Fantasy

Diamants

Titre : Diamants
Auteur : Vincent Tassy
Éditeur : Mnémos
Date de publication : 2021 (février)

Synopsis : D’un hiver sans fin naît l’espoir d’un printemps radieux
L’Or Ailé, de la cité immortelle, est descendu des cieux.
Seigneur ou roturier, lequel deviendra son suivant ?
Serviteur, conseiller, dévoué ou confident
Dans le labyrinthe d’Œtrange, il devra le guider
Du royaume de Ronces, aux Brumes emplies de danger.
De l’hiver au printemps, de l’obscurité à la lumière
Percerez-vous les secrets de L’Or Ailé venu sur Terre ?

 

Personne, avant de voir Ronces, ne pouvait vraiment dire : « Je sais ce que c’est que la nuit ».

Nouvelle pépite chez Mnémos

Une fois encore, les trois maisons d’éditions composant le collectif des Indés de l’Imaginaire ont profité du début d’année pour mettre en avant un ou une autrice dont l’ouvrage est venu rejoindre leur catalogue. Parmi ces « pépites de l’imaginaire » on trouve « Diamants » de Vincent Tassy qui a déjà publié plusieurs ouvrages aux éditions du Chat noir et qui vient ici gonfler les rangs des éditions Mnémos, succédant ainsi à Grégory da Rosa (« Sénéchal »), Thibaud Latil-Nicolas (« Chevauche-brumes ») ou encore Raphaël Bardas (« Les chevaliers du Tintamarre »). Et la qualité est à nouveau au rendez-vous ! Le roman met en scène un continent, Samsara, dans lequel l’alliance unissant les plus grands royaumes est sur le point de prendre fin. Les souverains à la tête de Chrysalie, d’Arith et des Moires sont en effet bien décidés à mettre à bas leur puissant allié, Vaivre, dont le pouvoir vient justement d’être déstabilisé par la concrétisation d’un passage du texte sacré qui constitue le fondement de leur spiritualité : la descente sur Terre d’un ange. Décrite comme une véritable bénédiction pour le territoire où l’Or Ailé aura fait son apparition, l’arrivée de l’être de lumière provoque hélas plus de tracas qu’autre chose. Outre la menace représentée par l’union des trois royaumes qui voient en cet événement une opportunité de frapper vite et fort leur adversaire, la cour de Vaivre doit aussi composer avec tous les rituels à respecter afin de prendre soin de l’ange, de même qu’avec l’étrange langueur qui semble s’être emparée de tous depuis son apparition. Certains paraissent d’ailleurs plus touchés que d’autres, à commencer par la famille royale, déjà minée par un douloureux passé et dont les relations sont loin d’être au beau fixe. L’auteur opte pour une alternance des points de vue, ce qui permet de mettre en avant plusieurs personnages clés à commencer par la reine de Vaivre et ses deux filles (l’une totalement effacée, l’autre sauvage et aussi peu concernée par les affaires de la couronne) mais aussi le principal conseiller de la cour, et enfin un jardinier travaillant au palais et fasciné par l’Or Ailé auquel il présent qu’il est intimement lié.

Ambiance féerique et complots de cours

L’univers mis en scène ici s’inscrit dans du médiéval-fantastique classique mâtiné de féerie. La magie y est omniprésente, et ce malgré sa disparition il y a des années dans la plupart des royaumes suite à une force mystérieuse appelée Évanescence (seul le territoire de Chrysalie a refusé de renoncer à son pouvoir, de même que celui de Ronces, mystérieux royaume situé au nord de Vaivre où peu de gens se rendent et dont on ne sait presque rien). Toute trace de magie est pourtant loin d’avoir disparue puisque le premier conseiller du royaume se livre régulièrement avec succès à la mancie (qui lui permet de capter des bribes d’explications concernant les événements importants en cours) tandis que notre fameux jardinier possède le pouvoir de créer des fleurs d’une beauté éblouissante à partir de rien. L’Or Ailé possède quand à lui des capacités sur-humaines dont on peine à cerner les contours mais qui ont des effets bien visibles sur les gens qui l’entourent. De même que sur Ronces, une aura de mystère entoure la personnalité de l’ange dont on ignore tout, à commencer par ses intentions, la créature alternant entre indifférence, colère ou compassion vis à vis des humains. C’est cette ambiance féerique, presque onirique parfois, dans laquelle baigne le roman qui lui donne une partie de son charme. L’immersion du lecteur est immédiate et se renforce au fur et à mesure que les frontières de l’univers se précisent et qu’on commence à bien cerner les enjeux dont il est question ici. La venue de l’Or Ailé en est un, mais d’autres vont rapidement entrer en compte et faire intervenir d’autres protagonistes et permettre de revenir sur l’histoire et la mythologie du continent. L’intrigue est habilement construite, l’auteur parvenant à surprendre le lecteur jusqu’au bout et à offrir une fin qui éclaire le récit d’une lumière inattendue, lui donnant ainsi davantage de profondeur. Le travail effectué par l’historiographe et les questionnements concernant les manques ou les différentes possibilités d’interprétation des sources anciennes consacrées à l’histoire de Vaivre sont également une belle trouvaille qui apporte encore un peu plus de complexité à l’ouvrage.

Un traitement tout en nuance

La manière dont l’auteur met en scène la royauté et le peuple de Vaivre est elle aussi très intéressante car dénuée des habituels clichés. Les courtisans et les membres de la famille royale sont loin d’être des tyrans superficiels et cruels comme on en trouve dans certains récits qui manquent de subtilité, mais l’auteur n’en met pas moins en avant l’entre-soi incontestable que représente la cour, ainsi que la totale déconnexion avec les conditions de vie des classes populaires que cet isolement ne manque pas de provoquer. De même, l’auteur a su trouvé un juste milieu pour représenter le peuple révolté qui n’est ni idéalisé ni caricaturé. Les protagonistes du roman sont donc, comme souvent, issus d’un milieu social très privilégié, mais cela ne prive pas l’auteur de s’interroger ici sur la légitimité de leur domination. En dépit de leurs défauts et de leur criante incompréhension des revendications et des craintes populaires, on s’attache sans mal à cette famille royale dont les souffrances sont les mêmes que ceux d’une famille éclatée ordinaire. J’ai pour ma part été particulièrement sensible à la personnalité des deux princesses : Daphnéa parce que la manière péjorative dont la considère sa mère et la cour incite à l’empathie, Savannah parce que son caractère rebelle et l’affection profonde qu’elle porte aux membres de sa famille nous la rendent immédiatement attachante. Les révélations progressives effectuées par l’auteur concernant les origines du drame familial qui a conduit au départ du roi permettent quand à elles de compatir tour à tour à l’un ou l’autre des parties, si bien qu’on s’émeut autant de la souffrance de la reine d’avoir été abandonnée que de celle du roi. Les personnages de Mauront, le jardinier, et de l’Or Ailé sont plus ambigus et évoluent énormément tout au long du récit, mais la relation entretenue par l’ange et son « laquais » ne manque pas d’intriguer et, souvent, de surprendre.

Cette année encore, les éditions Mnémos nous offrent pour la rentrée un beau roman qui mérite sans aucun doute son qualificatif de « pépite », aussi bien pour la qualité de son intrigue et de ses personnages que pour celle de la plume, fluide et poétique, de l’auteur. A découvrir !

Autres critiques : Célindanaé (Au pays des cave trolls) ; Fantasy à la carte ; Les Chroniques du Chroniqueur

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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