• Après l’abolition : Les fantômes noirs de l’esclavage

    Titre : Après l’abolition : Les fantômes noirs de l’eslavage
    Auteur : Kris Manjapra
    Éditeur : Autrement
    Date de publication : 2023

    Synopsis : Suivant cette intuition forte, l’historien Kris Manjapra examine dans un essai important comment les esclaves africains ont été dépossédés par les mouvements mêmes qui étaient censés les libérer. Selon lui, en se préoccupant seulement de la question des abolitions et non de leur mise en oeuvre, les historiens ne racontent que la moitié de l’histoire. Grâce à un travail de première main, l’auteur analyse les politiques établies en Europe et aux Amériques, qui dédommagent les planteurs plutôt que les affranchis ou, comme en Haïti, qui imposent le fardeau de la dette pour prix de la liberté. L’historien insiste sur la façon dont les esclaves, loin de rester passifs, ont pris en main leur destinée et travaillé à leur propre libération. La question si sensible des réparations est au coeur de ce livre en quête de justice.

    En développant de nouvelles institutions comme l’esclavage pour dette, le métayage et les contrats de travail forcé, l’ordre établi força des générations de Noirs à payer leurs oppresseurs longtemps après la date « finale » de leur émancipation. De bout en bout, ce sont les propriétaires d’esclavages qui ont maîtrisé le processus et influencé le jeu politique. 

    L’étude réalisée par Kris Manjapra dans ce livre vise à démontrer que les politiques et les lois regroupées sous le nom d’« émancipation » au XIXe siècle, loin d’avoir libérées immédiatement et efficacement les populations noires, ont au contraire aggravé le traumatisme historique que représente l’esclavage et consolidé le suprématisme blanc car elles ont maintenu le système de castes raciales nées de l’esclavage. Pour Kris Manjapra, on a procédé en ce qui concerne l’émancipation des Noirs à une « fantômisation », c’est-à-dire qu’on oublie la moitié de l’histoire en passant sous silence les suites juridiques de cette émancipation, qui n’est bien souvent que de papier. En effet, si les institutions de l’esclavage sont abolies, les droits de l’esclavagiste, eux, sont préservés. Cela passe notamment par des compensations financières parfois colossales aux planteurs, mais aussi par de nouvelles formes de servitude. Ce qui fait dire à l’auteur que « de bout en bout, ce sont les propriétaires d’esclaves qui ont maîtrisé le processus et influencé le jeu politique. » L’auteur dénonce aussi une autre forme de « fantômisation », celle qui concerne les révoltes des communautés noires pour se libérer elles-mêmes. L’auteur rappelle en effet que les esclaves n’ont pas attendu les décisions de leurs « émancipateurs » pour se révolter et se créer eux-mêmes des espaces de liberté.