Science-Fiction

La Tartine du Dimanche matin #20 : Pour une littérature « qui claque sa mère » !

Nous avions d’ores et déjà signé l’Appel de l’Imaginaire lancé officiellement au Salon du Livre de Paris 2017, mais notre saut aux Imaginales 2017 était l’occasion de voir comment cette initiative allait se poursuivre.

Ce billet est un peu une réflexion toute personnelle formulée à la suite de la table ronde présentée aux Imaginales (http://www.actusf.com/spip/Imaginales-2017-Etats-generaux-de.html) sur ce sujet avec, en intervenants, Mireille Rivallant (librairie et éditions L’Atalante), Nathalie Weil (éditions Mnémos), Simon Pinel (librairie et éditions Critic) et Jérôme Vincent (site d’actualités et éditions ActuSF), et où Natacha Vas-Deyres était modératrice. Un « Mois de l’Imaginaire » avait déjà été lancé la veille afin de faire un petit « coup marketing » pour mettre en avant ces maisons d’éditions par le biais des librairies (communiqué de presse officiel).

Au cours de cette table ronde, les quatre intervenants ont, tour à tour, souligné le fait que le fait que la culture de l’imaginaire est plus globale que les seules littératures de science-fiction, fantasy et fantastique, la volonté de ne pas se placer en opposition avec la littérature dite « blanche », ainsi que l’importance de mutualiser les initiatives, sans ego mal placé. De fait, il faut attendre les conclusions qui seront présentées lors des États Généraux de novembre 2017 pour savoir si les littératures de l’imaginaire sont sous-médiatisées ou non, sous-considérées ou non, « sous-mises » en valeur en librairie ou non.

Pour reprendre l’expression proposée par Jérôme Vincent, à quoi peut bien rimer une littérature « qui claque sa mère » ? À mettre en avant des thèmes oubliés par le grand public déjà. En effet, à force de vouloir tout rationaliser, tout voir tout de suite, au mépris de l’analyse approfondie, nous évitons trop souvent de regarder loin en arrière, loin en avant et loin dans l’étrange. En cela, l’imaginaire, au sens de fiction dépassant le cadre du monde strictement réel et présent, propose forcément des récits qui favorisent l’évasion.

De fait, une des premières volontés de n’importe lequel des défenseurs de l’imaginaire devrait être de le mettre au même niveau que le reste de la production littéraire. Ceci est valable que ce soit du point de vue des médias quels qu’ils soient, mais également sur le terrain. L’exemple de la « rentrée littéraire », désormais dédoublée, est flagrant : les littératures de l’imaginaire ont, elles aussi, des auteurs réguliers, voire très réguliers, qui participent chaque année à des événements au tournant d’août-septembre. De même, dans les salons du livre dits « généralistes », y a-t-il une mise en place égale des auteurs et des éditeurs de l’ensemble des littératures ? Pour en fréquenter quand même quelques-uns en visiteur comme en coulisses, ils ont pour vocation particulière de mettre l’accent sur la littérature dite « blanche », générale, du quotidien, voire « d’actualité » (le politique fait extrêmement vendre au Salon du Livre de Paris par exemple).

Cela sous-entend automatiquement de ne pas chercher à faire de hiérarchie entre science-fiction, fantasy et fantastique, ou même entre tous les autres genres qui peuvent s’y affilier de plus ou moins loin. Trop souvent, des tiraillements existent entre les délimitations et les prés-carrés de chacun de ces genres ; trop souvent, les défenseurs de l’un cherchent à grappiller de la légitimité au détriment d’un autre : c’est inutile et nous n’en sortons pas grandis. C’est donc déjà un très bon signe de voir autant d’éditeurs, qui certes se connaissent très bien puisque se côtoyant tout au long de l’année, ainsi se réunir autour d’événements communs.

À l’instar de Mireille Rivallant, rappelons l’évidence : nous sommes des défenseurs de la littérature en général, du livre en lui-même et ensuite de toutes ses extensions en lien plus ou moins direct. Ainsi, centrons-nous sur ce qui rapproche entre eux auteurs, éditeurs, libraires, critiques, lecteurs, bibliothécaires, universitaires, enseignants : l’amour du livre.

