Fiction historique

Northlanders, Intégrale 1 : Le Livre anglo-saxon

Northlanders 1 Livre anglo-saxon

Titre : Le Livre anglo-saxon
Série : Northlanders, Intégrale 1
Scénariste : Brian Wood
Dessinateurs : Davide Gianfelice, Dean Ormston, Danijel Zezelj, Ryan Kelly et Marian Churchland
Éditeur : Urban Comics (Vertigo Essentiels)
Date de publication : 21 mars 2014 (2010 en VO chez DC Comics/Vertigo)

Synopsis : Des brumes du premier millénaire ont surgi les héros qui allaient façonner le visage des siècles à venir. À l’assaut de l’Europe, le peuple viking apporta avec lui la fureur et le progrès. Peuple fier chargé d’une culture singulière, en guerre contre le Christianisme, ils nous léguèrent leur goût pour le commerce et l’exploration. Voici leur histoire, vécue de l’intérieur.

Bibliocosme Note 4.0

Lorsque le tonnerre gronde… lorsque la mer monte et se déchaîne… que la forêt gémit… lorsque la terre elle-même tremble sous vos pieds… sachez que les Normands sont arrivés.

À l’inverse de la bande dessinée franco-belge où ce genre a depuis longtemps fait florès, les bons comics de fiction historique (et surtout alto-médiévale) sont rares. Si vous pensez illico au 300 de Frank Miller, c’est que l’Histoire n’est pas votre amie. En revanche, avec la série Northlanders, Brian Wood initie un projet au long cours sur ceux issus du peuple viking, parfois appelés Normands. Il compte nous narrer ici leur histoire de leur point de vue, et non, comme souvent, de celui des populations attaquées.


C’est vrai, nous connaissons avant tout les Vikings par les récits que nous ont légués les moines chrétiens, représentants des populations soumises aux incursions normandes et détenteurs du pouvoir de l’écrit. Or, un peu à l’image désormais de la série Vikings de la chaîne britannique History, Brian Wood cherche à renverser cet angle d’attaque pour aller voir comment les Vikings, eux-mêmes, vivaient et se représentaient. Cela passe inévitablement par la prise en compte de toutes les facettes habituelles d’une société, économiques, sociales, politiques et culturelles. Pour combler un tel défi, l’auteur tente la carte de la multiplicité des points de vue. En effet, avec le jeune saxon qui veut devenir viking, de jeunes veuves combattantes, l’exilé de retour au pays et plusieurs autres, il varie à l’extrême ses personnages principaux, chacun étant le centre d’un des arcs qu’on nous propose ici. Il opte souvent pour des cas très intéressant de Vikings en marge de leur société, ce qui est toujours passionnant pour comprendre leur rapport entre individu et collectivité.

Devant un matériau original composé de plusieurs dizaines d’épisodes, Urban Comics nous concocte ici trois intégrales en reprenant les épisodes de manière non linéaire. Le but est de proposer un contenu chronologiquement logique et géographiquement cohérent. Ainsi, cette première intégrale est le Livre anglo-saxon, c’est-à-dire qu’il nous présente les incursions vikings sur l’île de l’actuelle Grande-Bretagne entre le VIIIe et le XIe siècle (et parfois à plusieurs encablures de là). Sont alors concernés les épisodes #9-10, #18-19, #1-8, #11-16 et #41. Si cet agencement peut paraître bizarre au premier abord, il semble avoir été réalisé avec l’aval de l’auteur et permet surtout de ne pas se perdre dans les différents temps forts historiques du haut Moyen Âge nordique. D’ailleurs, malgré la relative robustesse du contenu, l’ensemble se lit de manière étonnamment rapide.

Si le sujet est original, l’histoire pourra toujours paraître fade à certains blasés des fictions historiques habituelles. Pour autant, nous retrouvons dans cette série une ambiance inimitable et, même si les côtes anglo-saxonnes ne sont pas mes favorites, il est aisé de se glisser entre pluies mauvaises et brumes épaisses aux côtés de ces barbares supposés sanguinaires dans leurs explorations de nouvelles terres. Ensuite, les confrontations politiques, religieuses et commerciales avec les peuplades rencontrées sont toujours autant d’axes bienvenus pour découvrir une culture encore trop méconnue. Enfin, l’opiniâtreté de chaque personnage doit se ressentir dans l’atmosphère choisie par chaque dessinateur, car chacun officie sur une histoire différente. Davide Gianfelice, Dean Ormston, Danijel Zezelj, Ryan Kelly et Marian Churchland ont tous un style particulier, mais sont plutôt complémentaires entre eux. L’un insistera plus sur les brumes accueillant la furie de ces Northlanders, d’autres plutôt sur les esprits torturés de certains ou la violence au quotidien ; malgré tout, cet opus est vraiment cohérent graphiquement.

Avec le premier tome de Northlanders, Brian Wood et son équipe de dessinateurs nous offrent un ouvrage de collection qui fait plaisir à voir et à lire. Le volume est bien gros, mais se lit vit et ne sera uniquement suivi de deux autres intégrales, le Livre islandais et le Livre européen.

Voir aussi : Intégrale 2 ; Intégrale 3

Autres critiques : Célindanaé (Au pays des Cave Trolls) ; Yvan Tilleul (Sin City)

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

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