Fantasy

Nous serons l’incendie

Titre : Nous serons l’incendie
Auteur/Autrice : Jeanne Mariem Corrèze
Éditeur : Les Moutons Électriques
Date de publication : 2024 (août)

Synopsis : Quatre ans après une violente guerre d’invasion, le royaume de Sarda est occupé par les troupes des Contés-Unis des Sabès. Face à leur toute-puissance militaire, quelques poches de résistance mènent une courageuse guérilla, mais la lutte tourne à l’urgence quand un furieux incendie menace de dévorer le pays tout entier. Prince déchu, cavalières sans citadelle, réfugiées et mage de feu devront surmonter obstacles et différends pour sauver plus que des cendres.

Sarda sous occupation

En 2020 paraissait « Le chant des cavalières », un premier roman solide qui reposait sur une intrigue, des personnages, et surtout un univers convaincants, très librement inspiré de la légende arthurienne. Quatre ans plus tard, Jeanne Mariem Corrèez publie « Nous serons l’incendie » et, si à aucun moment l’éditeur ne mentionne le fait qu’il s’agit d’un deuxième tome, l’ouvrage est clairement construit et pensé comme une suite. L’absence de toute mention en ce sens est d’ailleurs problématique car elle risque d’induire en erreur certain.es lecteurices, la compréhension de l’intrigue se révélant plus que compromise pour celles et ceux qui n’auraient pas déjà connaissance des événements ayant secoué le royaume de Sarda dans le précédent roman (la mention « roman indépendant » apposé sur la quatrième de couverture est ainsi carrément déplacée). Et même dans ce cas, malheureusement, il n’est pas toujours aisé de s’y retrouver. Quatre ans ont en effet passé depuis ma lecture du « Chant des cavalières », et cette suite ne comportant ni rappel de l’intrigue précédente, ni dramatis personae, ni carte, j’avoue avoir eu au début beaucoup de mal à m’y retrouver. L’action se déroule plusieurs années après la fin du précédent ouvrage de l’autrice, et on retrouve nos cavalières dans un bien piteux état. Le royaume de Sarda a en effet été tout bonnement annexé par ses voisins Sabès après que certaines cavalières aient intrigué pour inciter leur royaume à contester le traité de paix ratifié il y a longtemps et à reprendre les armes. Force est de constater que la manœuvre est loin d’avoir eu l’effet escompté. Éparpillées un peu partout sur le territoire, les cavalières ont ainsi vu la plupart de leurs forteresses vidées de leur occupantes et leur ordre en grande partie détruit. Pourtant, nombreuses sont celles qui refusent de se soumettre à l’occupant et organisent la résistance. L’objectif ? Bouter les Sabès hors de Sarda, et mettre en place un régime démocratique, la monarchie faisant désormais office de repoussoir dans la mesure où c’est elle qui a mené le royaume à sa ruine. Mais, pour se faire, il va falloir s’entendre avec certains de ceux directement responsables de la situation actuelle, à commencer par le prince Roland et le mage Myrddin que nombre de cavalières ont des raisons de haïr. Le temps presse, toutefois, un incendie dévastateur ayant échappé à l’occupant menaçant de détruire une bonne partie du royaume dont il ne resterait alors plus grand-chose à sauver.

Résister et organiser le collectif

J’ai eu du mal dans un premier temps à me remettre les personnages et l’intrigue du précédent tome en place mais, une fois mes marques retrouvées, j’ai pris plaisir à retrouver ces cavalières qui se débattent avec des sentiments contradictoires et tentent de trouver la meilleure voie possible dans une situation pas loin d’être désespérée. La difficulté à se repérer dans le récit ne vient cependant pas uniquement des quatre années qui se sont écoulées depuis la lecture des « Chants des cavalières ». En effet, l’autrice opte pour une narration multiple, de nombreux points de vue se succédant les uns aux autres. Il s’agit parfois de cavalières, ou bien du prince déchu qui tente tant bien que mal de surmonter sa culpabilité, ou encore du mage Myrdinn qui, lui aussi, a beaucoup à se faire pardonner. Les deux protagonistes les plus intéressants restent cependant pour moi le poète au service des Sabès qui, bien que du côté des dominants et exerçant une fonction prestigieuse, se montre particulièrement lucide, mais aussi une grand-mère anonyme qui subit de plein fouet les conséquences de l’occupation et tente de subvenir au soin de ses petites-filles. Plusieurs chapitres mettent aussi en scène des personnages que l’on a bien du mal à rattacher à l’intrigue servant de fil rouge au roman et, si certains aspects de ces histoires sont intéressants, elles participent à complexifier encore un peu plus un récit déjà un tantinet brouillon. Les nombreuses références à des événements passés qui ne sont abordés que de manière allusive mais dont les personnages subissent encore les conséquences n’aident pas non plus et donnent trop souvent l’impression d’avoir louper un wagon. L’univers est, cependant, toujours aussi plaisant même s’il comporte encore de nombreuses zones d’ombres et que les questions s’accumulent plus vite que les réponses. J’ai aussi apprécié le parti pris de l’autrice consistant à faire du féminin la forme neutre par défaut de même que ses considérations sur le genre ou encore la démocratie, ce qui permet au roman d’adopter une forme plus politique. J’ai en revanche parfois eu du mal à me représenter les personnages dans la mesure où certains détails concernant notamment le sexe biologique arrivent sur le tard et viennent régulièrement chambouler l’image qu’on pouvait se faire de telle ou telle cavalière.

Bien que non présentée comme telle, « Nous serons l’incendie » est sans doute possible la suite du roman paru en 2020 « Le chant des cavalières » qui mettait en scène un ordre de femmes guerrières dans un royaume en passe d’être annexé par ses puissants voisins. La plume de Jeanne Mariem Corrèze est toujours aussi élégante et les thématiques traitées le sont avec beaucoup de subtilité et de sensibilité. Néanmoins le roman pâtit de l’absence de rappels explicites à la précédente intrigue et s’embourbe parfois dans des sous-intrigues pas toujours passionnantes.

Voir aussi : Le chant des cavalières

Autres critiques :  ?

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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