Fantasy

Lasser, détective des dieux, tome 5 : Trahison en terres celtes

Titre : Trahison en terres celtes
Cycle/Série : Lasser, détective des dieux, tome 5
Auteurs : Sylvie Miller et Philippe Ward
Éditeur : Critic
Date de publication : 2019 (juin)

Synopsis : 1938, Le Caire. Quand Gabian, le vieux loup de mer, propose à Lasser une enquête en Gaule dont il ne connaît ni la teneur ni le commanditaire, ce dernier se laisse convaincre malgré lui et décide de retourner dans le pays qui l’a vu naître… mais qu’il a fui quelques années plus tôt. Et s’il est devenu entre temps le Détective des dieux, ce retour aux sources n’en est pas moins compliqué pour Lasser : à peine a-t-il posé le pied dans le vieux port de Marselha qu’il se retrouve pris dans une fusillade. Très vite, il comprend qu’il va devoir replonger dans son passé, celui qui a vu la mort de ses parents, et affronter ses propres démons. Ce sera le début d’un périple qui va l’entraîner dans une course-poursuite échevelée à travers les terres celtes, sur fond de dérèglements climatiques. Aidé par le djinn Amr, il devra rattraper un fugitif particulièrement retors, se confronter aux divinités de multiples panthéons et sauver le monde. Rien que ça !

 

Dernière enquête pour Lasser !

Une page se tourne pour Sylvie Miller et Philippe Ward qui mettent fin avec ce cinquième tome aux aventures du détective Jean-Philippe Lasser, commencées il y a maintenant sept ans. Et il en a fait du chemin, notre privé ! Ce qui n’étaient au début que de « simples » nouvelles indépendantes se sont ainsi étoffées au fil des ans jusqu’à former des romans à pat entière, chacun mettant en scène une enquête, et surtout un lieu et un panthéon, différents : celui de l’Égypte, d’abord, puis de la Grèce, de l’Italie, de la Mésopotamie, et enfin désormais de la Gaule. Adieu la Méditerranée, le soleil, les djinns et les pyramides, bonjour la pluie, les korrigans et les menhirs ! Après des années passées à éviter par tous les moyens de se confronter à son passé, notre détective n’a plus le choix et se voit contraint de revenir sur les terres de ses ancêtres. Seulement entre les dieux du panthéon gaulois et les magnats de la mafia locale qu’il a offensé lors de son départ précipité il y a des années et qui cherchent toujours à lui faire la peau, le voyage ne s’annonce pas comme une partie de plaisir. La réussite de son enquête est pourtant primordiale puisqu’il s’agit rien de moins que de sauver la Terre de la destruction après qu’un druide mal intentionné ait trafiqué un rituel lié au retour du printemps. Heureusement, notre détective peut toujours compter sur l’indéfectible soutien de ses compagnons rencontrés au fil de ses enquêtes, qu’il s’agisse de Fazimel, son ingénieuse assistante, d’Amr, djinn facétieux aux pouvoirs redoutablement efficaces, sans oublier le minotaure patron de bar Hapi. Ce cinquième tome a incontestablement des allures de final : les différentes sous-intrigues entamées lors des précédents tomes trouvent ici leur résolution et surtout notre héros fait preuve d’une mélancolie inhabituelle qui ne tarde pas à contaminer le lecteur. Pas de doute, il faut bel et bien se résoudre à dire au revoir à Jean-Philippe Lasser !

