Fantasy

Le chaudron brisé

Titre : Le chaudron brisé
Auteur : Nathalie Dau
Éditeur : Les Moutons Électriques
Date de publication : 2018 (février)

Synopsis : L’amour et la vengeance ont l’art de traverser les âges, et ce d’autant plus lorsque les dieux sont impliqués.Pour certains mortels, cela signifie un héritage lourd à porter, mêlé de malédiction. Ainsi en va-t-il d’Augusta Quinn et d’Alwyn Archtaft. Destinés à réparer le chaudron de Kerridwen, afin de permettre le retour de la déesse, ils devront compter avec Affang, le terrible démon des eaux, qui les poursuivra de sa haine. Mais en cette fin de XXe siècle, un dieu veille et se souvient. Capable d’arpenter les lieux d’ici et d’ailleurs, Kernunnos, sous l’un ou l’autre de ses avatars, permettra à la réalité de rattraper le mythe… et de le dépasser.Délaissant un moment le Livre de l’Énigme pour les mythes du Pays de Galles, Nathalie Dau nous fait découvrir déesse-mère et dieu-cerf, dans un bel hommage à l’esprit celte.

Bibliocosme Note 3.5

En ces temps de doute et d’incrédulité, de commerce futile et de culte des apparences, qui songe encore à invoquer une antique déesse ? A l’appeler en outre par un nom que les récits des hommes ont abondamment noirci ? Cependant la terre a plus d’oreilles qu’on ne peut se l’imaginer, et ces oreilles ont mille bouches. La lune sait lire sur les lèvres, la nuit capte les murmures. Le vent emporte les échos, l’eau et les feuillages bruissant les relaient et les amplifient.

Une plongée dans les mythes celtes

Kerridwen et Kernunnos arpentent la Terre depuis des temps immémoriaux, répondant à l’appel des hommes et des femmes priant pour leur venue. C’est au Pays-de-Galles que la déesse sortira de son chaudron magique de quoi établir un royaume dans lequel humains et créatures merveilleuses vivent en harmonie, sous la protection du roi cornu et de sa dame. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, et la menace qui plane sur les descendants des deux divinités risque fort de mettre un terme définitif à la lignée. Si le troisième tome du « Livre de l’énigme » risque de se faire attendre encore un moment, Nathalie Dau fait patienter son lectorat avec ce court roman non inédit. Le texte a en effet déjà été publié il y a dix ans sous la forme d’une nouvelle dans l’anthologie « Royaumes » dirigée par Stéphane Marsan (sous le titre « Les débris du chaudrons »). Après quelques retouches, il a ensuite été réédité sous la forme d’un court roman par Argemmios (maison d’édition qui a disparu depuis), avant de subir de nouvelles modifications et d’être publié une troisième fois par les Moutons Électriques. L’auteur y reprend une célèbre légende galloise et pioche allègrement dans la mythologie et le folklore celtique. Outre Kerridwenn et Kernunnos, la déesse-mère et le dieu cornu, on retrouve ainsi un certain nombre de figures ou créatures célèbres : banshee, géant, magicien, le barde Taliesin ou encore des personnages des légendes arthuriennes. L’auteur a effectué un bon travail de recherches pour s’imprégner pleinement des mythes et de leur signification (le glossaire très complet présent à la fin de l’ouvrage en est la preuve). Le parcours des deux divinités dans le roman est ainsi à l’image des pouvoirs qu’on leur prête ou des concepts qu’ils représentent : l’alternance entre la vie et la mort, la renaissance, le cycle de la nature… On trouve également quelques références à émergence du christianisme, ce qui permet de mieux comprendre comment les Chrétiens ont récupéré et détourné à leur profit certains mythes ou dieux païens (Kerridwenn devient l’archétype de la sorcière, Kernunnos celui du diable…).

(c) The Glynn Vivian Art Gallery; Supplied by The Public Catalogue Foundation

Un bon roman… mais trop bref

En parallèle de ces chapitres se déroulant « durant les temps hors de l’histoire », on trouve également quelques chapitres plus brefs dont l’action se situe cette fois tout long au XXe siècle (1933, 1955, et 1996). On y découvre les descendants du couple divin sur lesquels plane une menace terrible : un démon des eaux bien décidé à détruire pour de bon la lignée de Kerridwenn et Kernunnos. En dépit des circonstances tragiques qui virent l’effondrement de leur royaume, les descendants des dieux sont en effet parvenus à survivre et à prospérer en deux branches ignorant leur véritable parenté, mais toutes deux atteintes par la malédiction du démon : dans l’une, ce sont les filles qui subissent régulièrement les assauts du monstre, dans l’autre les garçons. Le résultat est le même à chaque fois : des morts prématurées et des familles en deuil. Mais, à force de voir le même schéma se répéter, certains finissent par comprendre d’où vient le problème, et entament alors une quête pour sauver leur famille et mettre définitivement fin au massacre. La construction est bien pensée, les deux récits finissant évidemment par se croiser, même si la résolution finale arrive de manière un peu trop abrupte. On peut également regretter la brièveté des chapitres se déroulant au XXe ainsi que le recours trop fréquent aux ellipses : l’auteur passe en effet très vite sur la quête menée par certains des membres de la famille sur lesquels on en sait finalement que très peu. C’est notamment le cas des protagonistes mis en scène à la toute fin du roman et qui sont chargés du combat final : tous ont du potentiel, mais étant donné qu’on ne les suit que depuis quelques pages seulement, on ne se souci guère de leur sort. On s’attache ainsi davantage aux personnages de l’époque antique qu’à ceux d’aujourd’hui, même si les émotions de chacun sont dépeintes avec toujours autant de soin (quoique avec plus de pondération que dans les précédents textes de l’auteur).

Réédité pour la troisième fois, ce court texte de Nathalie Dau nous propose une plongée agréable au cœur d’un grand mythe celtique. Construction, ambiance, personnages : le récit ne manque pas d’atouts pour séduire le lecteur mais souffre parfois de sa brièveté. Une sympathique découverte, donc, idéal pour se familiariser avec le style et les thématiques de l’auteur. A noter aussi que l’ouvrage a été très joliment illustré par Melchior Ascaride qui à nouveau une belle couverture ainsi que quelques graphismes à l’intérieur du roman.

Autres critiques : Allison (AllisOn’line)Célindanaé (Au pays des cave trolls) ; Lhisbei (RSF Blog)

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

10 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.