Fantastique - Horreur

L’île de Peter

Titre : L’île de Peter
Auteur : Alex Nikolavitch
Éditeur : Les Moutons Électriques
Date de publication : 2017 (mai)

Synopsis : Wednesday, policière à New-York, enquête sur un vieux marin qui traîne dans l’East Village à la recherche d’herbes médicinales. Projetée dans une île tropicale, elle découvre que ce marin n’est autre que le Capitaine Crochet et que l’île de Peter Pan existe bien, sous la forme d’une boucle spatio-temporelle dont seul le pirate peut sortir.

Je finis par concevoir de l’ambition et changeai à plusieurs reprises d’équipage, à chaque fois que cela me permettait de prétendre à une position plus élevée dans la hiérarchie complexe des navires. J’en vins à fréquenter l’élite de la piraterie, les Bellamy, les Rackham et les Teach, m’y faisant, et je me pique de m’en enorgueillir, plus d’amis que d’ennemis. Nous étions les princes des mers. Ah, si vous nous aviez vus du temps de notre gloire, quand la seule évocation de nos noms suffisait à frapper de terreur jusqu’à l’arrière-pays continental. D’aucuns caressaient le rêve d’une république de la flibuste, mais des hommes comme Bellamy ou moi n’étions pas loin de nous couronner rois.

 

Depuis des siècles, on voit arriver sur le port de New York un vieil homme habillé en marin et réglant ses achats à l’aide d’une monnaie datant du XVIIe. Chaque fois la routine est la même : l’homme échange son argent, se met en quête d’une herboristerie et profite pendant une quinzaine de jours des plaisirs que la ville a à lui offrir avant de disparaître. Seulement, au fil des ans, le bonhomme finit par attirer l’attention de personnages puissants et aux intentions douteuses. Rattrapé par ses poursuivants, le vieux loup de mer parvient de justesse à s’échapper… mais entraîne dans son sillage Wednesday, policière new-yorkaise enquêtant sur le curieux marin, et un caïd jamaïcain du nom de Joab. Si ce dernier ne semble pas du tout surpris de se réveiller sur une île paradisiaque peuplée d’Indiens, de pirates, d’une fée et d’un énorme crocodile, la jeune femme a pour sa part un peu plus de mal à encaisser le dépaysement. Et elle n’est pas au bout de ses peines ! Vous l’aurez sans doute déjà compris, c’est dans le célèbre roman de James Barrie qu’Alex Nikolavitch puise son inspiration. Loin de nous proposer une « version bis » de l’histoire que l’on connaît tous, l’auteur s’éloigne au contraire du récit d’origine et le réarrange à sa sauce. Il en résulte un roman très court et assez étrange mais dont on s’amuse à découvrir les bizarreries. On y retrouve évidemment tous les personnages clés de l’œuvre de Barrie, reconnaissables mais malgré tout très altérés : Peter Pan s’enfonce dans la dépression et devient de plus en plus violent, Crochet perd la tête et la mémoire, Lili la tigresse s’impatiente de prendre enfin la tête de sa tribu…

L’auteur mène une réflexion intéressante sur les archétypes dans lesquels se seraient peu à peu laissés enfermer les personnages au contact de cette île hors du temps et du monde. Cet aspect du roman fait d’ailleurs beaucoup penser à une autre parution récente des Moutons Electriques consacrée elle aussi aux mythes et aux contes pour enfant (« Sombres cités souterraines » de Lisa Goldstein). Les tentatives de Nikolavitch pour rattacher ces personnages fictifs à notre propre histoire sont elles aussi réussies : Mouche et Crochet se transforment en redoutables « princes des mers » ayant navigué aux côtés des plus terribles pirates, quant à Peter Pan on le découvre fils d’une famille riche arpentant le monde en quête d’immortalité et de jeunesse. Cet aspect bien précis n’est d’ailleurs pas sans me faire penser à une autre référence : la série télévisée « Black Sails », qui mélangeait elle aussi pirates tirés de nos livres d’histoire et personnages fictifs issus d’un autre classique de la littérature (« L’île au trésor »). Ce procédé permet à l’auteur de multiplier les références à certains mythes issus des civilisations indiennes ou vikings, ainsi qu’à de célèbres pirates comme Teach mais aussi Anne Bonny, Jack Rackham ou encore Mary Read. La brièveté du récit ne permet évidemment pas à l’auteur de trop s’étendre mais les personnages qu’il dépeint sont tous convaincants, à commencer par Mouche qui bénéficie d’un traitement plus poussé que ses camarades. Sans être trépidante, l’intrigue se suit quant à elle avec plaisir et se termine sur une chute certes prévisible mais tout à fait appropriée au ton du récit.

 

Alex Nikolavitch parvient à se réapproprier avec efficacité l’univers et les personnages de Peter Pan et nous offre une histoire amusante et originale. Une lecture rafraîchissante à découvrir !

Autres critiques : Blackwolf (Blog-O-livre) ; Célindanaé (Au pays des cave trolls)

Critique réalisée dans le cadre du Challenge Summer Short Stories of SFFF 3

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

10 commentaires

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