Blitz, tome 2 : All clear
Titre : All clear
Cycle : Blitz, tome 2
Auteur : Connie Willis
Éditeur : Bragelonne
Date de publication : 2013
Récompenses : Prix Nebula du meilleur roman 2010. Prix Hugo du meilleur roman 201. Prix Locus du meilleur roman 2011.
Synopsis : 2060, le point de départ des voyages dans le temps. Des divergences avec les archives historiques semblent indiquer que quelqu’un a modifié le passé et changé l’issue de la Seconde Guerre mondiale. La théorie selon laquelle on peut observer le passé sans jamais l’altérer paraît tout à coup sur le point de s’écrouler. À Oxford, le directeur de thèses des historiens, M. Dunworthy, le jeune Colin Templer et son amie Polly livrent un combat acharné contre le temps
[A propos du VE Day de mai 1945] Elle avait voulu venir là, pour assister à ça, depuis sa première année d’étude. Mais si elle l’avait étudié à ce moment là, elle ne l’aurait jamais apprécié à sa juste valeur. Elle aurait découvert les foules joyeuses, et les Union Jack, et les feux de joie, mais elle n’aurait pas imaginé ce que représentaient ces lumières allumées après tant d’années à se frayer un chemin dans l’obscurité, ce que signifiait de lever la tête vers un avion en approche sans être terrorisé, ni le plaisir d’entendre les cloches des églises après des années de sirènes. Elle n’aurait pas imaginé les années de rationnement, de vêtements pauvres, de peur tapie derrière les sourires et les acclamations, ni ce qu’avait coûté l’avènement de ce jour : la vie de tous ces soldats, marins, aviateurs et civils.
Second et dernier volume du diptyque de Connie Willis consacré à la vie des Londoniens pendant le Blitz, « All clear » relate la suite et fin des aventures de Mike, Eileen et Polly, trois historiens du futur coincés en 1940. Ceux qui trouvaient le rythme déjà trop lent dans le volume précédent ne seront pas ravis d’apprendre que l’auteur prend à nouveau tout son temps et que les réponses aux nombreuses questions que l’on se pose ne seront pas apportées avant les cent toutes dernières pages. Outre le rythme on peut également reprocher au roman les sempiternels détours pris par l’histoire sans que cela soit toujours justifié, ou encore les atermoiements sans fin des personnages qui échafaudent théorie après théorie sans qu’au final cela ne fasse avancer l’intrigue d’un pouce. Et pourtant, en dépit de tout cela, j’ai passé des heures de lecture absolument passionnantes et c’est avec énormément de regret que j’ai refermé la toute dernière page qui nous apporte toutefois la satisfaction de répondre à toutes les interrogations qui commençaient à s’accumuler au fil des pages. On ne réalise qu’alors toute la maîtrise de l’auteur et la qualité de son récit. Tout ce tient et chaque détail, même infime, a son importance, un peu comme dans ces romans d’Agatha Christie dont les personnages admirent justement à plusieurs reprises la capacité à berner ses lecteurs jusqu’à la fin.
Comme dans tous les ouvrages de Connie Willis que j’ai pu lire jusqu’à présent, le plus grand atout du roman réside dans l’incroyable travail de documentation effectué par l’auteur et grâce auquel on se sent pleinement immergé dans cette époque traumatisante de l’histoire de l’Angleterre. Vie quotidienne, rationnement, réquisition des civils afin de participer à l’effort de guerre, architecture, dates et lieux des raids… : il n’est rien sur lequel l’auteur ne s’est pas minutieusement documenté afin de fournir à ses lecteurs la reproduction la plus fidèle possible de ce que pouvait être la vie de tous les Londoniens lors du Blitz. On en apprend entre autre beaucoup sur les campagnes de désinformation lancées par les autorités anglaises afin de ne pas saper le moral des Londoniens et surtout d’induire les Allemands en erreur concernant les véritables lieu et date du débarquement en France. L’auteur se plaît aussi à multiplier les points de vue, nous donnant l’occasion de revivre aussi bien les heures difficiles traversées par la capitale britannique au moment des raids, que le quotidien des ambulancières, ou encore les événements qui se déroulèrent à Bletchley Park, le principal centre de décryptage du pays.
