Science-Fiction

Tous les oiseaux du ciel

Titre : Tous les oiseaux du ciel
Auteur : Charlie Jane Anders
Éditeur : J’ai lu (Nouveaux Millénaires)
Date de publication : 2018 (mai)

Synopsis : Patricia Detfine, sorcière philanthrope qui parle le langage des animaux, et Laurence Armstead, génie de l’informatique qui déteste qu’on l’appelle Larry, étaient faits pour se rencontrer. Tous deux sont des parias, incompris de leurs familles et méprisés par la société, mais l’un comme l’autre sont appelés à connaître un destin exceptionnel. Alors que la fin du monde approche, ils vont devenir à leur corps défendant les champions d’un conflit qui les dépasse et dont dépend le sort de l’humanité. À moins que le lien indéfectible qui les unit ne porte en lui les clés d’une troisième voie…

Bibliocosme Note 3.0

Rencontre entre magie et machine

Patricia et Laurence sont deux ados mal dans leur peau et marginalisés. La première est une sorcière capable de parler aux animaux et considérée par ses proches comme ses camarades comme une cinglée de première. Le second est un petit génie de l’informatique capable de construire une montre capable d’avancer dans le temps (de deux secondes, mais quand même…) ou de développer une Intelligence Artificielle dans son placard. En dépit de leurs différences, une belle amitié va naître entre ces deux héros qui, chacun à leur manière, vont tout faire pour sauver notre planète de son inéluctable destruction. Récompensé en 2017 par le Prix Nebula et le Prix Locus du meilleur roman de fantasy, le roman de Charlie Jane Anders est plutôt atypique. Bourré de bonnes idées et porté par un duo convaincant, l’ouvrage reste malgré tout difficile à appréhender et à apprécier. La faute notamment à la manière dont l’auteur a construit son intrigue dont on peine pendant plus de la moitié du roman à trouver un sens. L’ouvrage est divisé en plusieurs parties qui correspondent chacune à différentes étapes de la vie des personnages. La première, consacrée à leur enfance, est relativement courte et sert à poser les bases de leurs deux personnalités et parcours : Patricia apprend soudainement qu’elle est capable de parler aux animaux, tandis que Laurence se découvre une passion pour les nouvelles technologies. Jusque là tout va bien, et on ne peut s’empêcher d’être intrigué par ce mélange prometteur entre fantasy et science-fiction. La seconde partie est elle aussi intéressante, mais beaucoup trop longue. Nos deux personnages sont désormais adolescents, une période très difficile pour l’un comme pour l’autre qui subissent les railleries et les mauvais traitements de leurs camarades de lycée. On assiste alors à la naissance de leur relation, la défiance laissant peu à peu la place à la curiosité puis à l’affection. Si cet aspect du récit est certes intéressant, l’auteur en fait par moment beaucoup trop, multipliant certains types de scènes sans que cela ne serve ni à l’intrigue, ni au développement des personnages. C’est notamment le cas du harcèlement des deux ados qui est mis en scène un nombre incalculable de fois (pour le coup leurs camarades sont vraiment inventifs !).

