Après nous les oiseaux

Titre : Après nous les oiseaux
Auteur/Autrice : Rakel Haslund
Éditeur : Robert Laffont / Pocket
Date de publication : 2023 / 2024
Synopsis : Dans un monde en ruine, deux âmes ont survécu. Une jeune femme dont on ne connaîtra pas le nom et celle qui l’a élevée, Am, à l’abri sur une île. Mais à la mort de cette dernière, la jeune femme décide de prendre la route pour affronter le vaste monde où la nature a repris ses droits. Commence alors le long chemin vers le littoral, seule, totalement seule, avec, pour unique compagnie, tous les oiseaux du ciel…
…
Le calme après la tempête
Que restera-t-il après la fin du monde ? Voilà bien une question qui hante celles et ceux conscients des risques colossaux que fait peser le dérèglement climatique sur l’avenir de l’humanité. Nombreux sont les romans de SF à s’être emparés de cette thématique, certains dépeignant un monde en reconstruction dans lequel l’espoir est encore possible, d’autres brossant un portrait sombre et peu enviable de l’avenir, quand d’autres encore nous dépeignent un futur à peine reconnaissable. Le roman de l’autrice danoise Rakel Haslund pourrait appartenir à ces deux dernières catégories. On y suit une jeune adolescente (dont le nom nous restera inconnu jusqu’à la fin) qui s’est manifestement mise en tête de quitter le refuge qu’elle occupait depuis un moment. Peu à peu, on parvient à glaner suffisamment d’informations pour reconstituer le puzzle et comprendre que l’héroïne a survécu à l’effondrement avec sa mère avec qui elle était parvenue à se recréer un foyer, et que c’est la disparition de cette dernière qui a motivé sa décision de prendre le large. Le récit alterne ainsi entre le cheminement de la jeune fille, les désagréments et les nouveautés rencontrés en route, et des bribes de sa vie passée, que ce soit au moment du basculement ou ensuite, aux côtés de sa mère. Contrairement à la plupart des ouvrages post-apo qui se focalisent sur la façon dont les humains réagissent à la disparition de notre civilisation (et notamment sur la menace qu’ils sont susceptibles de représenter les uns pour les autres), « Après nous les oiseaux » nous dépeint un monde vide de (presque) toute présence humaine. Et, contrairement à des romans comme « La route » ou « Je suis une légende », la question de la survie ou non d’autres humains n’est jamais abordée comme étant une préoccupation majeure pour le personnage.
Solitude absolue
La déambulation de cette jeune fille dans un monde calme et vierge de toute présence à l’exception de celle des oiseaux qu’elle croisera tout au long de sa route a quelque chose de saisissant et finalement d’assez angoissant. De nombreux vestiges de notre époque sont en effet toujours visibles et laissent entrevoir l’ampleur de ce qui a été perdu, même si l’autrice reste finalement assez floue sur la façon dont l’effondrement a eu lieu (la montée des eaux et des méga feux ont visiblement joué un rôle déterminant mais rien n’est jamais vraiment explicité). On éprouve beaucoup de peine pour l’héroïne, plongée dans une solitude d’autant plus palpable qu’elle a désormais perdu le seul être qui la rattachait à l’humanité et aux mots. Car si la perspective de croiser un autre être humain ne semble pas vraiment l’intéresser, celle de perdre l’usage et le sens des mots que sa mère lui a appris la terrifie, ce qui s’avère d’autant plus compliqué que la plupart de ces termes servaient à décrire des réalités qui n’existent tout simplement plus. Très contemplatif, le texte dégage une certaine poésie qui ne suffit malheureusement pas toujours à empêcher l’ennui de s’installer. Le parcours de l’héroïne est en effet assez peu rythmé, et c’est finalement davantage la curiosité d’en apprendre plus sur son histoire passée qui nous pousse à continuer plutôt que l’envie de connaître la façon dont son périple va se terminer. Difficile d’ailleurs de ne pas être déçu du manque de réponses fournies par l’autrice qui laisse de nombreuses de zones d’ombre, notamment concernant la mère du personnage qui emporte avec elle la plupart de ses secrets et dont le point de vue aurait pourtant apporté beaucoup au récit.
Dans « Après nous les oiseaux », Rakel Haslund signe un roman post-apo original mettant en scène le périple d’une jeune fille dans un monde totalement vidé de toute présence humaine mais où les vestiges de notre civilisation sont omniprésents. Il se dégage beaucoup de poésie de ce texte qui marque tant par la solitude de son héroïne que par le calme angoissant de son décor. L’intrigue reste toutefois assez limitée et l’autrice reste évasive sur de nombreux aspects que j’aurais pour ma part aimé voir développé.
Autres critiques : ?