Gloriana ou la reine inassouvie
Titre : Gloriana ou la reine inassouvie
Auteur : Michael Moorcock
Éditeur : L’Atalante
Date de publication : 2009 (1978 pour la version originale)
Récompenses : World Fantasy Award 1979 du meilleur roman
Synopsis : En ce nouvel âge d’or, Gloriana règne sur Albion et son empire. Si la Cour vit au rythme de la reine, le gouvernement repose sur le chancelier Montfallcon et son réseau d’espions et d’assassins. Parmi eux, l’énigmatique et redoutable capitaine Quire. Et tandis que la reine de vertu languit dans son palais creusé de souterrains mystérieux, Quire, le prince du vice, trame dans l’ombre l’écheveau complexe de ses intrigues… Albion n’est pas l’Angleterre, Londres n’est plus dans Londres et le monde de la Renaissance a changé ; de même Gloriana n’est pas Elisabeth Ire. Pourtant… Uchronie fantastique, étrange et brillante, conte de fées cruel et pervers, Gloriana occupe une place à part dans l’œuvre de Michael Moorcock ; l’auteur y a consacré sa plume la plus chatoyante.
Il est de notre devoir de renoncer aux anciennes pratiques de l’âge de fer. Vous tous ici n’en êtes-vous pas convaincus ? Bien sûr que si, messieurs, je le sais. C’est le rêve que nous partageons tous. Nous montrons au monde entier la voie qui ramène à la vraie chevalerie. Nous combattons l’injustice, l’immoralité, la cruauté et la tyrannie. Une action vile de la part d’Albion, et la structure s’effrite, le rêve s’écroule. Je suis votre Gloriana, votre reine, votre conscience et votre foi. Je vous rappelle un devoir que je n’ai pas oublié.
J’avais depuis longtemps déjà entendu vanter les mérites de Michael Moorcock mais ne m’étais jamais lancée dans l’un de ses ouvrages. C’est désormais chose faite avec « Gloriana ou la reine inassouvie » et la découverte fut des plus plaisante. L’auteur met ici en scène l’Angleterre du XVIe siècle sous le règne de la célèbre Élisabeth Ière, période considérée par beaucoup comme synonyme d’un retour à l’âge d’or après la fin de règne sanglante d’Henri VIII. Rien de bien original pour le moment, me direz-vous, mais c’était sans compter sur le talent d’écriture et l’imagination fertile de Michael Moorcock qui, d’une trame de fond familière, parvient à créer quelque chose de totalement nouveau, hors du temps. C’est un sentiment d’irréalité qui saisit ainsi dans un premier temps le lecteur lorsqu’il découvre l’ingénieux décor élaboré par l’auteur qui n’hésite pas à largement s’inspirer du genre théâtrale (cela vaut d’ailleurs autant pour les personnages ou même la structure du roman que pour les décors). Le palais de la reine Gloriana, dans lequel se déroule l’essentiel de l’action, est un lieu fascinant, très oppressant parfois, dont il nous tarde dès les premières pages de percer les nombreux mystères.
L’intrigue pour sa part est extrêmement bien menée et maîtrisée de bout en bout par l’auteur, adepte des coups de théâtre. C’est donc avec un plaisir croissant que l’on suit la vie de cette cour élisabéthaine, du faste de l’âge d’or à la rapide déchéance dans la luxure et le cynisme. Le roman nous offre également une galerie de portraits remarquable : Gloriana, reine écrasée par le poids de son devoir cherchant par n’importe quel moyen l’assouvissement de son désir ; Montfallcon, conseillé de l’ombre ne reculant devant rien, y compris les pires actions, pour garantir la sécurité du royaume et l’innocence de sa souveraine ; le capitaine Quire, espion, assassin à ses heures, artiste en son genre (il y tient !) dont l’esprit retors n’a pas d’égal… Qu’il s’agisse des personnages, du décor, de l’intrigue, tout s’emboîte à la perfection jusqu’à former un magnifique roman, remplis aussi bien de poésie et de féerie que de cynisme et de cruauté. Un mot, enfin, sur le style de l’auteur qui manie les mots avec justesse et brio tout en parvenant à conserver une écriture fluide, ni trop pompeuse, ni trop simple.
N’hésitez pas à vous laissez tenter par ce conte d’Albion, vous ne le regretterez pas !