Science-Fiction

Car les temps changent

Car les temps changent

Titre : Car les temps changent
Auteur : Dominique Douay
Éditeur : Les Moutons Électriques (Hélios)
Date de publication : 2014 (avril)

Synopsis : Une fois par an, lors de la nuit de la Saint-Sylvestre, arrive le Changement. Tout change : les identités de chacun, les professions, les statuts sociaux… Le riche peut devenir pauvre, le pauvre peut devenir riche, tout change. Un an seulement pour venir cette vie-là, avant le prochain Changement : cette fois, l’année était 1963, quelle sera la prochaine ? Paris est une gigantesque spirale à étages et la réalité n’a plus rien de solide.

Note 2.5

Vous y croyez, vous, à cette histoire d’un monde qui existerait en dehors de Paris ? Moi, je n’y crois plus. S’il existait d’autres villes, leurs habitants viendraient bien nous rendre visite, non… ? La vérité, c’est qu’en dehors de Paris, il n’y a rien, rien de rien. Paris et le monde, c’est du pareil au même. Mais cette vérité, qui serait prêt à l’admettre ? Alors on a inventé cette fable de villes extérieures. Le Havre, Tombouctou… du vent tout ça ! Les gens ont besoin de rêver, et nous sommes là pour leur fournir le matériau dont ils façonneront leurs rêves.

 

Imaginez un peu une ville, ici celle de Paris, dans laquelle tout ce que vous êtes, tout ce qui vous défini en tant qu’individu, change tous les ans à la même date… Oubliez vos déboires amoureux, vos galères de boulot ou bien la précarité de votre mode de vie : le 1 janvier de chaque année, à minuit pile, toutes les cartes sont redistribuées. Les clochards et autres individus mis au ban de la société d’aujourd’hui sont peut-être les milliardaires et les privilégiés de demain, voilà qui a de quoi faire relativiser ! Mais le problème, c’est qu’il n’y a pas que le statut social qui soit concerné par ces changements annuels. Votre nom, vos souvenirs, votre famille, votre âge, voire même parfois votre sexe : à chaque fois, tous est remis en jeu. En cette année 1963, Léo le Lion craint justement l’arrivée du Changement, d’abord parce qu’il pressent qu’il n’aura sûrement pas autant de chance l’année prochaine, ensuite parce qu’il ne veut pas quitter Labelle, une jeune femme dont il est l’amant depuis peu. Mais quelle n’est pas sa surprise lorsqu’il se réveille en ce matin de premier janvier avec ses souvenirs et pas de nouvelle place attribuée : pour la première fois, un homme a échappé au Changement !

Le scénario imaginé par Dominique Douay ne manque pas d’attrait et, comme on s’en doute, permet en filigrane d’amorcer une réflexion sur des sujets autant d’actualité aujourd’hui que dans les années 1970. Propagande, uniformisation des règles et des modes de vie, aliénation des individus…, l’auteur lance à travers cette petite histoire quelques pistes de réflexion intéressantes, sans pour autant aller assez loin à mon sens. Le principe m’a beaucoup fait pensé à Alain Damasio et son roman « La Zone du dehors » dans lequel il mettait en scène un système basé sur la hiérarchisation des individus dont le nom changeait régulièrement et indiquait la place exacte occupée dans la société, mais le tout y était abordé avec un regard plus acéré. En ce qui concerne l’aspect « histoire alternative », on peut là aussi regretter que l’auteur n’aille pas assez loin : le fait que l’action se déroule en 1963 n’a finalement que peu d’importance et il en va de même pour De Gaulle, jamais nommé explicitement mais que l’on devine aisément derrière la figure centrale du Général. Le protagoniste est pour sa part plutôt réussi si bien qu’il est aisé au lecteur de s’émouvoir de son sort et de la solitude qui est désormais la sienne maintenant qu’il est le seul à se rendre compte de son ancienne vie.

 

Avec « Car les temps changent » Dominique Douay dresse le portrait glaçant d’une société dans laquelle chacun a perdu tout ce qui faisait de lui un individu unique et où tout le monde est devenu interchangeable. Mais au -delà de l’originalité de l’idée et de la sympathie éprouvée pour le protagoniste, il faut avouer que le roman souffre d’un certain nombre de lacunes qui empêchent le récit de véritablement prendre son essor, et le lecteur de bien comprendre la démarche de l’auteur.

Autres critiques : Sandrine Brugot Maillard (Mes Imaginaires)

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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