La Chute dans le néant
Titre : La Chute dans le néant
Auteur : Marc Weirsiger
Éditeur : L’Arbre vengeur
Date de publication : 18 novembre 2010 (1947 pour la première édition chez Le Pré-aux-Clercs)
Synopsis : Nul ne se souvient quand est né et quand disparut Marc Wersinger, l’auteur de La chute dans le néant, paru initialement au Pré aux Clercs en 1947. Son livre unique brille comme un diamant solitaire parmi les classiques du roman fantastique français.
Robert, s’étant avancé jusqu’à l’encadrement de la porte de communication, jeta un coup d’œil dans la chambre. Là, le spectacle était plus affreux encore. Des paquets de linge déchiré et entremêlé de viscères où adhéraient des caillots de sang étaient restés accrochés aux débris du lustre qui tenaient encore au plafond. D’autres pendaient du fronton de l’armoire restée debout mais privée de sa porte. Sur un rayon de ce meuble se trouvait la calotte crânienne du malheureux vieillard, sectionnée à la hauteur des sourcils. Des lambeaux de matière cérébrale, répandus sur la planche, engluaient le cuir chevelu.
Quelle est rude La Chute dans le néant ! Rude et vertigineuse.
Encore une fois (pensons par exemple à Quinzinzinzili de Régis Messac ou bien à L’œil du purgatoire de Jacques Spitz), les éditions de L’Arbre vengeur nous proposent un auteur tombé dans la méconnaissance générale, Marc Wersinger, et une œuvre très particulière, La Chute dans le néant, datant de 1947. Je multiplie les textes empiriques de la première moitié du XXe siècle : une nouvelle fois, ici, nous partons d’un concept relativement simple, mais exploré vraiment à fond, d’une manière jusqu’au-boutiste.
Robert Murier, ingénieur, se découvre subitement d’étranges pouvoirs physiques et psychiques. Au fur et à mesure, il se retrouve à les tester de plus en plus, mais pour finir coincé dans un corps qu’il contrôle de moins en moins. Le mythe du super-héros est balayé dès les premières lignes, puisque le héros ne compte pas spécialement faire le bien, il veut juste vivre sa vie. Pour autant, ses pouvoirs le bouffent inévitablement et la chute est inexorable jusqu’à ce dernier chapitre forcément baptisé « Le néant » qui nous laisse immanquablement sur une note très métaphysique.
Les petites illustrations en noir et blanc de la part de Greg Vezon accompagnent notre voyage aussi mystérieux que gênant, car, en partant pourtant d’un concept simple à comprendre, il bouleverse une partie de nos certitudes sur la stabilité des atomes, sur la composition de nos corps, et sur le sens même de notre existence. Moi qui suis assez sensible sur ce dernier sujet, je me retrouve encore une fois à refermer fiévreusement un livre de cette collection, en me demandant ce qu’on peut bien foutre en cet univers.
La Chute dans le néant est le seul roman que nous aurons à lire de Marc Wersinger, mais il est diablement intéressant et stressant. Sans être un souvenir impérissable ni d’un style parfait, il pose les bonnes questions d’une manière bien tournée, c’est l’essentiel.