Fantasy

Aatea

Titre : Aatea
Auteur/Autrice : Anouck Faure
Éditeur : Argyll
Date de publication : 2025 (janvier)

Synopsis : Navigateur capable de diriger son voilier solaire sur les océans en suspension de la Nuée, Aatea n’en demeure pas moins un paria aux yeux de son peuple : né en mer, il ne possède pas le filament, cet organe symbiotique qui permet aux siens de coexister avec de gigantesques îles vivantes. Seules ses expéditions maritimes l’aident à endurer la servitude à laquelle le contraint le système des castes. Or, après une attaque de pirates qui coûte la vie à tous ses passagers, Aatea perd le droit de naviguer. Il choisit alors l’impensable : fuir la sécurité des îles, tout abandonner et suivre les traces de sa grand-mère, une exploratrice dont les récits ont bercé son enfance. Tandis qu’un froid inhabituel s’abat sur le monde, Aatea part seul sur les flots instables, déterminé à voyager plus loin que quiconque. Cependant, dans la Nuée, où tout se dévore et se déchire, de nombreux dangers guettent le navigateur ; des dangers mais aussi des rencontres, de celles qui ancrent une vie et lui donnent un sens.

Naviguer en eaux troubles

Anouck Faure est une artiste plasticienne autrice de plusieurs romans et, si le dernier en date (« La cité diaphane ») m’avait moyennement convaincue, j’ai en revanche été enthousiasmée par « Aetea » paru en ce début d’année. Le roman met en scène un monde recouvert par des océans parsemés ici et là d’îles vivantes avec lesquelles les habitants possédant le filament vivent en symbiose. Aatea, lui, n’a pas le filament en question : doté de la capacité d’oncevoir et donc de naviguer dans la Nuée et d’en anticiper les dangers, le jeune eunuque appartient pourtant à la caste des serviteurs. Car les sociétés insulaires sont marquées par de profondes inégalités et fonctionnent selon un système de castes extrêmement strict auquel il est presque impossible de se soustraire. Tout va changer pour notre héros le jour où l’expédition dont il fait partie se retrouve décimée par une attaque de parias, des groupes d’hommes et de femmes n’appartenant à aucune île et condamnés à une existence précaire dans la dangereuse et insaisissable Nuée. Parvenant à échapper au carnage, le jeune homme ne rejoint son île natale que pour découvrir que la punition pour être revenu sans le reste de l’expédition est la perte de son droit à naviguer. Or, s’il y a bien quelque chose qui permettait à Aatea d’endurer les souffrances, les humiliations et la servitude, c’était justement la liberté que lui procuraient ses escapades maritimes. Acculé, le jeune homme décide alors de fuir l’île, ses castes, l’avidité de ses nobles et ses injustices. Le voilà, seul, dans la Nuée, à bord d’une petite embarcation, guidé seulement par les carnets et les récits de la femme qui l’a élevée et qui mentionnait souvent dans ses histoires l’existence probable de communautés indépendantes des îles, bien au-delà des eaux où Aeta a osé s’aventurer jusqu’à présent.

Vaste et lumineux

« Vaste et lumineux ». Voilà les deux mots qui clôturent ce roman et qui le caractérisent aussi parfaitement. Car là où « La cité diaphane » baignait dans une ambiance glauque et très sombre, « Aatea » est au contraire un livre très solaire. Certes, le parcours du héros est semé d’embûches, les épreuves endurées douloureuses, mais la quête du personnage est remplie d’espoir, d’amour et d’une pulsion de vie et de liberté qui la rendent fascinante. On prend ainsi beaucoup de plaisir à suivre les aventures d’Aatea sur la Nuée, un univers qu’on peine parfois à se représenter mais qui titille immanquablement la curiosité, surtout si, comme c’est mon cas, vous adorez les périples maritimes. La Nuée est en effet une sorte d’océan sur différents niveaux, peuplé d’animaux appartenant à la faune marine classique, mais aussi d’autres créatures plus inattendues. Le système des îles, avec leur caste, le lien intime qu’elles entretiennent avec leurs souverain.ne et leur toxicité pour celles et ceux ne possédant pas le filament est quant à lui passionnant à découvrir. Tout juste peut-on regretter certains passages dispensables car trop abstraits ou trop descriptifs, mais cela reste très occasionnel et n’émousse en rien l’intérêt que l’on porte à l’histoire. C’est d’autant plus le cas que le rythme et l’émotion vont crescendo, si bien que l’enthousiasme modéré du début ne tarde pas à laisser la place à un véritable engouement, et ce jusqu’à la toute dernière page. Les rebondissements s’enchaînent agréablement, laissant souvent du temps au héros de digérer ce qui vient de lui arriver avant qu’il ne doive subir une nouvelle épreuve, mais jamais au point de susciter l’impatience des lecteurices.

Émotions garanties !

Le principal atout du roman reste cependant ses personnages, à commencer par son protagoniste. Aatea est un héros bouleversant avec lequel on entre immédiatement en empathie et dont on espère de tout cœur la réussite. Le lien qui se tisse entre lui et la petite fille sauvée des eaux peu de temps après son départ est l’une des plus belles relations père-fille qu’il m’a été donné de lire, et donne lieu à une succession de scènes émouvantes et déchirantes qui ne font que renforcer l’affection que l’on porte au protagoniste. Les personnages secondaires sont eux aussi très bien campés, qu’il s’agisse des alliés du navigateur ou de ceux qui, pour des raisons diverses, cherchent au contraire à l’entraver. Aucun n’est ni tout blanc ni tout noir, et c’est justement cette nuance que l’autrice a pris soin d’intégrer qui rend chacun d’entre eux convainquant et bouleversant, à l’image de Kanume, mais aussi d’Atura, de Berik ou encore de la petite Paikea. Le style de l’autrice, lui, est fluide et agréable, jouant astucieusement sur l’implicite pour accentuer l’émotion de certaines scènes ou mettre l’accent sur tel ou tel aspect de son univers. A noter que l’ouvrage est également agrémenté de plusieurs très belles illustrations intérieures réalisées par Anouck Faure elle-même et qui permettent de saisir l’ambiance d’un passage ou de proposer une représentation de certains des principaux personnages.

Dans « Aatea », Anouck Faure nous dépeint le périple d’un jeune homme épris de liberté fuyant la servitude et l’oppression qui lui ont été imposées depuis sa naissance sur son île natale. Une île vivante parmi une multitude d’autres parsemant un gigantesque océan aux multiples secrets et dangers. L’intrigue est intéressante, les rebondissements fréquents et bien dosés, les personnages attachants : bref, le roman vaut incontestablement le détour et offre de très beaux moments d’émotion. A lire !

Autres critiques : Le nocher des livres

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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