent efficacement l’intérêt des lecteurices. De nombreuses questions demeurent en suspens, aussi est-ce avec impatience que j’attends désormais la conclusion de cette trilogie qui, sans tout à fait renouveler l’urban fantasy dont elle reprend les principaux tropes, dépoussière malgré tout le genre en le replaçant dans une perspective plus réaliste et surtout politique.

Dans « Nous sommes la crise », Cadwell Turnbull dresse le portrait d’une Amérique sur le point d’être irrémédiablement déchirée entre suprémacistes humains et militant.es pro-monstres qui se battent pour les droits de toutes les minorités. Mêlant astucieusement les codes du thriller et de l’urban fantasy, l’auteur nous livre ici un deuxième tome encore plus enthousiasmant que le premier et qui en dit beaucoup les clivages qui séparent aujourd’hui la population américaine représentée ici dans toute sa diversité. Un ouvrage éminemment politique, donc, mais aussi doté de nombreuses qualités littéraires qui viennent appuyer le message porté par l’auteur.

Voir aussi : Tome 1 ; Tome 3

Autres critiques :  ?

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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