Science-Fiction

Ce qui se dit par la montagne

Titre : Ce qui se dit par la montagne
Auteur/Autrice : Premee Mohamed
Éditeur : L’Atalante
Date de publication : 2025

Synopsis : Au terme du périple entamé dans La Migration annuelle des nuages, Reid atteint les dômes, cocons de technologie, vestiges de la société d’antan. Elle s’attend à y trouver les outils et le soutien nécessaires à la reconstruction du monde qui a été perdu, mais les habitants des dômes gardent jalousement leurs connaissances et leurs ressources, sans un regard pour la population extérieure contrainte de lutter chaque jour pour sa survie. Pourquoi ? Dans la communauté qui l’a vue grandir, « c’est tout le monde ou personne », alors Reid met au défi ses camarades privilégiés de regarder par-delà leur confortable microcosme. De tout remettre en question. D’agir.

Sous les dômes

On retrouve dans « Ce qui se dit par la montagne » Reid, l’héroïne de « La migration annuelle des nuages » qu’il est impératif d’avoir lu avant d’entamer cette lecture [attention, quelques spoilers sont à prévoir si vous n’avez pas encore découvert le premier tome]. Premee Mohamed nous plonge avec cette trilogie dans un monde post-apocalyptique où l’essentiel de la population vit en petites communautés autonomes dans les vestiges de notre civilisation actuelle, tandis que les plus riches résident bien à l’abri dans des dômes où ils disposent d’un niveau de technologie et de confort bien supérieur. Or, de temps à autre, il arrive que certains ou certaines reçoivent une lettre d’admission leur permettant de pénétrer dans l’un de ces dômes afin de s’y voir dispenser une formation universitaire. C’est justement ce qui arrive à Reid qui quitte à regret sa communauté et surtout sa mère pour intégrer l’une de ces universités dont l’emplacement est gardé secret. Là, notre héroïne découvre avec un mélange d’émerveillement mais aussi de colère tout ce qui a pu être préservé et restauré. La mortalité est quasi nulle, la nourriture abondante, la technologie d’un niveau infiniment supérieur à ce qu’elle connaissait jusqu’à présent, et surtout, il existe un antidote qui permet d’endormir son cad, ce parasite ultra résistant qui a contaminé une grande partie de la population hors des dômes et est capable de causer une mort atrocement douloureuse. Au soulagement infini de voir cet hôte indésirable enfin refluer succède chez la jeune fille la colère de savoir sa mère et les autres condamnés, sans que les habitants des dômes ne paraissent vouloir faire quoi que ce soit pour les aider. Peut-être l’arrivée de Reid est-elle l’occasion de mettre un gros coup de pied dans la fourmilière ?

La colère comme moteur du changement

Les avis étaient assez mitigés sur « La migration annuelle des nuages » et ce deuxième tome s’inscrit dans la droite lignée du premier. Pour ma part j’ai beaucoup aimé cette incursion dans cet univers post-apo où cohabitent des communautés aux modes et niveaux de vie totalement différents. Après avoir découvert le quotidien de Reid au sein de son village, avec tout ce que cela implique de danger, de privation, mais aussi de solidarité, on découvre un environnement opposé, avec une communauté hyper connectée, ne manquant de rien mais dont l’autarcie les a coupés du reste de l’humanité et de ses souffrances. Le roman renoue ici avec les codes du récit initiatique classique, avec cette héroïne qui refuse de se contenter de son propre sort et d’oublier toutes celles et ceux qu’elle a laissé dernière elle. Reid est un personnage que j’aime beaucoup : la jeune fille se pose pleins de questions, se regarde sans aucune complaisance et se montre particulièrement lucide concernant les enjeux autour de ces dômes et surtout de ce traitement contre le cad. On fait également ici connaissance avec de nouveaux personnages aussi réussis que les précédents, à la différence près que notre héroïne se retrouve cette fois aussi démunie que le lecteur devant certaines de leurs réactions quand les membres de sa communauté n’avaient au contraire aucun secret pour elle. Premee Mohamed nous livre à nouveau ici une réflexion pertinente sur l’avenir, le monde que nous allons léguer à nos enfants, mais aussi sur la force du collectif. En dépit des dangers qu’il recèle et de tout ce qui a été perdu au point de réduire l’humanité à presque rien, le monde tel que décrit par l’autrice n’est en effet pas exempt de lueurs d’espoir qui, au lieu de paralyser le lecteur face à l’inéluctabilité de ce futur bien sombre, ont au contraire une vertu remobilisatrice très forte.

Après « La migration annuelle des nuages », Premee Mohamed nous offre avec « Ce qui se dit par la montagne » un roman court mais intense mettant en scène un monde post-apo partagé entre des communautés subissant de plein fouet les conséquences à long terme du réchauffement climatique, et d’autres protégés par des dômes où confort et sécurité sont encore possibles. Reid est une héroïne toujours aussi attachante et l’intrigue prend ici une tournure inattendue dont j’ai hâte de voir le dénouement.

Voir aussi : Tome 1 ; Tome 3

Autres critiques : ?

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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