Un humour toujours aussi savoureux

En dépit de l’ambiance nostalgique qui imprègne le roman, l’humour est heureusement toujours très présent, Il faut dire que c’est un peu la marque de fabrique de cet univers qui joue depuis le tout premier tome avec le contraste entre des références tirées de l’Antiquité et des clins d’œil à notre monde contemporain. En effet, outre le fait que les dieux des différents panthéons antiques aient réussi à maintenir leur culte vivace jusque dans les années 1930, ce qui provoque avant tout l’amusement du lecteur tient à la manière dont ces divinités se sont adaptées au passage du temps et à la modernité. Ne vous étonnez pas de voir Héphaïstos reconverti comme garagiste, ni de découvrir que le roi Arthur officie désormais en tant que directeur d’un hôtel celtique de luxe : dans le monde de Lasser, ce genre de bizarreries semble parfaitement naturel. La légèreté de ton choisie par les deux auteurs se manifeste également par le biais de situations particulièrement cocasses, ainsi que par la mise en scène d’un certain nombre de nouveaux personnages secondaires qui font des apparitions souvent brèves mais néanmoins mémorables. Facétieux, les deux auteurs ne se sont d’ailleurs pas privés de s’inspirer pour certains d’entre eux de personnalités bien connues dans le monde des littératures de l’imaginaire, qu’il s’agisse de Mélanie Fazi, d’Ugo Bellagamba, de Jean-Luc Rivera ou encore de l’équipe de chez Critic qui ont le droit ici à une scène de beuverie et de baston d’anthologie. Il est toujours un peu périlleux de multiplier les clins d’œil de ce style (le risque est grand de perdre les lecteurs qui seraient conscients d’être confrontés à une référence sans être en mesure de la comprendre), fort heureusement les auteurs usent de ce ressort avec parcimonie et subtilité : certains n’y verront que du feu et n’en seront pas frustrés, tandis que d’autres sauront repérer les allusions sans pour autant les laisser parasiter le récit.

Après l’Égypte, la Gaule !

Pour ce qui est de l’intrigue, les ressorts restent globalement les mêmes que dans les précédents tomes : Lasser marche essentiellement à l’instinct, se prend raclée sur raclée, et surtout doit s’estimer heureux de bénéficier d’autant de chance et d’amis plus stratèges ou plus prudents que lui pour le sortir de la panade. L’originalité de ce cinquième tome tient plutôt au changement de décor qu’il propose puisqu’il nous permet pour la première fois d’explorer ce monde uchronique des années 1930 du côté de la Gaule. Si les dieux gaulois sont malheureusement assez peu mis en scène, les deux auteurs ne se privent en revanche pas d’exploiter toute une partie du folklore de la mythologie celtique. Attendez-vous ainsi à croiser des korrigans (à l’humour très potache !), des fées (pas tout à fait comme on se les imagine…), et bien sûr certaines des figures les plus emblématiques des légendes arthuriennes (Arthur, Merlin, Morgane…). Comme d’habitude, on sent que les auteurs ont fait un certain nombre de recherches concernant les spécificités culturelles et cultuelles de la civilisation qu’ils ont choisi de mettre à l’honneur. L’occasion pour le lecteur de découvrir de manière ludique quelques unes des particularités de la civilisation celtique, que ce soit en terme de culte, de cuisine ou encore de sport. Ce cinquième tome séduit aussi par le parallèle appuyé qu’il met en lumière avec notre propre actualité puisqu’il s’agit ni plus ni moins pour Lasser de résoudre le problème du dérèglement climatique qui menace la survie aussi bien des humains que des dieux. C’est parfois maladroitement exploité, de même que certaines scènes ou pans de l’intrigue auraient mérité d’être davantage étoffés pour paraître plus cohérents ou moins mièvres, mais dans l’ensemble on passe un bon moment aux côté de personnages qu’on a appris au fil des ans à aimer, et qu’on est un peu déçu de quitter.

Ce cinquième et dernier tome des aventures de Lasser, détective des dieux, se situe dans la droite lignée des précédents volumes. En dépit de quelques maladresses, on y retrouve avec plaisir tous les ingrédients qui font le charme de la série depuis ses débuts : de l’humour, des personnages hauts-en-couleur, des enquêtes rocambolesques et surtout un mélange des genres savamment mis en scène. Pour les nostalgiques, sachez qu’une intégrale réunissant les trois premiers tomes (superbement illustrée par Xavier Colette) est désormais disponible chez Critic, et que l’on apprend à la fin de l’ouvrage que les auteurs n’excluent pas de revenir d’ici quelques années à cet univers et ce personnage. Pas d’adieu, donc, mais plutôt « à bientôt » !

Voir aussi : Tome 1 ; Tome 2 ; Tome 3 ; Tome 4

Autres critiques :  ?

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

Un commentaire

  • Vert

    Ah c’est donc la conclusion pour le moment ? J’avais pas forcément prévu de l’acheter (j’étais restée sur ma faim avec le tome 4) mais s’il n’en reste qu’un, pourquoi pas…

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