Leur âme au diable
Titre : Leur âme au diable
Auteur : Marin Ledun
Éditeur : J’ai lu
Date de publication : 2022 (mars)
Synopsis : L’histoire commence le 28 juillet 1986 par le braquage, au Havre, de deux camions-citernes remplis d’ammoniac liquide destiné à une usine de cigarettes. 24 000 litres envolés, sept cadavres, une jeune femme disparue. Les OPJ Nora et Brun enquêtent. Vingt ans durant, des usines serbes aux travées de l’Assemblée nationale, des circuits mafieux italiens aux cabinets de consulting parisiens, ils vont traquer ceux dont le métier est de corrompre, manipuler, contourner les obstacles au fonctionnement de la machine à cash des cigarettiers.
C’est le troisième plan social qu’il voit passer. Les vieux comme lui sont indestructibles, ils en ont vu d’autres, mais les jeunes, c’est différent. Les mutations, l’incertitude, les déménagements à répétition, le dépeçage des activités, les fleurons de l’économie vendus au plus offrant, les bénéfices records, ça les dépasse et, pour finir, ça les use. Ils n’ont plus le goût de la lutte, ils ne sont plus syndiqués, ils n’y croient pas. Ils imaginent que c’est leur force, mais ça les rend encore plus vulnérables.
Ah qu’il est beau notre beau monde capitaliste ! Avec ces lobbies qui, à coup de cadeaux, de frics, de corruption, de manipulations (une loge VIP à Roland Garros par-ci, un GP de F1 par là, des enveloppes gonflées de billets, faveur auprès d’escort etc…) reçoivent en contrepartie la bénédiction de nos gouvernants, de nos élites, de médias, d’artistes de ceux qui nous font la morale du « travailler plus pour gagner plus » …
Marin Ledun s’attaque au lobby du tabac, et il le fait de façon fouillée, mêlant habilement la fiction de son récit à l’actualité de l’époque (des années 80 à 2007). Ici, bien difficile de trouver la moindre empathie pour ces personnages car tous et toutes sont obnubilés par le fric. Les ambitions de chacun n’ont qu’un but : s’enrichir, et franchir allègrement la ligne rouge pour se goinfrer encore et encore, peu importe les dégâts collatéraux.
L’enquête policière ressemble ici au David voulant terrasser Goliath, que ce soit Nora ou Brun, les deux flics tentant de faire condamner ces mastodontes malgré leur isolement et leurs peu de moyens qui paraissent bien dérisoires pour mettre à terre une telle puissance.
Au final, si l’intrigue est sacrement exigeante, le talent narratif de Ledun est remarquable, tant dans le scénario que dans les dialogues. Difficile d’y voir le moindre espoir pointer le bout de son nez, tant les « petits arrangements » entre personnes bien-nées semblent bien au dessus des lois.
Autres critiques : ?