Fiction historique

Albert Ier de Monaco : Le prince explorateur

Titre : Albert Ier de Monaco : Le prince explorateur
Scénariste : Philippe Thirault
Dessinateur : Sandro
Éditeur : Glénat (collection Explora)
Date de publication : 2018 (avril)

Synopsis : Fin du XIXe siècle… Jeune aristocrate intrépide, Albert Ier prince héritier de Monaco ne rêve que d’une chose : prendre le large. Il ne lui faut que quelques années pour apprendre le métier de marin et posséder sa propre goélette : l’Hirondelle. Soucieux de se rendre utile au monde, il décide très vite de dédier son temps et son navire aux travaux océanographiques. En perçant le secret des abysses, c’est une part de nous-mêmes qu’il cherche à mieux comprendre. Mais cette soif de connaissance, cet élan humaniste de progrès et de paix, seront malheureusement confrontés à un monde où, à l’aube de la Grande Guerre, on privilégie la science pour détruire…

Bibliocosme Note 1.0

Un des aspects les plus marqués du caractère du prince était un amour profond de la justice. Il a pu se tromper, il a pu être trompé, mais ses intentions ont toujours été droites et dirigées vers le bien et vers un idéal élevé.

Une vitrine pour Monaco et ses souverains

Si vous êtes amateur d’exploration et de bande dessinée, vous avez sans doute déjà entendu parler de la collection Explora lancée il y a plusieurs années par les éditions Glénat, et qui propose à chaque volume de lever le voile sur le parcours d’un (et plus rarement d’une) grand(e) aventurier(ère). Marco Polo, Charles Darwin, Alexandra David Neel, Richard Burton, Percy Fawcett… : ils sont nombreux à avoir déjà fait l’objet d’un album réalisé chaque fois par une équipe différente mais toujours sous la supervision de Christian Clot, célèbre explorateur lui-même. Seulement cette fois, j’avoue être restée un peu perplexe face au choix de la personnalité mise à l’honneur : le prince de Monaco Albert Ier. Alors certes, son surnom de « prince explorateur » nous offre un début de justification, mais tout de même, face aux mastodontes de l’exploration cités plus haut, son altesse fait tout de même un peu figure de poids léger. On comprend un peu mieux comment le personnage a pu se retrouver ainsi mis en avant lorsqu’on consulte les petites notes au bas de la première page qui nous apprennent que l’album a été réalisé sur une idée du directeur général de l’Institut océanographique Albert Ier, et avec l’aide de tout un tas de gens de ce même Institut, ainsi que de la principauté de Monaco elle-même. Aïe ! Autant dire que le récit a peu de chances d’être nuancé… Cela s’avère d’autant plus certain lorsqu’on découvre en guise de prologue une préface signée par l’actuel prince de Monaco qui s’extasie sur le parcours de son trisaïeul qu’il assimile à ces « figures de proue qui inspirent au delà même de leur époque ». Vous aussi vous commencez à trouver que ça sent le roussi ?

Quand biographie devient hagiographie

Et effectivement, dès les premières pages, le ton est donné : ce n’est pas une biographie que nous avons là mais une hagiographie. Car Albert Ier était absolument parfait, et chacune des scènes présentent dans cet album a moins pour objectif de nous parler du sujet de ses explorations que de présenter le prince comme un saint. On le voit ainsi visitant une plantation et s’horrifiant devant le mauvais traitement réservé aux esclaves, on le découvre ensuite défenseur de la cause animal, puis grand chasseur, puis grand marin, puis grand pacifiste, puis grand mécène… Bref, Albert Ier était un grand monarque, un vrai : celui pour qui la noblesse n’est pas qu’une question de sang ! (je ne rigole pas, hein, cette phrase est vraiment citée en exergue de l’album) Attention, je ne nie pas que le brave Albert a pu avoir été un grand homme et sa contribution à la science est indiscutable dans des domaines aussi variés que la cartographie, l’instrumentation ou encore l’étude des animaux des fonds marins. On le découvre aussi ardent défenseur de la paix dans le monde, de même qu’on apprend qu’il a pris position pour la défense d’Albert Dreyfus et que sa politique à Monaco a permis d’améliorer grandement les conditions de vie des habitants en terme d’hygiène ou de protection sociale. Deux choses me posent toutefois problème. La première est que le portrait qui nous est livré ici ne possède aucune nuance : Albert est parfait en tout, point final. C’est le même sentiment qui prédomine d’ailleurs dans le dossier historique présent comme chaque fois en fin d’ouvrage et qui permet d’ajouter des compléments aux événements développés dans la bande dessinée. Seulement là encore le ton est tout sauf neutre, chaque paragraphe vantant tour à tour le courage, la conviction, l’honnêteté ou encore la sagacité de cet « homme de bien et de bonne volonté ».

Un scénario qui laisse à désirer

Le second problème réside dans les choix scénaristiques qui découlent de ce manque d’esprit critique et qui rendent la lecture de cet album tout sauf agréable. Je me suis ainsi amusée à compter le nombre de scènes différentes illustrées sur les quelques cinquante planches que compte l’ouvrage pour arriver au résultat d’une quarantaine. C’est à dire que chaque scène ne dure pas plus d’une page, rarement plus et souvent moins. On ne s’attarde donc véritablement sur rien, tout est survolé et les époques et les lieux s’enchaînent à une telle rapidité qu’on a à peine le temps de comprendre où et quand on se situe qu’il faut déjà passer à autre chose. C’est comme si le scénariste avait voulu mettre un petit bout de TOUTES les expéditions du prince, si bien que le lecteur finit par tourner les pages avec le sentiment d’avoir affaire à un catalogue recensant des destinations exotiques plutôt qu’à une véritable histoire. De même, certains aspects de la vie privé du prince sont mentionnés en un éclair, sans qu’on puisse avoir assez d’information pour bien saisir la situation évoquée. C’est flagrant avec le cas de son épouse et de son fils qu’on aperçoit brièvement à l’occasion de deux scènes qui ne nous expliquent ni pourquoi madame a quitté Monaco, ni pourquoi il a fallu attendre huit ans au prince avant de faire la connaissance de son fils. Si le scénario présente donc peu d’intérêt, il en est heureusement autrement des graphismes qui, à défaut de marquants, se révèlent plaisants. Les personnages sont certes un peu figés et leurs visages peu expressifs mais les représentations d’animaux marins sont réussies de même que les quelques paysages qu’il nous est donné d’apercevoir.

Vous l’aurez compris, ce nouvel album de la collection Explora ne m’a pas du tout convaincu, la faute à une absence totale de nuances qui donne d’Albert Ier une image de saint dont se gargarise sûrement la principauté de Monaco mais qui n’apporte strictement rien au lecteur. L’exploration, elle, passe au second plan, ce qui, pour une collection censée justement la mettre en avant, est franchement dommage.

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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