Au revoir là-haut [BD]
Titre : Au revoir la-haut
Scénariste : Pierre Lemaître
Dessinateur : Christian De Metter
Éditeur : Rue de Sèvres
Date de publication : 2015 (octobre)
Synopsis : 1919. Au sortir de la guerre, la société française peine à ménager une place aux anciens poilus devenus encombrants et les trafics les moins glorieux y vont bon train. Albert Maillard, modeste comptable, qui a sauvé la vie d’Édouard Péricourt, jeune fils de bonne famille, juste avant la fin des combats, tente de les faire vivre de retour à Paris. Édouard, défiguré, refuse de reprendre contact avec les siens et imagine une gigantesque arnaque à la nation pour tenter de renouer avec une vie, ailleurs.
Ceux qui pensaient que cette guerre finirait bientôt étaient morts depuis longtemps. De la guerre, justement. Aussi, en octobre, Albert reçut-il avec pas mal de scepticisme les rumeurs annonçant un armistice. Il ne leur prêta pas plus de crédit qu’à la propagande du début qui soutenait, par exemple, que les balles boches étaient tellement molles qu’elles s’écrasaient comme des poires blettes sur les uniformes, faisant hurler de rire les régiments français. En quatre ans, Albert en avait vu un paquet, des types morts de rire en recevant une balle allemande.
« Au revoir là-haut » avait rencontré à sa sortie en 2013 un important succès qui lui avait valu de nombreux prix littéraires, dont le prestigieux Prix Goncourt. Deux ans plus tard, Pierre Lemaître s’associe à Christian De Metter afin de présenter une adaptation de l’œuvre sous la forme d’un roman graphique. Après une préface plus qu’enthousiaste de Philippe Torreton, le lecteur découvre (ou retrouve) donc les deux personnages emblématiques du récit : Édouard Péricourt et Albert Maillard. Deux soldats entraînés malgré eux dans une dernière offensive lancée juste avant la fin de la guerre par un officier ambitieux et immoral qui n’est autre que le beau-frère de Péricourt. Ils en sortiront transformés à jamais, aussi bien physiquement que psychologiquement, et ce n’est pas le retour à la vie civile qui va les aider à se reconstruire… Difficile de rester indifférent face à un récit aussi poignant qui nous donne un aperçu glaçant de l’horreur vécue par les soldats dans les tranchées et qui aborde surtout la question de la prise en charge de ces hommes à la fin de la guerre. Ou plutôt de la non prise en charge, puisque nos deux compagnons de retour du front ont bien du mal à joindre les deux bouts et à retrouver leur place dans cette société profondément marquée par le conflit qui vient de s’achever et par les millions de morts qu’il aura causé.
Des morts que la France est bien décidée à honorer, à défaut des vivants. Financement de cercueils pour les dépouilles des soldats laissés sur les champs de bataille, constructions de monuments aux morts… : tout y passe, et rarement dans le soucis du bien-être des familles ou en souvenir des disparus. Christian De Metter semble avoir parfaitement capté l’essence du roman de Pierre Lemaître et, comme pour tout roman graphique qui se respecte, c’est moins grâce au texte qu’il y parvient que grâce aux dessins. Inutile de s’encombrer de mots lorsque les graphismes parviennent à retranscrire de façon aussi éloquente le désespoir, la peur, la colère ou encore l’amertume de tous ces personnages profondément marqués, parfois jusque dans leur chair, par la guerre. Le travail effectué sur l’expressivité des visages est impressionnant et renforce l’empathie du lecteur pour les deux protagonistes qui, bien que réagissant de façon très différente à la tragédie qu’ils ont vécu, resteront liés jusqu’au bout par une indéfectible amitié. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, à commencer par les quelques femmes du récit dont nos héros vont bénéficier de la douceur et de la bonté. Tout juste pourrait-on regretter que le « méchant » de l’histoire soit aussi peu nuancé, bien que cela reste un détail que les nombreuses qualités de l’ouvrage viennent vite compenser.
Une belle adaptation du roman de Pierre Lemaître qui revient sur le difficile retour à la vie civile des soldats une fois la Première Guerre mondiale achevée et qui séduit notamment par la qualité des illustrations de Christian De Metter. A découvrir.