Les chroniques de St Mary, tome 1 : Un monde après l’autre
Titre : Un monde après l’autre
Cycle/Série : Les chroniques de St Mary, tome 1
Auteur/Autrice : Jodi Taylor
Éditeur : Hervé Chopin / Pocket
Date de publication : 2018 / 2024
Synopsis : Quand la jeune historienne Madeleine Maxwell, alias Max, pousse les portes de St Mary, elle découvre que les chercheurs se déplacent dans le temps pour trouver des réponses aux plus grandes énigmes, en évitant bien sûr de mourir en cours de route ! Car la première leçon que l’on apprend, c’est qu’au moindre faux pas l’Histoire se retourne contre vous. Et les nouveaux collègues de Max sont passés experts en catastrophes involontaires et autres mésaventures chaotiques aux confins du temps. Du grand incendie de Londres aux tranchées de la Première Guerre mondiale, du Crétacé à la destruction de la bibliothèque d’Alexandrie, suivez Max dans ses aventures historico-rocambolesques…
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Vivre l’histoire au lieu de la documenter
Et si les historiens n’avaient plus besoin de se plonger dans des sources forcément partiales ou lacunaires pour en apprendre plus sur une période ? Et s’il leur était donné d’assister en direct aux événements qu’ils veulent documenter ? Voilà évidemment le rêve de tout amateur d’histoire, et c’est aussi le pitch de la série « Les chroniques de St Mary » qui met en scène un institut spécialisé dans l’envoi de chercheurs à diverses époques grâce à des capsules temporelles. Impossible de ne pas penser à Connie Willis a qui on doit plusieurs romans reprenant le même concept (« Le grand livre » ou encore le magnifique diptyque « Blitz »), aussi avais-je une légère appréhension en me plongeant dans le roman de Jodi Taylor. Allait-il s’agir d’une redite des ouvrages de la maîtresse du voyage temporelle ? Et bien non, rien à voir, mais ce n’est pas particulièrement positif pour autant. Rien à voir, d’abord, parce que, si les romans de Connie Willis reposaient sur une documentation remarquablement solide et plus que conséquente sur les périodes historiques abordées, ce n’est absolument pas le cas de la série de Jodi Taylor (en tout cas pour le premier tome). L’histoire ne sert en effet ici que de prétexte, si bien qu’elle passe complètement au second plan la plupart du temps. Oui, on se promène dans certaines époques, oui l’autrice nous livre tant bien que mal quelques détails sur l’habillement ou le contexte politique, mais rien de plus. On a donc affaire à un roman qui a fait de l’histoire l’un de ses thèmes principaux et qui ne s’appuie pourtant sur aucune documentation, aucun travail de recherche permettant de s’immerger ou de mieux cerner un contexte particulier. Paradoxalement, « Les Chroniques de St Mary » n’est donc pas du tout une série destinée aux amateurs d’histoire qui resteront en permanence sur leur fin et n’apprendront strictement rien sur les périodes visitées par celles et ceux qui sont pourtant censés faire de la recherche leur passion.
Intrigue superficielle, histoire accessoire
Voilà un premier bémol, et c’est malheureusement loin d’être le seul. Puisque l’histoire a été reléguée au rang de simple accessoire ou de joli décor, il faut bien que l’intrigue repose sur autre chose, aussi l’autrice a-t-elle tout misé sur deux aspects : l’action et la vie sentimentale de son héroïne. On suit en effet tout au long de ce premier tome une certaine Madeleine Maxwell, brillante historienne légèrement tête-à-claques qui va intégrer le fameux institut et devoir se familiariser avec ses méthodes et ses occupants. Le récit va alors se focaliser sur le problème posé par un petit groupe de voyageurs temporels du futur qui tentent de s’immiscer dans les différentes missions de St Mary dans le but de les faire échouer, faisant ainsi courir de gros risques aux historien.nes. Cette fois c’est aux « Brigades du temps » que j’ai pensé et, si l’idée est loin d’être inintéressante, elle est traitée de façon assez superficielle par l’autrice qui ne s’en sert que dans le but d’avoir de belles scènes d’action. Le roman multiplie ainsi les moments spectaculaires, à base d’attaques de dinosaures, de prise d’otage, d’incendie ou de mission de sauvetage désespérée, si bien qu’on ne s’ennuie effectivement jamais. Cette surabondance de scènes d’action ne permet cependant pas de masquer la superficialité avec laquelle les événements sont abordés, et finit même par donner un peu le tournis, les personnages n’ayant que rarement le temps de se poser deux minutes pour réfléchir. Maxwell est une héroïne très impulsive et comme la chance est toujours de son côté et que tout ce qu’elle entreprend fini par réussir, elle aurait de toute manière tort de perdre du temps à prendre du recul.
Caricature, violence et romance
On arrive là au troisième et dernier gros bémol du roman : ses personnages. Maxwell est une héroïne assez agaçante car non seulement sans arrêt en situation de réussite, mais en plus sans paraître fournir le moindre effort, ce qui est assez énervant. Ce qui m’a le plus frappé toutefois, c’est la place qu’occupe dans l’intrigue sa vie sentimentale, et surtout la manière dont celle-ci est abordée. Parce que Maxwell n’est pas que très intelligente, brillante et sportive, mais qu’elle est évidemment aussi attirante, il paraissait assez évident qu’une romance allait finir par arriver. On déchante toutefois assez vite en raison de la façon dont tourne la relation entre la jeune femme et l’un de ses supérieurs (oui oui…) puisque ce dernier adopte un comportement visiblement problématique et pourtant jamais présenté comme tel. Les scènes de sexe sont surréalistes (c’est le septième ciel, bien sûr, et tout de suite, et tout le temps) et on frôle avec les frontières du viol dans le cas du premier rapport (sur le capot d’une voiture, en attendant la dépanneuse, si, si…). Sans oublier que son compagnon l’infantilise sans arrêt, et va même jusqu’à la traiter de salope (et en public) parce qu’elle lui a caché quelque chose (mais le pauvre, faut le comprendre, il était malheureux…). Cela ne va pas les empêcher de se rabibocher assez vite, et j’ai été assez hallucinée de constater que le comportement dérangeant du personnage était érotisé au lieu d’être questionné. D’autant que cela s’ajoute à d’autres scènes gênantes comme plusieurs « presque viols » de l’héroïne par des mâles en rut, ou encore une rivalité féminine tellement caricaturale que ridicule, surtout dans les proportions qu’elle finit par prendre.
« Les chroniques de St Mary » est une série de quatorze romans dans lesquels Jodi Taylor met en scène des historiens et historiennes capables de voyager dans le temps et donc de visiter le passé. En dépit d’un pitch prometteur, l’ouvrage souffre de trop nombreux défauts pour parvenir à convaincre : l’histoire n’y est qu’un simple décor et à aucun moment un sujet d’intérêt en soi, l’action est omniprésente et prend le pas sur tout le reste, l’héroïne est agaçante et surtout sa relation amoureuse pose problème par son côté très cliché et surtout par la violence qui s’y exerce.
Voir aussi : Tome 2
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