Fantasy

Le Démon de Maître Prosper

Titre : Le démon de Maître Prosper
Auteur : K. J. Parker
Éditeur : L’Atalante
Date de publication : 2024 (mai)

Synopsis : Hourra ! La grande-duchesse d’Essen attend un fils. Quel dommage que le petit soit déjà possédé par un démon. Un humour aussi acerbe que son narrateur, un génie à la Léonard de Vinci et Machiavel, un exorciste sans cœur : tout ce qu’il faut pour un roman aussi malin que jouissif.

Un chasseur de monstres un peu particulier

« Comme si Deadpool s’était glissé dans le corps du Sorceleur Geralt de Riv ». C’est la phrase utilisée par le New York Times pour décrire cette novella écrite par K. J. Parker (dont certains/certaines se rappelleront peut-être la « Trilogie de Loredan » parue il y a une quinzaine d’années). Une assertion qui donne envie et qui, bien qu’un poil exagérée, donne tout de même une bonne indication concernant le ton du récit. Nous voilà donc propulsé le temps d’environ quatre-vingt pages aux côtés d’un narrateur atypique possédant la capacité de Les voir. Les ? Des démons immortels qui errent un peu partout et se font un plaisir de posséder de vulnérables êtres humains, leur infligeant par la même des dommages pouvant être irréversibles. Même s’ils ne peuvent pas mourir, ils peuvent malgré tout être exorcisés, aussi un ordre religieux s’est-il spécialisé dans le recrutement et la formation de personnes capables de voir ces démons et de leur faire passer l’envie de revenir dans le coin. C’est à cet ordre qu’appartient le narrateur qui nous dévoile les spécificités de son métier et des créatures qu’il pourchasse alors qu’il est en train de se livrer à une opération plus le moins délicate. En effet, la puissante duchesse d’Essen vient de mettre au monde un fils qui, manque de bol, a été infecté à l’insu de tous par un démon avec lequel notre narrateur a plusieurs fois eu maille à partir. Or, régler son compte au parasite sans causer de dommage au petit prince s’avère impossible, et le moindre mal fait au précieux nourrisson entraînera certainement le coupable sur l’échafaud, et ce même s’il est apparenté à un ordre prestigieux. Un plan commence toutefois à germer dans la tête du héros. Un plan qui implique un projet artistique d’une ampleur inégalée et le fameux Maître Prosper qui donne son nom à cette novella, érudit et artiste de génie occupant une place de premier plan à la cour et qui fonde tous ses espoirs dans le petit prince.

Destabilisant parfois, amusant souvent

A l’image des éditions Le Bélial (Une-Heure-Lumière) ou encore plus récemment des éditions Argyll (RéciFs), L’Atalante s’est elle aussi lancée depuis quelques années dans la création d’une collection de récits courts. Aux novellas de Phenderson Djeli Clark et Nghi Vo succède donc ce texte de K. J. Parker qui réussit à étonner autant qu’à distraire. Bien que le principe de base de l’histoire soit relativement classique et rappelle effectivement celui de « Witcher », il n’en est pas de même du ton utilisé par le narrateur pour raconter son histoire qui, lui, surprend. Le héros s’adresse en effet directement aux lecteurices et insiste (parfois un peu lourdement) sur le fait qu’il est loin d’être un personnage fréquentable. On découvre en effet progressivement que celui dont la fonction lui permet généralement d’endosser le beau rôle a beaucoup de choses à se reprocher et n’agit pas par bonté d’âme mais par simple souci du travail bien fait. C’est avec tour à tour amusement et horreur que l’on découvre le parcours de ce personnage sans scrupules traquant implacablement des créatures jugées monstrueuses mais qui, par comparaison, semblent parfois constituer un moindre mal. Le récit jongle entre plusieurs périodes, relatant la mission actuelle du narrateur avant de plonger lecteurs et lectrices dans certains des épisodes les moins reluisants du passé de ce dernier. L’intrigue est parfois assez brouillonne, et il en va de même de la narration. La faute notamment à l’absence de noms utilisés pour identifier et les démons rencontrés (qui ne sont désignés que par des pronoms avec majuscule), et pour le protagoniste dont on ignore la véritable identité. On a aussi parfois du mal à comprendre où veut en venir le personnage et la raison pour laquelle il choisit de lier son destin à celui de Maître Prosper, mais la conclusion permet de rassembler toutes les pièces du puzzle de façon satisfaisante (tout en accentuant encore un peu plus la légende noire du protagoniste).

« Le démon de Maître Prosper » de K. J. Parker est une novella très brève qui relate la mission du narrateur auprès d’une puissante famille dont le dernier né est possédé par un démon avec lequel il entretient une rivalité depuis sa plus tendre enfance. Le ton désabusé avec lequel le protagoniste s’adresse au lecteur et sa volonté de se montrer sous son véritable jour (c’est à dire pas le plus favorable) donnent une touche d’originalité agréable à cette histoire un peu brouillonne mais finalement d’assez bonne facture. A découvrir.

Autres critiques :  ?

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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