Une intrigue totalement décousue…

On finit par avoir hâte de passer à la suite, et c’est alors qu’arrive enfin la troisième partie. Et c’est seulement à ce moment là que l’intrigue se met en place ! Oui parce qu’avant cela il faut bien avouer qu’à part la relation d’amitié torturée entre Patricia et Laurence, le récit n’avait pas franchement de ligne directrice. On découvre alors que notre planète n’est pas au meilleure de sa forme au point qu’elle risque fort de disparaître dans les années à venir. Alors que les catastrophes naturelles se multiplient dangereusement, Patricia et Laurence se déchirent, chacun appartenant à un groupe d’individus convaincus d’avoir trouvé LA solution pour sauver l’humanité. Et bien sur, ces deux solutions s’excluent mutuellement. L’intrigue est loin d’être inintéressante, seulement les éléments sur lesquels elle repose tombent un peu comme un cheveu sur la soupe. Nulle mention, par exemple, de quelconques problèmes climatiques (ou alors de manière vraiment très anecdotique) qui aurait pu permettre au lecteur de mieux appréhender le contexte. Même chose pour l’histoire d’amour naissance entre les deux personnages qui se la jouent un peu à la « Quand Harry rencontre Sally » : cela fait des pages et des pages qu’on devienne que ces deux là vont finir par s’avouer leur sentiment, sans que rien n’arrive et puis, tout à coup, sans plus d’explication, l’un comme l’autre ont une sorte d’épiphanie et hop, les voilà en couple ! Outre cette installation tardive de l’intrigue, on peut regretter la multiplication de sous-intrigues ou de fausses pistes qui n’ont que très anecdotiquement rapport avec le fil conducteur. C’est le cas notamment de l’énigme de l’arbre et des contacts de Patricia avec les oiseaux. C’est aussi le cas de l’assassin Theodolphus dont j’ai bien du mal à comprendre l’intérêt tant son rôle ne rime à rien. On le voit au début (ce qui permet à l’auteur de mentionner l’existence d’une secte d’assassins dont le rôle ne sera, là non plus, jamais explicité), puis il disparaît… avant de revenir… et d’à nouveau être mis sur la touche jusqu’à la fin ! Outre leur absence d’utilité, ces « fausses pistes » contribuent à donner à petit côté brouillon au roman qui donne trop souvent l’impression de partir dans tous les sens sans bien connaître sa destination. La fin est d’ailleurs assez décevante car évacuée de manière beaucoup trop rapide.

… mais un duo de protagonistes attachant

Tout cela est d’autant plus dommage que le roman ne manque pas d’éléments intéressants. L’auteur s’attarde en effet sur des thématiques importantes qu’elle exploite de manière efficace. Il y est question de marginalité, de la souffrance qu’elle engendre, mais aussi d’amitié, de sacrifice, de solitude… La dimension écologique est pour sa part trop peu exploitée puisqu’elle se contente de servir de ressort à l’intrigue sans que soit vraiment questionné notre mode de vie ou notre rapport à la nature. Les liens établis par l’auteur entre fantasy et science-fiction, magie et machine, sont en revanche abordés avec plus de subtilité. Le mélange des deux genres est un peu perturbant au début, mais on finit par s’y faire et cela ouvre d’intéressantes perspectives tout en créant une ambiance particulière. Les protagonistes sont pour leur part assez sympathiques, notamment parce qu’ils cultivent leurs différences et en pâtissent : elle par son comportement étrange, lui à cause de sa passion qui lui vaut d’être catalogué comme le « geek intello ». L’auteur parvient sans mal à nous émouvoir avec cette histoire d’amitié touchante, quand bien même on voit arriver de loin le côté romantique. Tout juste pourrait-on regretter la forte tendance des personnages à se poser en martyr ou à s’apitoyer sur leur sort, ce qui peut finir par agacer. Les personnages secondaires sont en revanche très peu exploités : on connaît leur nom et ce qu’ils font dans la vie, mais pour la grande majorité d’entre eux cela s’arrête là. Du coup, j’ai un peu de mal à saisir l’intérêt de les mettre en scène (à part peut-être juste pour accroître le nombre de figurants…). Les amis sorciers de Patricia sont pour leur part un peu plus présents, mais, en dépit de leur étrangeté, ne se révèlent pas plus complexes que les autres. Un mot, pour terminer, sur le style : Charlie Jane Anders possède une plume passe-partout qui facilite la lecture. En revanche, les dialogues sont assez pauvres et donne parfois davantage l’impression (contrairement à ce que stipule la quatrième de couverture) de lire du Marc Levi que du Neil Gaiman, (même si je n’ai rien contre les ouvrages de Marc Levi).

« Tous les oiseaux du ciel » est un roman incontestablement atypique, dont les principaux attraits résident à la fois dans la relation entretenue entre les deux héros, mais aussi dans le savant mélange proposé ici entre SF et fantasy. Dommage, en revanche, que l’intrigue soit aussi décousue et manque de cohérence.

Autres critiques :  ?

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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