Kafka à Paris
Titre : Kafka à Paris
Auteur : Xavier Mauméjean
Éditeur : Alma Éditeur
Date de publication : 2015 (août)
Synopsis : Septembre 1911, Franz Kafka et Max Brod débarquent à Paris. Les deux jeunes écrivains, encore débutants, laissent derrière eux leurs fastidieux emplois de bureau, sans compter, pour Franz, une famille étouffante. Voilà ce que l’on sait de source sûre. Autrement dit : rien concernant ce qui leur advint dans la capitale. Heureusement, Xavier Mauméjean, la plume alerte, poursuit leur voyage. Voici nos deux Praguois découvrant la gouaille des prostituées, les cabocheurs des Halles, les labyrinthes du Bon Marché, les coulisses du métro, les cabarets louches, le ratodrome de Neuilly… Ils croisent même un certain Apollinaire suspecté d’avoir volé la Joconde.
Franz et Max prennent la vie à bras le corps, souvent pour rire, parfois en mourant de peur ou roués de coups. Mais l’époque est belle.
Chaque capitale a sa couleur et son parfum, dit-on. Infidèles à Prague le temps des vacances, Paris leur faisait des avances, les poussant à commettre une sorte d’adultère citadin dont ils conserveraient un souvenir exquis.
De tous les événements qui marquèrent la vie de Franz Kafka, Xavier Mauméjean a choisi pour sujet de son dernier roman un épisode bref et méconnu de la vie de l’écrivain : les huit jours de vacances qu’il aurait passé à Paris en 1911 en compagnie de son ami Max Brod. De ces quelques jours on ne sait que peu de chose, si ce n’est qu’ils correspondent à la semaine où Apollinaire a été arrêté pour le vol de la Joconde, et qu’ils furent l’objet d’une demande de la part de l’éditeur des deux hommes, chargés de réaliser un guide touristique minimaliste sur la capitale française, temporairement intitulé « Pour rien ». Voilà en ce qui concerne les faits. Pour ce qui est du reste, à savoir les aventures vécues durant ces quelques jours par les deux amis, c’est l’imagination de Mauméjean qui entre en scène. Une imagination une fois encore foisonnante et qui va permettre à l’auteur de faire vivre aux protagonistes des aventures rocambolesques, tour à tour drôles, effrayantes, surprenantes, voire carrément absurdes. Seul bémol : la frustration qui risque fort de s’emparer du lecteur qui ne serait pas, comme c’est mon cas, particulièrement au fait de la vie de Kafka et de son œuvre. Si on parvient effectivement à reconnaître ici ou là certains éléments caractéristiques de l’univers kafkaïen (enchaînement de situations absurdes, perte de repère du personnage, critique de la bureaucratie…), il m’est d’avis que les lecteurs néophytes auront cela dit eux aussi le sentiment de passer à côté d’une partie du roman.
Difficile malgré tout de ne pas se laisser porter par le récit, composé d’une accumulation de petites scénettes au cours desquelles Kafka et Brod découvrent l’ambiance imprégnant le Paris du début du XXe siècle. On assiste par exemple à leur visite au musée du Louvre, encore secoué par le vol de la Joconde, ainsi qu’au « Bon Marché », célèbre grand magasin créé par Aristide Boucicaut. On les accompagne également, au terme d’une soirée mouvementée, dans un repère d’artistes avant-gardistes baptisé « la ruche », avant de les suivre dans un cabaret aux représentations pour le moins inhabituelles. Et puis il y a leur visite mémorable au bordel, leur escapade dans les méandres du métro parisien, ou encore leur bref mais inquiétant passage au commissariat. Autant de lieux atypiques qui vont donner lieu à des rencontres elles-aussi hors normes, de la sulfureuse Evatima Tardo à l’impressionnant peintre Leger en passant par le méfiant commissaire Hamard ou le festif Kremp. Les tribulations des deux écrivains permettent aux lecteurs de découvrir agréablement le Paris de la Belle Époque dans lequel Mauméjean parvient à complètement nous immerger grâce à quelques références bien placées concernant l’évolution de l’architecture, l’émulation artistique et intellectuelle régnant dans la capitale, ou encore la méfiance développée par la population et les autorités à l’encontre des étrangers, et notamment des germanophones.
Xavier Mauméjean signe avec « Kafka à Paris » un roman original, basé sur un épisode méconnu de la vie de Franz Kafka dont il convient toutefois de connaître ne serait-ce que partiellement l’œuvre afin de pouvoir pleinement apprécier le récit. On se laisse malgré tout vite séduire par le ton volontiers enthousiaste et amusé employé par l’auteur ainsi que par la qualité de la reconstitution du Paris de la Belle Époque. Merci à Babélio et aux éditions Alma pour cette belle découverte.
Autres critiques : Arieste (Au cœur de mes lectures et mes rêveries) ; Jean-Luc Rivera (ActuSF)