A coucher dehors, tome 1
Titre : A coucher dehors
Série : A coucher dehors, volume 1/2
Scénariste : Aurélien Ducoudray
Dessinateur : Anlor
Editeur : Grand Angle
Date de publication : 2016 (septembre)
Synopsis : La Merguez, un grand brûlé, Prie-Dieu, un croyant pratiquant trois religions à la fois, et Amédée, vieil alcoolique mystérieux. Trois SDF survivant tant bien que mal sous les ponts de la capitale, une vieille cabine téléphonique en guise de chapelle. La saison estivale approchant, les clochards doivent laisser la place aux touristes. Embarqués de force loin de Paris, ces trois compères sont sauvés de justesse du fourgon bleu et de la pauvreté par un notaire. Amédée se trouve être le dernier descendant d’une tante éloignée. Le voilà qui hérite d’une maison mais à une condition : devenir le tuteur de Nicolas, un adolescent trisomique obnubilé par Youri Gagarine.
Alors comme ça, vous priez les trois religions ? C’est possible, ça ?
C’est mon pote, Prie-Dieu ! Juif par son père, arabe par sa mère et né à Lourdes ! Tu crois qu’il a le choix ?
Au scénario, nous retrouvons Aurélien Ducouray, un habitué des sujets sensibles. Ancien journaliste spécialisé dans les documentaires, il écrit maintenant des bandes-dessinées aux thèmes poignants. Anlor s’occupe quant à elle des dessins. Ancienne réalisatrice de court-métrage, elle s’associe avec Aurélien dans Amère Russie pour nous livrer une histoire criante de vérité à propos de la guerre en Tchétchénie. Ce duo de choc signe ici pour une seconde aventure, à notre plus grand bonheur. Le tandem est désormais bien rodé. Les émotions saisissantes esquissées par Anlor entrent en symbiose avec la plume journalistique d’Aurélien. La couverture, déjà, attire l’œil, ça fleure bon la poésie façon Verlaine.
Deux yeux ne suffisent pas à embrasser la ribambelle de détails qui s’offre à nous et on se surprend à observer avec délice la même page pendant de longues minutes. Entre la barbe naissante de Nicolas, éternel enfant dont le corps ne cesse de grandir, les cicatrices de La Merguez et l’arbre généalogique aux allures de reliques, on ne sait où poser le regard tellement les éléments fourmillent à chaque case. À chaque page tournée, on en prend plein les mirettes ! Au-delà du dessin, ce sont surtout les jeux de mots qui marquent l’esprit. Le personnage d’Amédée fait irrésistiblement penser au capitaine Haddock avec ses expressions alambiquées. On ne peut que se délecter d’un langage aux images abracadabrantes. Cette touche d’humour se marie fort bien avec les deux sujets choisis : la mendicité et le handicap. Deux thème complexes avec lesquels il serait facile de tomber dans le pathétique mais Aurélien Ducouray et Anlor trouvent le ton juste pour les aborder tout simplement, loin de tout préjugé.
Mais vous êtes pires que des agents de la circulation en juin 40 ! La malfaisance décapuchonnée cogne à la porte et vous ouvrez, la bouche en cœur, comme des chevreaux ouvrent au loup ?
L’intrigue nous embarque pour un voyage aussi palpitant qu’émouvant. D’abord, les personnages : si Amédée est sans conteste le héros de l’histoire, les seconds rôles sont eux aussi riches et profonds. Les deux acolytes Prie-Dieu et La Merguez nous font ainsi miroiter un passé particulièrement encombré avec lequel ils semblent s’être accoutumés. Nicolas, quant à lui, à force de croire en ses rêves de cosmonaute, en oublie parfois la réalité, quitte à faire une fugue pour admirer un panneau publicitaire. En plus des protagonistes, ce sont les incessants rebondissements qui rythment le récit. Une véritable montagne-russe au format papier !
A coucher dehors est un véritable chef-d’œuvre nous transportant dans une réalité crue et dans laquelle on plonge volontiers. L’attachement aux personnages, les références aussi précises que variées, la méticulosité du dessin… tout est fait pour nous envoûter. Le premier tome de ce diptyque est une belle réussite. Dommage qu’il faille attendre la fin de l’été pour découvrir le tome 2.
Voir aussi : Tome 2
Aucun commentaire
Lutin82
Bon, ben dis comme cela, comment passer à côté ?