Fiction historique

Voltaire amoureux, tome 1

Titre : Voltaire amoureux
Cycle/Série : Voltaire amoureux, tome 1
Scénariste et dessinateur : Clément Oubrerie
Éditeur : Les Arènes BD
Date de publication : 2017 (octobre)

Synopsis :  » Un portrait à l’arsenic de notre XVIIIe siècle » Le Journal de Paris ; « Sensuel et palpitant » Le Mercure Galant ; « Un traité de philosophie pour les manants » Les Mémoires de Trévoux ; « Un brûlot libertin. Qu’est-ce que le Régent attend pour sévir ? » Les Nouvelles ecclésiastiques

Bibliocosme Note 4.0

Peut-être mes nerfs ont-ils un peu lâché, peut-être suis-je en manque de joute oratoire, en tout cas cet abbé est vite devenu ma tête de Turc. Je n’ai plus eu qu’une idée en tête : le faire tourner en bourrique. Je reconnais avoir un peu exagéré, mais c’était plus fort que moi. Sa bigoterie et son air béni-oui-oui m’ont mis en verve. En tout cas, les autorités compétentes, fatiguées sans doute d’entendre ses plaintes résonner dans le couloir, m’en ont vite débarrassé.

Voltaire : le début du succès

S’il y a bien un philosophe qui nous vient en tête lorsqu’on évoque le siècle des Lumières, c’est sans aucun doute Voltaire. L’œuvre et le parcours de l’écrivain sont cependant tellement fournis que l’ambition de raconter sa vie en bande dessinée promettait d’être délicate. Clément Oubrerie a malgré tout choisi de relever le défi avec ce premier tome de « Voltaire amoureux », qui couvre la biographie du philosophe de 1717 jusqu’au milieu des années 1720. C’est à la Bastille que commence ici l’histoire de François-Marie Arouet, emprisonné sur ordre du Régent pour avoir placardé dans Paris des pamphlets ridiculisant sa politique (accusation apparemment injustifiée…). L’épisode est bien choisi et permet au lecteur d’immédiatement se prendre d’affection pour ce jeune homme plein d’humour et à la langue bien pendue qui se moque ouvertement de l’autorité, qu’elle soit royale ou religieuse. Si ce premier tome ne couvre que quelques années de la vie de Voltaire, il est malgré tout suffisamment dense pour que le lecteur puisse se faire une idée non seulement de la personnalité de l’écrivain mais aussi des idées qu’ils défendaient, et surtout des événements qui ont marqué son parcours. Outre son séjour à la Bastille on assiste ainsi à la création de ses premières œuvres (théâtrales, notamment) : « Oedipe », qui sera un franc succès, « Artémire » qui sera un échec retentissant, et l’ébauche de ce qui deviendra des années plus tard « La Henriade ». L’auteur nous livre également un certain nombre d’éléments de la pensée de l’écrivain qui manifeste dans ce premier tome un anticléricalisme assumé et qui donne lieu à des scènes hilarantes (la confrontation entre le philosophe et son compagnon de cellule membre du clergé, par exemple). C’est d’ailleurs cette insolence de Voltaire à l’égard de la religion qui causera sa brouille avec son mentor, Rousseau, qu’on rencontre ici sous un jour assez peu favorable.

Voltaire sous toutes les coutures

Le cœur de l’album reste malgré tout la vie privée du philosophe que l’on découvre sous un tout nouveau jour. Clément Oubrerie propose une vision touchante du personnage dont on oublie, le temps de quelques pages, le statut de grande figure de l’Histoire, pour ne se concentrer que sur l’homme, avec ses faiblesses et ses échecs. Sont ainsi abordées les relations difficiles entretenues entre Voltaire et sa famille (à commencer par son père, qui voulait en faire un notaire), mais aussi et surtout les rapports entre l’écrivain et les femmes, au charme desquelles il a de toute évidence du mal à résister. Notre philosophe enchaîne ainsi les conquêtes, qu’elles soient actrices, nobles, ou même mariées, et le titre de l’album prend alors tout son sens : amoureux, Voltaire, l’a incontestablement été, et pas qu’une fois ! L’ouvrage fourmille également d’anecdotes croustillantes qui viennent s’ajouter au ton déjà volontiers humoristique du récit et permettent, là encore, de désacraliser le personnage (les problèmes de santé dont souffraient le philosophe ne sont, par exemple, pas franchement glamour…). L’auteur a également recours à plusieurs reprises à un procédé astucieux : donner la parole à son personnage qui s’adresse alors directement au lecteur pour lui expliquer quelques réalités de son époque (comme les problèmes posés par la publication d’une œuvre qui relève du parcours du combattant !) Si le scénario est une réussite, il en va de même pour les graphismes qui collent tout à fait à l’ambiance du récit. Voltaire arbore pour l’occasion une bouille sympathique et un regard très expressif, qui nous le rendent immédiatement attachant. L’ensemble des personnages bénéficie d’ailleurs d’une représentation soignée, que ce soit au niveau des traits du visage ou des costumes, tour à tour austères ou colorés (en fonction des milieux fréquentés). L’auteur nous offre également quelques aperçus du Paris du début XVIIIe, avec ses ponts, ses façades à colombage, ses chaises à porteur, ses pamphlets accrochés aux murs, mais aussi du port de La Haye, ou encore des paysages séparant la France de la Hollande.

Clément Oubrerie signe avec ce premier tome du « Voltaire amoureux » un album plein d’humour qui séduit autant par ses graphismes que par son scénario. L’occasion idéale d’en apprendre davantage sur cette figure incontournable des Lumières que l’on découvre sous des aspects bien différents, tour à tour philosophe, dramaturge, amant volage ou bien fils rebelle. Instructif et divertissant !

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Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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