Mais la plus grande réussite de l’auteur reste celle d’être parvenu à parfaitement retranscrire l’état d’esprit des Londoniens de l’époque. De l’humble mère de famille au pompier volontaire en passant par l’acteur de théâtre ou encore la vendeuse d’un grand magasin, chaque personnage suscite l’admiration par sa capacité à rester d’aplomb malgré les circonstances tragiques et les épreuves endurées. Nul doute que l’intensité ressentie à la lecture du roman tient en grande partie au lien très fort qui se noue entre le lecteur et les personnages. Ce ne sont d’ailleurs pas nécessairement les protagonistes qui marquent le plus durablement le lecteur (même si j’ai personnellement une petite préférence pour l’historienne Eileen), mais plutôt les figurants : Binnie et Alf, l’infernal duo de gamins qu’on voudrait souvent étrangler mais qui apportent une irrésistible touche comique à l’histoire ; sir Godfrey, acteur shakespearien renommé participant à sa façon à l’effort de guerre : sans oublier tous les réfugiés de l’abri de Saint Georges, tous les veilleurs du feu de Saint-Paul, les gardes de l’ARP, les ambulancières… On vit ces années terribles presque au jour le jour avec chacun de ces gens auxquels on ne peut s’empêcher de s’identifier ou d’y voir une figure familière. Des héros, oui, mais de ceux que l’on est susceptibles de croiser chaque jour dans la rue et non pas au cinéma.
Au moment de la célébration de la victoire et de la fin de la guerre en 45, l’un des protagonistes explique qu’elle « avait voulu venir là, pour assister à ça, depuis sa première année d’étude. Mais si elle l’avait étudié à ce moment là, elle ne l’aurait jamais apprécié à sa juste valeur. Elle aurait découvert les foules joyeuses, et les Union Jack, et les feux de joie, mais elle n’aurait pas imaginé ce que représentaient ces lumières allumées après tant d’années à se frayer un chemin dans l’obscurité, ce que signifiait de lever la tête vers un avion en approche sans être terrorisé, ni le plaisir d’entendre les cloches des églises après des années de sirènes. Elle n’aurait pas imaginé les années de rationnement, de vêtements pauvres, de peur tapie derrière les sourires et les acclamations, ni ce qu’avait coûté l’avènement de ce jour ». Or c’est exactement la même expérience que vit le lecteur : oui il y a des longueurs, oui il y a peut-être des détails dont on aurait pu se passer, mais ce sont justement tous ces détails, ces heures passées auprès de tous ces gens qui font que le lecteur prend véritablement conscience de l’épreuve qu’ils ont du traverser et de l’immense soulagement ressentie par cette population sinistrée mais invaincue.
Je comprend sans mal les défauts qui sont reprochés à ce roman et que je n’ai moi-même pas manqué de remarquer, pourtant cette lecture représente en ce qui me concerne un véritable coup de cœur. On ressent à la fois beaucoup d’émotion à l’égard de tous ces hommes, femmes et enfants qui ont enduré avec détermination et courage ces terribles années, et aussi de l’admiration devant la qualité de la reconstruction de cette époque dans laquelle je me suis sentie pleinement immergée. « Le grand livre » en était déjà la preuve, et ce diptyque ne fait que le confirmer : Connie Willis est une très, très grande auteure. Polly, Eileen, Mike, Alf et Binnie, Sir Godfrey et tous les autres vont me manquer…
Voir aussi : Tome 1
Autres critiques : Yossarian (Sous les galets, la plage)
Aucun commentaire
belette2911
Là, je note !! 😀
Boudicca
Chouette ! (c’est maintenant que je te dis que c’est un pavé ou on attend un peu ? ^-^)
belette2911
Heu, tu attends un peu, non ?? 😀 En tout cas, j’ai le premier 😉