Fiction historique

Stupor Mundi

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Titre : Stupor Mundi
Auteur : Néjib
Éditeur : Gallimard
Date de publication : 8 avril 2016

Synopsis : Au début du XIIIe siècle, Hannibal Qassim El Battouti, un éminent savant arabe, débarque dans les Pouilles à Castel del Monte, refuge d’érudits en tous genres. Accompagné de sa fille Houdê, paralysée, et d’El Ghoul, son serviteur masqué, il a dans ses bagages une invention extraordinaire : la photographie. Pour obtenir la protection de Frédéric II et continuer ses recherches, il lui faudra retrouver une formule chimique disparue, réaliser un faux saint-suaire… et lutter contre les forces ennemies liguées contre lui. Une aventure médiévale digne du «Nom de la Rose».

Note 5.0

Il est trop tôt pour se tourmenter, Balthazar.
Trop tôt pour se tourmenter ? Pourtant, si ce que l’on dit est vrai… C’est le diable en personne qui pénètre en ces murs.

Dès lors que le festival d’Angoulême point à l’horizon et que le dernier ouvrage de Néjib est en lice dans la compétition, il est bien temps que le Bibliocosme propose lui aussi un avis. Le jeune auteur plante le décor de Stupor Mundi dans l’Italie du XVIIIème où l’empereur Frédéric II, surnommé « Stupeur du monde », a rassemblé dans une forteresse des Pouilles les brillants esprits du temps. Au moment où s’ouvre le récit, Hannibal Qassim El Battouti, un scientifique venu de Bagdad, accompagné de sa fille Houdè et de son esclave, est le dernier à venir prendre ses quartiers dans l’imposant bâtiment. Ce dernier a promis une invention extraordinaire au monarque qui offre sa protection en échange. Ce projet suscite questionnement et jalousies qui donnent à Stupor Mundi une ambiance proche de celle du roman de Umberto Eco.

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La trame de fond est donc posée. Mais ne nous arrêtons pas là, car si l’histoire de Stupor Mundi est tout à fait plaisante à suivre grâce à une foule de personnages finement écris, Néjib propose également un récit on ne peut plus actuel sur la tension entre connaissance et obscurantisme religieux. La forteresse des Pouilles est habitée de près ou de loin par des personnages religieux qui voient d’un mauvais oeil des travaux scientifiques qui pourraient remettre en cause la toute puissance des écritures saintes (tant coraniques que bibliques d’ailleurs). A moins bien évidemment, que les découvertes d’Hannibal (Baba pour les intimes) puissent servir les desseins de l’un ou l’autre de ces hommes. La connaissance, ou le sentiment de possession de la connaissance au service du pouvoir en somme. Rien d’original direz-vous peut-être. En bande-dessinée, je n’en suis pas si sûr. En outre, cela est mené finement et avec brio.

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Ainsi que le veut que l’expression, jamais deux sans trois. Non content de se satisfaire de ces deux seuls fils narratifs déjà passionnants, Néjib aborde enfin dans ses pages le thème de la mémoire, tant à travers la trame principale que dans l’histoire de la jeune Houdè qui cherche à retrouver la mémoire pour se construire elle-même, pour faire mieux comprendre son père au lecteur et pour donner un visage à d’autres personnages. Le travail en terme d’écriture paraît dantesque et trouve sa conclusion dans un épilogue simple et pourtant beau.

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Longtemps encore on pourrait s’étendre sur les qualités d’écriture de Stupor Mundi. Mais qu’en est-il du dessin? Au vu de la couverture et des premières pages, bien vite, on dit que ce n’est pas bien beau, voire moche. Et pourtant. Pourtant, le trait de Néjib est très lisible et fin, sans fioritures certes, mais d’autant plus percutant. Le travail des ombres y est très intéressant et n’est pas sans rappeler, par leur allongement, l’expressionnisme allemand. Certains angles de vues sont aussi judicieusement réalisés, comme s’ils étaient perçus à travers l’objectif d’un appareil photo.

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Stupor Mundi est incontestablement l’un des joyaux de la bande dessinée de cette année par ses immenses qualités narratives et son dessin simple mais efficace. Un beau pavé de trois cent pages qui se dévore d’un trait et qui pourrait bien s’user sous les relectures.

Autres critiques : Yaneck Chareyre (Chroniques de l’Invisible)

Élevé à l'université Kaamelott option Simpson, plus ou moins historien moderniste, geek invétéré (on ne se refait pas). Revenu il y a fort longtemps à la bande dessinée par le manga, et tombé désormais dans la marmite BD-comics-manga, s'essaye à la critique.

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