Récit contemporain

La Variante chilienne

La variante chilienne

Titre : La Variante chilienne
Auteur : Pierre Raufast
Éditeur : Alma (Romans) (fiche officielle) / Folio
Date de publication : 20 août 2015 / 14 septembre 2017

Synopsis : Il était une fois un homme qui rangeait ses souvenirs dans des bocaux.
Chaque caillou qu’il y dépose correspond à un évènement de sa vie. Deux vacanciers, réfugiés pour l’été au fond d’une vallée, le rencontrent par hasard. Rapidement des liens d’amitiés se tissent au fur et à mesure que Florin puise ses petits cailloux dans les bocaux. À Margaux, l’adolescente éprise de poésie et à Pascal le professeur revenu de tout, il raconte. L’histoire du village noyé de pluie pendant des années, celle du potier qui voulait retrouver la voix de Clovis dans un vase, celle de la piscine transformée en potager ou encore des pieds nickelés qui se servaient d’un cimetière pour trafiquer.

Note 3.5

Il réussissait particulièrement bien à simuler la tristesse : il fermait sa bouche comme s’il voulait articuler « b », regardait systématiquement du côté opposé à son interlocuteur, légèrement vers le bas, et se taisait. Il avait piqué cela dans un bouquin de Lermontov.

Après La Fractale des Raviolis, Pierre Raufast tente encore l’aventure des récits imbriqués dans La Variante chilienne, toujours chez les éditions Alma.

Pascal, professeur de littérature aguerri, débarque dans la maison de vacances qu’il a louée pour l’été en compagnie de Margaux, adolescente et empreinte d’une paranoïa au départ mystérieuse. C’est déjà l’occasion pour l’auteur, malgré quelques scènes délicates, de replacer un humour grinçant toujours bienvenu. Une fois installé avec ces deux vacanciers, le lecteur se rendra vite compte qu’ils ne sont pas les personnages principaux, puisqu’apparaît Florin, vieux taciturne, largement porté sur la pipe et la bouteille, dont l’expérience semble être longue comme le bras.

Et là débarque le concept central de ce roman ! Si dans La Fractale des Raviolis, c’est le « meurtre par des raviolis » qui déclenchait et justifiait la fouille d’historiettes bien menées, ici c’est la maladie de ce gentil Florin qui est la cause de tout. Ainsi, depuis sa jeunesse, il est incapable d’associer des émotions à ses souvenirs, l’empêchant alors de conserver une certaine mémoire ; c’est pourquoi il s’échine depuis des dizaines d’années à associer à chaque souvenir mémorable un petit caillou. Au bout d’une vie, il finit par entasser des jarres entières de galets ou de petits bouts de roches au fond de sa cave ; pour autant, il peut reconnaître chacun de ses souvenirs matériellement stockés. La rencontre et l’amitié qui se noue avec Pascal et Margaux est alors l’occasion, pour ce vieillard avide de partage, de ressortir quelques vieux souvenirs, et si possible les plus croustillants.

À travers des aventures aussi pittoresques qu’une partie de cartes dont on ne comprend pas les règles mais qui dure trois jours, ou bien des anecdotes tordantes sur un malheureux qui ne débande jamais, sur un village qui subit une pluie pendant une décennie ou sur un artisan fan de poteries qui cherche à en écouter les sons émis pendant leur fabrication, voire des histoires de piscines transformées en potager et de pompes funèbres organisées en bouge mafieux. Que peut bien trouver le lecteur derrière tout cela ? Avant tout, l’amour à chaque instant : un amour des livres d’abord, de la littérature qui élève, un amour des récits imbriqués ensuite, et surtout ceux qui sont capables de se répondre, et enfin (surtout ?) un amour des sous-entendus graveleux au premier rang desquels la métaphore filée (osons le dire, « métaphore giclée ») autour des pipes donne tout au fait le ton frais, goulu et tonifiant de ce roman.

Mine de rien, Pierre Raufast m’a encore bien fait marrer avec La Variante chilienne et des idées plus qu’originales qui méritent d’être lues et découvertes, qui méritent le détour tout simplement. Un grand merci donc, évidemment, à l’opération Masse Critique de Babelio, ainsi qu’aux éditions Alma dont je continue à découvrir avec intérêt le catalogue.

Autres critiques : Cajou (Plume de Cajou) ; Justine (Lire, une passion) ; La Chèvre grise (Nourritures en tout genre)

 

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

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