Sous quel nom se revendiquer ? Pendant ladite table ronde, Christophe Thill (éditions Malpertuis) a soulevé la fameuse question problématique de l’appellation. En effet, rabâcher les termes de « mauvais genres », « sous-culture » ou de « littératures populaires » n’annonce pas les choses de façon engageante : il y aurait quelque chose de « mauvais » à lire du fantastique ? il n’y aurait aucune ambition littéraire en écrivant de la science-fiction ? il n’y aurait aucune réflexion sociétale en créant des mondes de fantasy ? Clairement, il s’agit de dépasser la question du nom ; la proposition de Jean-Charles Fitoussi de Premier Chapitre, en faveur de « Nouveaux territoires de fiction », est d’ores et déjà intéressante.

Cela fait beaucoup de questionnements évidemment, mais il est particulièrement réjouissant de voir qu’une même passion des livres permet de confronter des avis sur des sujets trop peu discutés. Il est tout autant charmant de voir une certaine émulation se créer dans ce but. En attendant la suite, lisez également l’article de Jérôme Vincent sur ActuSF et celui de Hubert Prolongeau sur Télérama.

Tout reste donc à faire, tout reste à voir, mais nous ne pouvons que soutenir une telle initiative qui ne cherche « qu’à » mettre en lumière une littérature multiple qui le mérite bien. Alors, soyons positifs, soyons constructifs et liseons de la SFFF !

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

Aucun commentaire

  • Apophis

    Euh, ouais… Moi je suis très partagé à propos de tout ça. D’un côté, j’approuve, tout ce qui peut donner à la SFFF la place qu’elle mérite en France (un pays de schizophrènes où personne ne rate le dernier Star wars au ciné ou le dernier GoT sur le net pour pouvoir en parler autour de la machine à café, mais où la lecture de SFFF est méprisée car gamine et taxée de littérature médiocre, de gare : cherchez l’erreur) est bon à prendre.

    Mais d’un autre côté, leur mois de l’imaginaire, là, je n’adhère pas du tout, et je n’y participerai probablement pas. Pourquoi ? Parce que pour moi, c’est du même niveau que la Saint Valentin : moi, je n’ai pas besoin d’une occasion spéciale, d’un jour précis, pour dire à une femme que je l’aime, pour lui offrir des fleurs, un cadeau ou aller au restaurant ; là, c’est pareil, de la promotion et de la pédagogie sur les littératures de l’imaginaire, j’en fais toute l’année sur mon blog, je n’ai pas attendu qu’une bande d’éditeurs vienne me dire quoi faire, quand et comment pour mettre ça en place. A la rigueur, j’assurerai le relais de ce qui me plaira dans cette initiative sur la page Facebook du blog, mais ça n’ira pas plus loin.

    • L'ours inculte

      J’suis assez d’accord, pour nous c’est un peu tous les mois le mois de l’imaginaire, mais je pense que l’initiative s’adresse pas à nous justement. C’est pour mettre ça sous le nez du reste du monde au même niveau que les genres plus mainstream mais pour nous ça va pas changer grand chose

      • belette2911

        Vous avez tout à fait raison, mais parfois, faut donner aux gens un « mois » pour les « forcer » à découvrir une autre littérature, à sortir de leurs sentiers battus, de leur zone de confort…

        Moi-même, je n’attends pas « le mois anglais » de juin pour lire des auteurs anglais 😆

        Je profite souvent d’un book-club obscur pour lire de la SF, fantasy ou fantastique et sortir de mes polars. Il me faut moi aussi une occasion et des propositions intéressantes pour lire de la SF ou revenir à des romans fantasy.

        Avant, c’était le genre policier qui était considéré comme de la littérature de gare, un sous-genre, de la merde pour les gens sans cerveaux. Un jour, tout change… 😉

    • Dionysos

      Bien évidemment que pour nous le Mois de l’imaginaire ne va rien changer, puisqu’on en critique constamment. Par contre, si ça fait plus de visibilité à ce qu’on lit habituellement, autant relayer l’idée.

