Science-Fiction

Utopiales 2016, Conférence #1 : Un monde sans machine

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En complément des nombreuses tables-rondes proposées cette année, les Utopiales ont aussi organisé plusieurs rencontres intitulées « expérience de pensée ». Le principe est simple : un auteur se retrouve seul avec le public pendant une heure pour débattre d’un sujet en lien avec la thématique du festival. Ils sont plusieurs à s’être prêtés au jeu, mais celui que nous ne voulions pas rater, c’est évidemment Alain Damasio, invité à réfléchir sur le sujet suivant : « Un monde sans machine ». Une expérience intéressante que nous avons tenté de résumer ci dessous.

Pour Damasio nous sommes avant tout des êtres techniques si bien qu’un monde sans machine est impossible. Ces machines sont de différents ordres : celles de première génération qui n’ont aucune autonomie sans nous (silex, outils en général…) ; celles de seconde génération qui commencent à avoir leur propre autonomie (la machine à vapeur) ; et celles de troisième génération, ce que Damasio appelle les « machines-mondes », dans lesquelles nous nous retrouvons complètement immergés. La technologie d’aujourd’hui est à la portée de presque tous nos sens et filtre notre rapport au monde, nous enfermant dans ce que l’auteur appelle des « technococons ». L’étape suivante n’est pas difficile à imaginer, il s’agit de l’IA personnalisée. Éventuellement, la totalité des traces que l’on génère seront stockées sur cette IA qui connaîtra tout de nous (préférences, amis…) et avec laquelle il sera possible de communiquer. A un certain stade, certaines seront capables de suffisamment imiter l’homme pour qu’il y ait projection affective et que l’IA devienne un objet de fantasme, incarnant pour certains non plus une simple machine mais une mère, un père, un ami, une amante… [A voir, le film « Her » dans lequel le réalisateur Spike Jonze imagine un homme (Joaquim Phenix) tombant amoureux d’une IA dont il ne connaît pourtant que la voix (Scarlett Johansson)]

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L’auteur a également beaucoup insisté pour casser un cliché largement véhiculé aujourd’hui et qu’il juge parfaitement stupide : l’idée que la technologie puisse être neutre et ne dépendrait que de ce qu’on en ferait. Pour lui la technologie ne peut pas être neutre car elle est inséparable du capitalisme et porte donc des valeurs bien précises. Les avancées scientifiques dépendent d’ailleurs des crédits qu’on accorde à telle ou telle recherche et sont donc conditionnées par ce qu’on estime valable ou vendable. Aujourd’hui chaque objet, chaque comportement doit générer du data. Certaines technologies ont pris tellement de place dans notre société que c’est de ne pas s’en servir qui est devenu une véritable anomalie. C’est le cas du téléphone portable : qu’on le veuille ou non être joignable à tout moment est devenu la norme.

Aucun souvenir assez solide

Il n’est toutefois pas question d’adopter une attitude technophobe et de tout rejeter en bloc. Damasio nous conseille d’avoir un rapport épicurien à la technologie, c’est-à-dire d’être capable de distinguer les désirs vains et superficiels des choses qui nous grandissent et nous ouvrent au monde. Il faut se demander si, malgré le fait qu’une technologie soit à notre disposition, il est pertinent de l’utiliser, et si oui à quelle fréquence. L’autre question qu’il faut se poser c’est : de quelle manière cette technologie filtre-t-elle le rapport que j’ai avec ce/ceux qui m’entoure(nt) ? Réduit-elle mes capacités à être ouvert au monde, à être affecté par mon environnement et à être touché par plus de choses ? Si la réponse est oui, vous savez ce qu’il vous reste à faire…

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Une rencontre passionnante et qui, au vu des réactions du public, aura été appréciée par un grand nombre de visiteurs.

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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