Comtesse Bathory
Titre : Comtesse Bathory
Auteur : Patrick Mc Spare
Éditeur : Panini (Éclipse)
Date de publication : 2013 (novembre)
Synopsis : Archiduché d’Autriche, octobre 1604. Issue d’une glorieuse lignée princière, Erzébeth Bathory, la belle veuve du comte Nadasdy régit d’une main de fer ses domaines. Après des années de silence, Cadevrius Lecorpus réapparaît. Il ramène avec lui Anna, une fascinante sorcière dont Erzébeth tombe follement amoureuse. La magie démoniaque de l’Obscurité s’abat bientôt sur la région et, jusqu’à la Cour de Vienne, on s’émeut de la disparition de nombreuses jeunes filles. Tandis que la comtesse s’abandonne aux terribles délices des rituels régénérateurs, cinq mercenaires d’élite sont chargés de confondre celle que l’on suspecte d’activités sataniques.
Je réussis là où mon maître avait échoué de si peu. De création, je devins créateur en faisant migrer mon âme, lors d’une nuit de sabbat. Cela se passa en 1348. Depuis, j’ai traversé les terribles malédictions de la Peste noire et de la Guerre de Cent Ans, et ai été le témoin privilégié de la Renaissance et de l’ascension de l’empire espagnol. J’étais présent lors du Grand Incendie de Bourges, ainsi qu’à la prise de Constantinople par les Ottomans. J’ai fréquenté les philosophes Pétrarque, Pic de la Mirandole, Machiavel, comploté avec Charles le Téméraire, Laurent de Médicis et les Rois Catholiques. Tant d’histoires…
Comtesse Dracula, dame sanglante de Cachtice… Les surnoms à sensation ne manquent pas pour désigner celle que l’on considère aujourd’hui encore comme l’une des plus célèbres meurtrières de l’histoire hongroise. Si le nom d’Erzebeth Bathory ne vous évoque peut-être rien, sachez que dans sa patrie d’origine, cette comtesse du début du XVIIe siècle est devenue une véritable légende. Mais une légende bien sombre. Accusée d’enlèvement, de torture et d’assassinat sur plus de six cent jeunes filles dans le sang desquelles elle se serait baignée afin d’obtenir jeunesse éternelle et immortalité, Bathory a incontestablement marqué son époque, et son souvenir demeure aujourd’hui encore très vivace dans l’esprit populaire. Une histoire alléchante que Patrick Mc Spare s’est réapproprié dans ce roman qui, bien que pour ma part très attendu, se sera révélé fort décevant. Car loin de proposer un portrait plus nuancé, et donc plus crédible, de l’énigmatique comtesse, l’auteur semble avoir avant tout voulu faire dans le sensationnel et la provocation, et ce au dépend de son personnage.
Impossible d’éprouver une seule seconde ne serait-ce qu’une once d’empathie ou de compassion pour le monstre dépeint par Patrick Mc Spare. Cruelle, vaniteuse, colérique, perverse, égoïste…, aucune tare n’aura échappé à la pauvre Bathory, pour le coup parfaitement fidèle à ce que la légende a fait d’elle. Loin de nous faire découvrir la véritable femme cachée derrière le mythe, comme je m’y attendais, l’auteur fait le choix de mettre en scène une véritable harpie tuant et torturant autant par vanité que par pure plaisir sadique, le tout dans le but, non seulement de conserver sa jeunesse, mais aussi de provoquer le retour sur Terre de l’Antéchrist. Pour le côté nuancé, on repassera. Des scènes de sexe ou de torture plus trash les unes que les autres se succèdent ainsi pendant une grande partie du roman, un parti pris de la part de l’auteur à mon avis très contestable, non pas parce que j’ai l’estomac fragile, mais parce que neuf fois sur dix les dites scènes semblent être davantage présentes pour provoquer et donner un côté un peu plus glauque au roman plutôt que pour servir l’intrigue.
Du côté de l’intrigue, justement, je suis bien embêtée d’avouer que je me suis plutôt ennuyée pendant au moins les deux cent premières pages (sur un ouvrage qui en compte à peine 400, c’est un peu problématique…). Dès le début on comprend que ni la comtesse ni aucun membre de son entourage ne nous sera sympathique, aussi difficile de se prendre d’intérêt pour l’histoire. Fort heureusement les choses s’améliore un peu sur la fin, à mesure que le rythme s’accélère et que l’auteur se décide enfin à délaisser quelque peu les scènes d’horreur. La lecture se fait alors bien plus agréable et permet de refermer le roman sur une note un peu plus positive. En parlant de points positifs (parce qu’il y en a, malgré tout), les passages consacrés au groupe d’aventuriers composé d’exorcistes, chasseurs de vampires et autre type de mercenaires sont pour leur part fort intéressants. De même, les connaisseurs de la Hongrie du XVIIe et de l’histoire de Bathory ne manqueront pas d’être ravis des nombreux clins d’œil et références distillés ici et là par l’auteur qui s’est de toute évidence abondamment documenté sur le sujet.
Une histoire fascinante malheureusement traitée sans nuance, accumulant inutilement scènes d’atrocités et de perversion et mettant en scène un personnage détestable au possible. Dommage, car la reconstitution historique effectuée et certaines idées de l’auteur sont pourtant loin d’être inintéressantes. (à noter pour ceux qui seraient désireux d’en apprendre davantage sur la célèbre « comtesse Dracula » : cet article très instructif proposé par l’excellent site noosfere.)
Voir aussi : La critique d’Asavar (Elbakin)