Légion
Titre : Légion
Auteur : Brandon Sanderson
Éditeur : Le livre de poche
Date de publication : 2014 (avril)
Synopsis : « Mon nom est Légion, parce que nous sommes nombreux. » Ainsi parle le démon dans l’Évangile de Marc. Le héros de cette nouvelle, Stephen Leeds, surnommé Légion, est un être multiple : très intelligent, il peut apprendre n’importe quoi en très peu de temps, mais extériorise tous ses savoirs sous forme d’hallucinations, qui sont autant d’aspects de lui-même. Il vit reclus dans une grande maison, entouré de ces nombreuses entités hallucinatoires, toutes dotées de compétences hautement spécialisées. Il est riche, car il loue ses services à qui peut se les payer. Un jour, il est engagé pour enquêter sur la disparition d’un scientifique, inventeur d’un objet très particulier : un appareil photo capable de prendre des photos du passé…
Je me retournai. Monica avait de nouveau cet éclat dans le regard, celui qu’on les gens « sains d’esprit » face à moi. L’expression d’une personne qu’on obligerait à manipuler de la dynamite avec des gants de cuisine. Cette expression… bien plus cruelle que la maladie elle-même.
Stephen Leeds est un homme d’un genre un peu particulier : il est capable de créer à l’infini les personnalités dont il a besoin et partage sa vie avec elles. Oui mais voilà, ces avatars, personne d’autre que lui ne peut les voir ou les entendre. Pour l’ensemble de la société le diagnostic est donc clair : le jeune homme souffre de schizophrénie. Et quant bien même son intelligence exceptionnelle lui vaut d’être sollicité par de nombreux clients afin de résoudre des enquêtes ardues, c’est avant tout comme un dément qu’on le considère. Remarquablement posé et lucide, certes, mais un dément malgré tout. Avec « Légion », Brandon Sanderson sort quelque peu des sentiers battus et nous offre un roman très bref (moins de cent pages) qui relève davantage du thriller que du fantastique mais qui constitue néanmoins une bonne surprise. Le protagoniste en lui-même est original et c’est avec intérêt et souvent amusement que l’on fait connaissance avec les différents « aspects » qui peuplent son existence : Tobias, érudit calme et plein de sagesse, J-C, ancien militaire accroc de la gâchette et expert en balistique… Autant de personnalités radicalement opposées entre lesquelles le protagoniste a bien du mal à maintenir un semblant d’ordre, sans pour autant que sa santé mentale en soi altérée (n’en déplaise à certains….). La réflexion amorcée par l’auteur autour des notions de folie et de normalité n’est d’ailleurs pas dénuée d’intérêt et constitue le véritable plus du roman.
Là où l’auteur fait un peu moins original, c’est en ce qui concerne l’intrigue qui rappelle d’une certaine façon celle d’un thriller historique à la « Da Vinci Code » : le protagoniste est chargé de retrouver un puissant artefact (ici un appareil capable de prendre des photos du passé) et bien sûr il n’est pas le seul à être lancé sur sa piste. L’idée n’est pas mauvaise et l’auteur parvient à maintenir un rythme soutenu du début à la fin, cela dit au-delà du divertissement immédiat procuré par la lecture, je doute de garder de ce roman un grand souvenir. La brièveté de l’ouvrage y est également pour beaucoup, Brandon Sanderson posant des bases intéressantes mais trop peu étoffées pour satisfaire le lecteur. On pourrait notamment regretter le fait que la réflexion n’ait pas été un peu plus poussée en ce qui concerne les conséquences que pourrait avoir cette invention révolutionnaire sur la religion, l’Histoire, et même notre société au quotidien. Imaginez un peu que l’on soit capable du jour au lendemain de déterminer si oui ou non Jésus est revenu à la vie après sa résurrection, ou encore que l’on puisse résoudre toutes les énigmes et tous les meurtres perpétrés au cours de l’Histoire… ! Autant d’interrogations captivantes que l’auteur ne fait que soulever brièvement, sans prendre la peine de s’y attarder, pour la plus grande frustration du lecteur.
Brandon Sanderson nous offre avec « Légion » un roman divertissant basé sur une idée originale mais qui pâtit malgré tout de sa trop grande brièveté. L’ouvrage reste cela dit un bon moyen de découvrir de quoi l’auteur est capable au-delà de la fantasy, habituellement son genre de prédilection.
Autres critiques : Kissyfrott (Le Dévoreur de Livres) et Asavar (Elbakin)