Qushmarrah : Le Prix de la liberté
Titre : Qushmarrah : Le prix de la liberté (The Tower of Fear)
Auteur : Glen Cook
Éditeur : L’Atalante
Date de publication : 2007 (1990 pour la version originale)
Synopsis : Qushmarrah, cité fière et florissante, conquise par trahison, occupée depuis six ans par les Hérodiens. Qushmarrah, cité résistante, hantée par le retour possible de son maître assassiné, le prêtre-sorcier Nakar. Une ville aux nerfs portés à vif par les enlèvements récurrents d’enfants de six ans. Une ville en attente de la déflagration qui ne manquera pas de se produire. Dans un univers qui n’est pas celui de la Compagnie noire, non plus celui où Hérod serait Rome et Qushmarrah Carthage, à l’issue d’une guerre Punique, Glen Cook prend un malin plaisir à brouiller les pistes, inverser les rôles et redistribuer les alliances. Guerriers du désert, cohortes de soldatesque et leurs généraux, tueurs fous, kidnappeurs, sorcières et résistants s’affrontent, se trahissent et s’entre-tuent dans un récit échevelé à la manière incisive d’un grand styliste de la fantasy.
Yoseh n’avait commencé à se sentir tendu qu’au moment où la conviction qu’ils s’étaient lancés dans une course fatale contre la montre s’était emparée de lui. Sa tension n’avait pas cessé de monter depuis. Et, à présent, il se demandait pourquoi il s’était persuadé lui-même qu’il devait venir dans cette cité de dingues. Mo’atabar avait raison. C’était la ville de l’or et du plomb. Sauf que l’or était imaginaire et que vos rêves s’y changeaient en plomb.
De Glen Cook, le public connaît essentiellement le célèbre cycle de fantasy « Les Annales de la Compagnie noire » mettant en scène une bande de mercenaires mal dégrossis au service du mauvais camp. La contribution de l’auteur au genre est cela dit loin de se limiter à cela, comme le prouve « Qushmarrah : Le prix de la liberté ».Un roman que j’attendais depuis longtemps de découvrir et qui m’aura fait passer un très bon moment de lecture. Librement inspiré des guerres puniques qui opposèrent aux IVe et IIIe siècles avant JC les deux puissances que furent les cités de Carthage et Rome, le récit nous entraîne à la découverte d’une ville au bord de l’implosion où plusieurs factions rivalisent afin de s’emparer du pouvoir. Remplacez Carthage par Qushmarrah et Rome par Hérode, procédez à quelques altérations historiques, ajoutez un peu de magie, beaucoup de complot et des personnages désespérés et/ou machiavéliques, et vous obtiendrez « Qushmarrah », un roman à la construction remarquable qui vous tiendra en halène du début à la fin. Des bas-fonds les plus obscures aux riches palais hérodiens en passant par la mystérieuse et impénétrable citadelle du dernier sorcier, l’auteur met en scène une multitude de personnages qui se débattent, se trahissent ou s’associent pour ne pas sombrer et voir leurs pires cauchemars se réaliser.
Glen Cook nous plonge dans un véritable panier de crabes où les allégeances de chacun sont plutôt floues, où tout le monde finit par trahir tout le monde et où rien n’est jamais tel qu’on le pensait. On retrouve bien là la patte de l’auteur de la « Compagnie noire » qui à décidément le don pour élaborer une intrigue et des personnages plus ambiguës les uns que les autres. L’originalité du cadre est également un plus indéniable qui, par certains côtés, m’a parfois fait penser aux romans de Guy Gavriel Kay qui, lui aussi, a souvent pris le parti de se baser sur une époque et un contexte historique bien précis, tout en altérant quelques éléments de façon plus ou moins poussée. « La Mosaïque de Sarrance » s’inspire par exemple de l’empire romain d’orient à l’époque de Justinien, « Les lions d’Al-Rassan » de la Reconquista espagnole, « Tigane » de la péninsule italienne à la Renaissance… De même, le roman de Glen Cook est truffé de petits clins et d’œil et références historiques plus ou moins subtiles concernant les guerres puniques que les amateurs d’histoire antique ne manqueront pas d’apprécier relever. L’intrigue pour sa part ne souffre d’aucun temps mort et c’est avec de plus en plus d’avidité que l’on tourne les pages. S’il faut citer quelques défauts, je mentionnerai peut-être la tendance de l’auteur à passer trop rapidement d’un point de vue à un autre, surtout vers la fin de l’histoire, ainsi que quelques malheureux problèmes de traduction.
Un roman plein de rebondissements mettant en scène toute une galerie de personnages plus réussis et complexes les uns que les autres, le tout porté par une intrigue parfaitement maîtrisée et captivante de bout en bout. Glen Cook est incontestablement un très grand auteur, et ce n’est pas « Qushmarrah » qui prouvera le contraire.
Autres critiques : Apophis (Le culte d’Apophis) ; MarcF (Le blog de MarcF)
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