Essai

Sorcières ! Le sombre grimoire du féminin

Sorcières !

Titre : Sorcières ! Le sombre grimoire du féminin
Auteur : Julie Proust Tanguy
Éditeur : Les Moutons Électriques
Date de publication : 2015

Synopsis : Autour du chaudron fumant, trois silhouettes s’activent : les sorcières font frémir à petit feu des mystères parsemés de poils de chat noir. Des cris d’horreur, des frissons enfantins et de sensuelles silhouettes féminines bouillonnent dans leur potion verdâtre. Leurs voix fredonnent des noms familiers : Baba Yaga, Morgane, Médée, Carrie, Esmé Ciredutemps… Leur sabbat fait danser, depuis des siècles, une litanie de clichés : crapaud, balai, chapeau pointu… Mais qui sont ces envoûteuses dont les doigts crochus lacèrent la toile du temps ? Sont-elles les fiancées du Diable ou de simples révélatrices d’une sombre Histoire du féminin ? Après Pirates !, Julie Proust Tanguy explore une des autres ombres de notre imaginaire : la sorcière.

Note 4.0

 Il est désormais impossible de sauver la sorcière : il faut allumer sous elle les bûchers. « Tu ne laisseras point vivre la sorcière. », ni sur Terre ni à travers la fiction, susurre le spectre grimaçant d’une Église qui a pris le contrôle de l’imaginaire et profite de la magie de l’imprimerie pour diffuser de manière accrue son intolérance nauséabonde.

 

Difficile lorsqu’on parle de sorcières de se départir aujourd’hui de l’image de la vieille femme au chapeau pointu s’envolant en ricanant sur son balai ou touillant l’intérieur d’un chaudron dans lequel baignent des ingrédients peu ragoutants. La sorcière peut cela dit aussi prendre l’apparence d’une belle séductrice dotée de dangereux pouvoirs menaçant l’intégrité ou la virilité des hommes à l’image de l’antique Médée ou de la Morgane des légendes arthuriennes. Elle peut aussi se faire effrayante, comme la Carrie de Stephen King, érudite comme l’Hermione Granger de J.K. Rowling, ou encore bienveillante et espiègle à l’instar de la Samantha de « Ma sorcière bien-aimée ». Une figure complexe et en perpétuelle mutation sur laquelle s’est penchée Julie Proust Tanguy dans son dernier ouvrage intitulé « Sorcières ! Le sombre grimoire du féminin ». Parue chez Les Moutons Électriques, cette étude captivante permet d’aborder toutes les facettes de ce personnage controversé et de suivre son évolution de l’Antiquité à nos jours. L’auteur nous livre ici le résultat d’un abondant et minutieux travail de documentation qui va bien au delà de l’aspect purement historique puisqu’il est également question d’étudier l’évolution de la figure de la sorcière dans la littérature, la musique ou encore le cinéma. Nul doute que vous ressortirez vous aussi de cette lecture avec une quantité de références de films, séries, livres ou encore groupes de musique à découvrir.

CircéeJohn Waterhouse, Circée offrant une coupe à Ulysse, 1891

Si les nombreuses références qui le parsèment rendent l’ouvrage particulièrement ludique, son principal atout reste la qualité de l’analyse de Julie Proust Tanguy qui nous plonge ici au cœur des mentalités des sociétés antiques, médiévales, modernes et contemporaines. On découvre par exemple que la sorcière a toujours possédée une image assez ambiguë, et ce dès l’Antiquité où elle apparaît tour à tour comme un être bénéfique de part son statut de guérisseuse, ou au contraire malveillant car usant de ses redoutables pouvoirs pour de mauvaises raisons. Il faudra toutefois attendre le Moyen Age pour que la sorcière perde tout aspect positif et que l’on voit apparaître, sous l’égide de l’Inquisition, les principaux stéréotypes qui la caractériseront pour les siècles à venir. Elle est désormais la fiancée du diable, être maléfique et perverti, cause des malheurs vécus par la communauté pour qui elle ne tarde pas à devenir le bouc-émissaire idéal (l’épisode des procès de Salem en est le parfait exemple). Les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles seront toutefois encore moins cléments et on voit alors fleurir un peu partout des bûchers censés débarrasser la société de la nuisance que représentent ces femmes trop puissantes et trop libres. Les persécutions finissent toutefois par cesser au XIXe siècle qui marque la véritable libération de la figure de la sorcière qui connaît depuis lors une formidable résurgence, que ce soit dans la littérature (merci Terry Pratchett), au cinéma, à la télévision ou dans les histoires destinées aux enfants.

Pratchett sorcières

Julie Proust Tanguy signe avec cet ouvrage une étude passionnante et remarquablement documentée consacrée à un personne phare de notre imaginaire, toute période confondue. Une lecture d’autant plus intéressante et instructive que l’auteur détaille l’évolution du personnage sous des angles extrêmement variés tout en abordant abondamment la question de l’image de la féminité au fil des siècles. Une très bonne découverte que je recommande chaudement.

Autres critiques : Oriane (La Pile à Lire)

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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