      • Apophis

        Plus de visibilité ? Mais laisse-moi rire… Cette promotion va se faire surtout sur des plate-formes (sites des éditeurs, blogs, etc) spécialisées, que quelqu’un que la SFFF n’intéresse pas ne fréquente jamais. Donc que le Bibliocosme, le Culte d’Apophis ou le blog Tartempion participe ou pas, ça n’aura aucun impact sur les gens à convaincre, puisque seuls des gens déjà ouverts à la SFFF seront touchés.

        Pour donner à la SFFF la place qu’elle mérite en France, il faudrait une présence conséquente et soutenue (dans le temps) dans les mass-medias, ce qui n’est pas près d’arriver. Toute autre initiative est du mercurochrome sur une jambe de bois.

        • Dionysos

          D’accord, moi aussi je peux avoir ce pessimisme en tête bien souvent, mais il me semble qu’on ne comprend pas la même chose dans cette initiative.
          Et, à moins que je ne me rappelle plus ce que j’ai écrit (ce qui est encore possible), je ne parlais pas de participer à cela, comme si j’allais y avoir un impact, juste le relayer car c’est toujours « sympathique » de mettre la SFFF en avant. C’est sûr que si ça reste dans les réseaux habituels, ce sera une opération manquée. À mon avis, le but recherché par les éditeurs qui ont lancé l’idée n’est pas de toucher en premier les habitués (via les sites d’éditeurs, les blogs, etc), mais plutôt d’avoir droit à une mise en place privilégiée dans les librairies. J’y vois là l’objectif prioritaire, mais je me trompe peut-être.

  • Lutin82

    Je suis assez d’accord avec ce qui a été dit dans les commentaires. Et je ne suis même pas partagée. Cette initiative ne s’adresse pas à nous qui sommes déjà un public « conquis » (si je puis m’exprimer ainsi), inutile de tenter de nous convaincre de la valeur et de la qualité de ces littératures.

    En revanche, l’initiative pour renforcer le public, élargir la cible est la bienvenue. Tout ce qui pourra favoriser la pérennité (plus la diffusion) et modifier l’image de la SFFF auprès de la masse peut avoir un impact pour les amoureux de ces genres : plus de choix, plus d’écrivains francophones (audacieux) plus de traductions (et de traducteurs) et une perception plus positive dans les sphères privées et publiques.

    A l’image de ce que dis Apophis, et que nous faisons les blogueurs, nous sommes déjà dans cette démarche de promotion. Nous avons anticipé avant ces états généraux (et cela malgré quelques attaques contre les blogueurs et la valeur de leur « critiques »).

    • Dionysos

      Mais du coup, je ne voyais pas mon petit mot comme une adresse à tous les blogueurs pour suivre le mouvement, en fait. Juste une petite « expression libre » sur ce mouvement qui m’intéresse. Toute la question, c’est sûr, c’est comment élargir le public, on est bien d’accord.

  • aupaysdescavetrolls

    C’est clair que changer les mentalités ça prend du temps. Je suis assez d’accord avec ce que disait Apophis au tout début. Ceci dit à mon sens c’est la lecture qu’il faut promouvoir après les lecteurs viendront à l’imaginaire. Mais quand tu vois ce qu’on lisait au collège c’est pas avec ça que tu donnes envie aux jeunes de lire. Il y a pas mal d’initiatives intéressantes qui existent, dans un établissement, il y a des pauses lectures d’un quart d’heure par jour et ça marchait bien. En valorisant la lecture et ce que ça apporte, on donnera une meilleure image de l’imaginaire aussi.

    • Dionysos

      C’est sûr que ces initiatives (un peu comme la gestion des rayons SFFF en librairie d’ailleurs) dépendent uniquement des personnes et n’ont pas de relais institutionnels.
      Perso, j’ai découvert Bilbo le Hobbit en l’étudiant en 6e. Boudicca est documentaliste et case de la SFFF à foison, et moi en prof d’histoire, je fais mes petites recommandations de temps en temps ; c’est bien sûr des gouttes d’eau. 🙂

  • aupaysdescavetrolls

    Les gouttes d’eau font les grandes rivières :). Tu as eu de la chance de lire Bilbo en 6ème comme quoi les choses évoluent peu à peu.
    D’ailleurs j’ai connu Pevel dans un CDI d’un collège où je bossais comme quoi tout peut influencer 🙂

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