Le Règne, tome 1 : La Saison des démons
Titre : La Saison des Démons
Série : Le Règne, tome 1
Auteur : Sylvain Runberg
Dessinateur: Olivier Boiscommun
Éditeur : Le Lombard
Date de publication : 2017 (janvier)
Synopsis : Un tigre, une guéparde, un bouc. Un trio de mercenaires uni par cette réalité intemporelle : l’union fait la force. Surtout quand le monde dans lequel ils doivent survivre n’a jamais été aussi dangereux. Car le règne de l’Humanité est révolu. Et nos trois aventuriers ont à affronter son terrible héritage : des puissances naturelles destructrices…
Les humains ne sont jamais en retard quand il s’agit de semer la destruction. Nous serons en sécurité bien avant qu’ils ne se déchaînent, ma belle Daphnis.
Le Règne constitue l’un des fers de lance de Le Lombard pour l’année à venir. En témoigne l’importante promotion dont ce premier opus a fait l’objet au FIBD d’Angoulême entre les multiples séances de dédicaces d’Olivier Boiscommun, les jeux-concours, les badges, la diffusion en boucle de la réalisation d’une planche en vidéo en arrière-plan dans le stand de l’éditeur et les dessous de bock à bière (si si je vous jure) aux couleurs de la bande dessinée. Alors que la sortie du second tome est d’ores et déjà planifiée pour la fin de l’année, qu’en est-il vraiment de cette nouvelle série ?
La Saison des Démons, c’est le titre de cet album, surfe sur la vague tendance du post-apocalyptique en situant son fil narratif dans un futur distant de quelques siècles de notre présent à nous. L’histoire prend d’ailleurs place, pour le moment, en France. On croise au détour des pages quelques vestiges : un TGV, et surtout, reconnaissable entre mille, la tour Eiffel, bien qu’emberlificotée dans des plantes grimpantes. Oui parce que la nature, dans Le Règne, semble avoir repris ses droits. La dite tour est perdue au milieu de la végétation et la Seine semble perdue en pleine forêt tropicale, telle l’Amazone. Et dans ces paysages, point d’Homme qui déambulent, mais des personnages anthropomorphes. Le récit s’ouvre sur le début de la saison des démons, menaces climatiques dantesques et récurrentes qui poussent les populations, toutes espèces animales confondues, à migrer vers le Shrine. Ce lieu reste encore bien mystérieux mais semble être le seul refuge offrant la protection nécessaire face au monde détraqué que les humains ont légué à ces êtres doués de paroles et d’intelligence. Ces différents éléments se présentent au lecteur par le biais de trois personnages principaux : Isaac, un tigre blanc aux allures de gentleman, la svelte guéparde Octavia, et Pantacrius, le bouc impatient. Les trois protagonistes vaquent à leur occupation de mercenaires, offrant leurs services aux voyageurs fortunés en mal de protection pour le long périple qui attend les pèlerins en route pour le Shrine. Ceux-ci protègent le convoi de riche aristocrates et de leurs offrandes, précieux sésame pour accéder au tant espéré refuge.
Le récit écrit par Sylvain Runberg s’ébauche sur ces bases solides mais aussi très classiques. Le trio de personnages évoqué précédemment promet d’être tout à fait agréable à suivre, avec trois caractères bien trempés et, sans doute à venir, un fond assez développé. Le choix d’inverser le schéma naturel des animaux comme proies ou comme prédateur est par ailleurs plutôt judicieux de prime abord. Tigre et guépard, protecteurs ici, alors que des animaux plutôt placides peuvent se révéler de vilains antagonistes. En dehors de cela, il faut avouer que ce premier tome ne laisse guère de place à la surprise du point de vue du scénario, entre récit initiatique et road trip comme cela a pu être bien souvent abordé ailleurs depuis quelques années (La Route, Mad Max ou pourquoi pas encore Logan, pour ne pas parler que septième art). Le charme de La Saison des Démons repose largement, pour le moment, sur ses personnages réussis et sur le non-dit : que sont devenus les humains ? Comment les animaux ont-ils pu évoluer et s’ériger en nouvelle civilisation dominante ? Des questions qui sont encore en suspens et auxquels on peut espérer que les tomes futurs répondront.
Enfin, si, il y a quand même un autre élément qui contribue au charme de cet album, et qui contribuera sans nul doute au succès de la série : le travail d’Olivier Boiscommun. En dehors de quelques panoramas qui sont parfois peut-être un peu légers en détails, le coup de pinceau du dessinateur est diablement efficace. Les personnages ont tous bénéficié d’un soin minutieux, avec des mouvements très réussis, lors des scènes de combats par exemple, très dynamiques visuellement, et des expressions faciales très bien rendues. Tous les personnages d’importance en ressortent très charismatiques. Dommage, d’ailleurs, qu’on ne trouve pas quelques cases en pleine page. Certaines l’auraient mérité et cela aurait été du plus bel effet. En terme de couleurs, le travail à l’aquarelle apporte une douceur certaine à la dureté du monde peint par Boiscommun, peut-être trop pour certaines scènes. Bien évidemment, qui dit personnages anthropomorphes dit forcément Blacksad et donc Guarnido, et les personnages n’ont ici pas à rougir de la comparaison. Un mot, pour terminer, sur la mise en page de ce premier album, et sur la police d’écriture plus précisément. On en a connu de plus discrètes, de moins grandes au moins. C’est écrit très gros. Une police un cran plus petite resterait encore parfaitement lisible et ne prendrait pas la moitié d’une case comme c’est parfois le cas pour quelques mots seulement. Cela porte un peu préjudice au travail du dessinateur, à mon sens.
En résumé, Le Règne lance les bases d’un récit sans nul doute efficace mais jusqu’ici assez classique et sans grande prise de risque. L’écriture des personnages et l’art d’Olivier Boiscommun sont indubitablement les atouts de ce premier album. Une lecture plaisante, mais très sage !
Voir aussi : Tome 2