Sartre. Une existence, des libertés
Titre : Sartre. Une existence, des libertés
Scénariste : Mathilde Ramadier
Dessinateur : Anaïs Depommier
Éditeur : Dargaud
Date de publication : 2015
Synopsis : À l’occasion des 35 ans de la mort de ce maître de philosophie, découvrez sa biographie dessinée. Figure emblématique de la littérature et de la philosophie française, Sartre fut une personnalité à part : libre penseur et révolutionnaire, c’était un homme moderne qui refusait les honneurs. Ce livre retrace avec émotion son engagement politique, ses écrits, sa relation fusionnelle avec Simone de Beauvoir, la création du mouvement existentialiste, etc. Incontournable !
J’ai commencé ma vie comme je la finirai sans doute : au milieu des livres.
Raconter le parcours et résumer la pensée de Jean-Paul Sartre par le biais de la bande dessinée, il fallait oser. Mathilde Ramadier et Anaïs Depommier l’ont fait et si mon ressenti au terme de cette lecture reste plutôt mitigé, il convient néanmoins de saluer l’initiative. Commençons d’abord par les atouts que présente cette biographie illustrée qui revient sur certains des éléments clés de la vie du grand philosophe mais aussi de celle de son égérie, Simone de Beauvoir. La relation particulière qu’entretiennent les deux écrivains est particulièrement bien dépeinte et on comprend sans mal combien le lien qui les unit est fort, quand bien même leur relation ne serait pas exclusive. De même, l’ouvrage montre de manière efficace l’émulation intellectuelle qui régnait dans le Paris des années 1940-1950. On y croise évidemment de grands noms de la littérature de l’époque (Jean Genet, Albert Camus, Boris Vian, André Malraux…) tout en en apprenant par exemple davantage sur la résistance menée par les intellectuels lors de la Seconde Guerre mondiale ou encore sur la fondation de la fameuse revue « Les Temps modernes ». Par le biais d’anecdotes habilement choisies les deux auteurs permettent au lecteur de se faire une idée assez précise de la personnalité du grand écrivain. On découvre ainsi un homme amoureux des livres, épris de justice et de liberté et allergique à toute distinction (il écrira même à la Fondation Nobel pour la dissuader de le récompenser). Mais Sartre c’est aussi un tempérament joyeux, un grand séducteur (dont les nombreuses conquêtes ne lui feront toutefois jamais oublier l’amour de sa vie) et un grand farceur.
L’ouvrage n’est cela dit pas exempt de tout défaut, le premier d’entre eux étant sans doute la rapidité avec laquelle les auteurs passent sur certains moments de la vie du philosophe. Il est évident que tout ne pouvait pas être abordé et que certains épisodes méritaient d’être moins étendus que d’autres, cependant, à trop vouloir en raconter, Mathilde Ramadier et Anaïs Depommier courent le risque de perdre le lecteur qui voit les événements défiler sans bien souvent avoir au le temps d’en prendre la mesure. La même remarque s’applique aux personnages : les auteurs ont tenu à présenter un large panel des relations tissées par Sartre dans le milieu intellectuel de l’époque mais là encore cela fait trop. Le rapport entretenu par certains d’entre eux avec l’écrivain ne fait ainsi bien souvent l’objet que de quelques cases ce qui est très insuffisant pour bien saisir la nature de leurs relations avec le protagoniste (c’est notamment le cas pour tout ce qui touche à ses conquêtes amoureuses ou celles de Simone de Beauvoir). L’ouvrage aurait, à mon sens, aisément pu se passer de quelques uns de ces personnages sans que cela ne porte atteinte à la cohérence et à la qualité de l’ensemble, au contraire. Le dernier élément qui m’a véritablement empêché de pleinement apprécier cette lecture tient pour sa part davantage à un manque de culture de ma part qu’aux choix opérés par les auteurs. Il me semble en effet indispensable d’aborder cet ouvrage avec un certain bagage philosophique ainsi que des connaissances préalables sur le parcours de Sartre afin d’être à même de bien saisir le contenu et l’évolution de sa pensée qui n’est pas forcément évidente à comprendre.
Une biographie illustrée au sujet ambitieux et peu évident à traiter qui n’évite malheureusement pas certains écueils. Malgré la qualité de sa documentation l’ouvrage veut trop en dire et finit par embrouiller le lecteur qui peine à distinguer l’essentiel de l’anecdotique. Pour un sujet tel que celui-ci, deux tomes auraient sans doute été nécessaires…